Baptiste W Hamon – Soleil, Soleil Bleu
Manassas
2019
Franck Houdy
Baptiste W Hamon – Soleil, Soleil Bleu
Un après-midi au volant de ma voiture, j’écoute France Inter. Une voix familière annonce « Je Brûle » de Baptiste W Hamon. Ma curiosité me pousse à monter légèrement le son de la radio. Je connais ce garçon depuis « Joséphine » (L’insouciance – 2016), je sais que j’aime bien mais sans en savoir beaucoup plus. La chanson diffusée est le premier single du nouvel album à paraître Soleil, Soleil Bleu. De sa voix de conteur, Baptiste se livre, installe une intimité qui me captive et me retient par sa simplicité précise. Surgissant par surprise, la boucle musicale du refrain m’entraîne et m’envoute puis le slam reprend et comme dans une urgence de révéler, il accélère de plus belle jusqu’à ce « Pour toi tu sais, ou tu ne sais pas peut-être… » et c’est alors comme un tourbillon de connivences qui grandit et dans lequel je me retrouve impliqué. À cet instant précis, par la grâce de l’arrangement réalisé autour de cette composition, sans le savoir, le chanteur vient de me connecter à un artiste que j’adore, Pierre Vassiliu, et plus précisément à une de ses chansons mythiques « En Vadrouille À Montpellier » m’offrant instantanément un passage de choix pour pouvoir emprunter les sentiers traversant ses contrées musicales. Désormais détenteur de la clé de ses champs, c’est avec un appétit d’ogre insatiable que j’entrepris quelques jours plus tard d’écouter, et de réécouter de nombreuses fois depuis lors, l’ensemble de ce nouvel album. Désormais je peux vous le confier, il y a définitivement beaucoup à dire sur cet artiste subtil et important qu’est Baptiste W Hamon.
Tout d’abord, son écriture est un assemblage de poésie, de prose, de rythme et de trouvailles qui font mouches : « Et tu trembles à mon sourire, Tu me questionnes, Et je tremble du tien », « J’exhume ma rupture avec une encre Qui fit de moi cette plume frêle », « À l’ombre du grand saule en pleurs, et la groseille de l’été Qui me séchait la bouche, était-ce un rêve? », « Si tu lisais dans mes songes Ce soir jusqu’à demain Tu crèverais les ombres De cet indicible entrain, Vois, comme on est bien ». Il narre ses récits comme des courts-métrages. Il y a dans ses histoires quelque chose de très direct mais toujours la part d’inattendu, le soin d’une démarche stylistique qui dit, sans trompette ni tambour, le soin qu’il apporte au travail du texte. À dire ces derniers à haute voix, pour soi ou plus largement, on ressent un bonheur que seule la poésie peut offrir. Afin d’éprouver ce plaisir-là, je ne saurais que trop vous conseiller de dire le texte « Récit » inséré au cœur du livret de l’album. Puis tous les autres.
Beaucoup à dire vous disais-je, sa voix, impossible de ne pas l’aborder. Baptiste W Hamon assume une interprétation qui pourrait sembler datée mais dont le contraste crée une passerelle à travers les espaces temps. Il chante avec une grande clarté, roulant ses mots et choisissant de mettre en valeur la résonance vibrante de ses graves. Tout cela donne vie à une interprétation à la résonnance originale et au magnétisme rare. On pense à Ferrat, à Brel, à Reggiani et sans doute que la liste pourrait s’étendre à d’autres bien entendu et sans le connaître, on imagine aisément qu’il a dû passer quelques années en compagnie de ces aînés. Comment ne pas avoir le frisson à l’écoute du dernier titre de l’album « Le Visage Des Anges » ? Cette pièce sublime, évocation des carnages perpétrés par la haine et l’embrigadement fanatique, nous laisse comme le souffle coupé, pendu à sa voix vibrante et dépouillée.
Les chansons de Soleil, Soleil Bleu sont principalement portées par une folk traditionnelle. Tous les ingrédients musicaux sont là pour affirmer cette volonté et cet amour et il est plaisant d’entendre la langue de Molière se mêler aux volutes de pedal steel (« Soleil, Soleil Bleu », « Coming Home », « J’aimerais Tant Que Tu Reviennes »). Des sons électroniques sont également présents, comme dans « Je Brûle », même si ce n’est pas cette dominante que l’on garde en tête morceau après morceau. « Bloody Mary » porte en elle la moiteur d’un club paumé que les sons de guitare électrique slidée ou martelant la ligne de basse finissent par dessiner sous nos paupières. Avec « Comme On Est Bien », Baptiste signe à mon sens une des plus belles chansons de l’année. Nous sommes là dans la grande tradition de la chanson française avec une interprétation chargée d’une émotion lyrique. Lorsque le refrain s’envole nous emportant par-dessus tout ce qui nous limite et nous contient, nous sommes projetés dans un hymne à la liberté et aux ailes que donne l’Amour. Superbe chanson ! Pour les plus folkeux, « Mon Capitaine » est l’adaptation de « Black Captain » de Bonnie « Prince » Billy, version d’ailleurs très joliment remaniée et interprétée en duo avec son auteur, excusez du peu !
Je ne saurais que trop vous inciter à vous plonger sans plus attendre dans l’écoute de ce très bel album. Baptise W Hamon est le fruit de plusieurs pulsions. Si l’Amérique est là, force tranquille, sonore et puissante, c’est par l’usage de mots bien de chez nous qu’il métisse les contours de sa musique aux accents country et folk. Il y a ici de quoi satisfaire bien des esthètes, des intransigeants et des curieux. Soleil, Soleil Bleu est assurément une des plus belles nouveautés musicales parvenues jusqu’à moi en ce premier semestre 2019.
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