André Perim – Dàgua
André Perim
Autoproduction
« Dàgua », le premier album d’André Perim, est un joli voyage musical. C’est même quelque part un joli voyage tout court. Car à travers la musique, au-delà de la musique, c’est tout le Brésil qui se profile, un Brésil profond, complexe, fascinant. Alors, quand André Perim s’élance dans des envolées pianistiques, son jazz a un accent indéfinissable, mystérieux, un peu sorcier, mystique. Rien de folklorique ou de touristique dans tout ça. André Perim ne cherche pas à la jouer facile, du genre classique et convenu. Il la joue fine, délicate et recherchée. Même les musiciens qui l’accompagnent, à commencer par Rodrigo Sebastian, impressionnant à la basse, se faufilent entre les notes pour atteindre quelque chose de doucement tropical qui a souvent des relents d’Afrique. Mais c’est difficile de dire, André Perim brouillant les pistes avec talent, nous menant parfois sur les terres du rock progressif avant de virer soudainement de bord et de mettre le cap sur des rythmes sortis tout droit des favelas.
C’est un tantinet désarçonnant au début mais c’est surtout passionnant. L’oreille reste aux aguets, attentive et curieuse, abreuvée de mélodies aux saveurs incertaines et changeantes. D’autant qu’un thérémin entre à un moment en piste. Etrange mélange en vérité où s’associent Fender Rhodes, synthétiseurs et percussions dopées au candomblé. Tout ceci n’a pas de style dénommable, c’est juste un flot de rythmes et d’accords qui vous enlace comme un serpent géant d’Amazonie, comme ça, très amicalement, juste pour le plaisir de vous faire sentir sa puissance immense. Il faut plusieurs écoutes pour que cet écheveau se démêle un peu, devienne plus familier. Mais c’est alors qu’on aperçoit mieux les mille nuances des compositions d’André Perim, révélant tout le discret travail dissimulé derrière le réel plaisir qu’on a à parcourir « Dàgua ».
Voici un album à la fois court et généreux, onirique et sinueux. C’est aussi un album avant tout pianistique. On s’émerveille très vite des fabuleuses dispositions d’André Perim en face d’un clavier. Ses doigts courent avec fluidité et malice sur les touches blanches et noires, comme si les gammes pour le moins singulières qu’il convie à sa fête coulaient de source. Mais c’est le Brésil qui est au fond de lui qui rend la musique si suave. Bravo, pour un premier album, c’est une très belle réussite.
Frédéric Gerchambeau
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