Albéric Magnard – Symphonie N°4 / Chant Funèbre
Albéric Magnard (1865-1914)
EMI
Grand oublié des compositeurs de l’ère post-romantique, Albéric Magnard (1865-1914), a produit une musique d’une richesse et d’un raffinement qui auraient pu lui valoir un destin aussi couronné de louanges que celui de ses illustres contemporains. Mais voilà, le musicien, bien que bénéficiant de l’appui de son père rédacteur en chef au journal Le Figaro, aimait à s’isoler, chercha à être son propre éditeur, et une bonne partie des partitions qui n’avaient pas encore été publiées de son vivant périrent avec lui dans les flammes qui ravagèrent sa demeure. Près de 70 ans après sa mort, c’est avec panache que Michel Plasson s’est attaché à réhabiliter la mémoire de ce compositeur touchant, grand admirateur de la musique de Gustav Mahler. Pour sa dernière symphonie, Albéric a joué à fond la carte des contrastes. En effet, cette oeuvre majestueuse est bordée par des mouvements où des thèmes emportés, menés de front par des cuivres menaçants et des violons obsédants, sont entrecoupés par des moments féeriques portés par des violons en paix avec eux-mêmes et des vents berçants. Si l’écorce fleure bon l’agencement des contraires, le noyau semble en revanche privilégier des structures plus « stables ».
Le deuxième mouvement se révèle ainsi être une terre de fantaisie où la légèreté est portée par des rythmiques galopantes et une certaine espièglerie dans la complicité entre les vents et les cordes. Quant au troisième mouvement, il se caractérise par une sérénité indéfectible, même si l’on sent que les violons et les vents jouent tour à tour des coudes pour s’en extirper. La coda va jusqu’à nous bouleverser avec les violons prêts à pleurer toutes les larmes de leurs cordes.
L’enregistrement se poursuit par une élégie aux accents éplorés, « Chant Funèbre », où le déchirement des cordes et des vents baignant dans des brumes mélancoliques, n’est autre que le reflet de la douleur d’un fils face à la mort de son père. Il s’agit là d’un grand moment de musique symphonique. Refusant la facilité, Albéric donne corps à une musique riche en rebondissements, sans excès ni mélodie aguicheuse. Les instruments y sont d’une grande expressivité et il n’y est jamais question d’afficher une technique insolente.
Avec cette ultime symphonie pleine d’onirisme et un hommage funèbre des plus vibrants, surprenez-vous à vous régaler des délicieux nappages veloutés d’une première part du gâteau Magnard. Vous voudrez alors en reprendre d’autres, c’est certain !
Lucas Biela (9/10)
http://www.universalmusic.com/
[responsive_vid]