Aswekeepsearching – Zia
Flowers Blossom In The Space
2017
Aswekeepsearching – Zia
Cette fois-ci, c’est du côté de l’Inde que mes oreilles ont été attirées. Aswekeepsearching (bien prendre sa respiration et éviter d’être quelque peu alcoolisé avant d’être capable de le déclamer d’une traite) est donc originaire de ce beau pays surpeuplé. Bien que le groupe ait parfois recours à des instruments traditionnels comme le tabla (percussions) ou la sitar indienne (« Sleep // Awake », « Sometime Somewhere », « Hope Unfold », etc.), cette culture musicale, ô combien mystérieuse et allochtone, n’écrase pas Zia. Pourtant, cela aurait sans doute été une solution de facilité pour le groupe afin d’accrocher l’auditeur par le recours à une surabondance de sonorités typiques. L’exotisme transpire également à partir des textes qui sont chantés en indien et traduits en anglais dans le livret. La langue des Beatles (j’en ai marre de toujours écrire « la langue de Shakespeare ») ne nous manque aucunement car la rondeur et la douceur du chant indien s’accordent remarquablement avec le post-rock progressif du groupe.
Une large place est laissée à la musique puisque seuls cinq des onze titres de Zia sont chantés. On sent qu’Aswekeepsearching possède un tel potentiel mélodique et technique qu’il n’a pas nécessairement besoin de chant pour l’enrober. Paradoxalement, la voix d’Uddipan Sarmah est si envoutante (« Uns », « Hope Unfolds ») qu’on aurait bien aimé succomber à son charme un peu plus souvent. Ces titres vous transportent littéralement vers un nirvana dont on ne revient pas complètement indemne.
Outre le chant, j’ai été frappé par les changements d’ambiances fréquents et d’une pertinence que l’on ne rencontre plus aussi communément. Le post-rock, ça peut devenir très vite chiant (et c’est d’ailleurs souvent le cas), mais nos cinq Indiens ont le feeling et l’inventivité nécessaires pour ne pas sombrer dans la facilité. Ils évitent d’évoluer systématiquement dans des ambiances dépressives et donc de se confiner dans des recettes éculées. Zia est l’album qui va comme un gant à Clair & Obscur car oscillant en permanence entre l’ombre et la lumière. D’ailleurs, les instrumentaux « Sleep // Awake » et « Light & Colors » portent bien leur nom. On peut y discerner l’importance de la solide et ondoyante basse de Robert Alex. Le concept de la jaquette, avec cette cocotte en papier dans une cage d’oiseau qui finalement parvient à s’en échapper, joue aussi avec ces oppositions. Il suffit également d’écouter le morceau initial de cette galette pour s’en convaincre. « And Then Came Spring » démarre par une très longue intro qui s’ingénie parfaitement à planter un décor mystérieux mais pas délibérément sombre.
Immédiatement, on identifie l’importance du jeu de batterie de Gautam Deb dont je dirais qu’il est tout à la fois très présent et discret. Je m’explique : il est impossible de ne pas remarquer sa technicité et sa complexité mais aussi le fait qu’il ne soit pas envahissant au point de dénaturer les mélodies. Par la suite, le morceau se muscle pour un final à la Anekdoten. Bien entendu, les claviers de Shubham Gurung associés aux riffs saturés ou non d’Uddipan Sarmah sont les moteurs de ces ambiances (comme par exemple sur « There You Are ») qui se mêlent et se démêlent en permanence tout au long de ce LP.
Il n’y a guère que « Reminiscence » qui m’est apparu un tantinet plus convenu mais peut-être était-ce délibéré de le placer juste avant le monstrueux « Kalga », d’une sensibilité émotionnelle dévastatrice, afin de jouer sur les contrastes. L’apport discret d’instruments à cordes y est particulièrement judicieux. Également, l’instrumental aérien « The New Solace » précède le merveilleux et déjà cité plusieurs fois « Hope Unfolds », ce qui permet une meilleure mise en valeur de ce dernier. Zia se clôture de façon plus légère sur « Sometime Somewhere » et même éthérée avec un « Ascend » irréel.
J’ai démarré cette chronique imprégné par cette musique captivante mais pourtant un peu « sec » d’un point de vue rédactionnel, le syndrome de la page blanche sans doute. En la relisant, je m’aperçois que je suis finalement parvenu à retranscrire correctement toutes mes émotions et la justesse de la production d’Asweekeepsearching. En tout cas, moi, j’ai arrêté de chercher car j’ai trouvé mon nouveau coup de cœur de cette année 2017.
Faudra qu’un jour je pense à aller traîner mes guêtres du côté de l’Inde, touristiquement mais aussi musicalement parlant, étant donné le genre de pépites comme ce groupe autochtone que l’on peut y dénicher. En tout cas, c’est un album que je vais certainement continuer à écouter encore pendant un bon moment.
Rudy Zotche