After All – How High The Moon

How High The Moon
After All
1988
Capitol Records
Lucas Biela

After All – How High The Moon

After All How High The Moon

Il n’est plus un secret pour personne que le Canada fut la plus grosse usine à AOR (rock FM) dans les années 80. En sortirent en effet Boulevard, The Arrows, Agent, Haywire, Metropolis… Pensez-vous, le style y était tellement en vogue que même des formations comme Saga, Rush, April Wine ou Triumph s’y sont jetées à corps perdu. Mais parmi les combos AOR qui n’ont pratiquement jamais fait parler d’eux, même dans le milieu, il faut citer les terriblement malchanceux After All. Malgré quatre singles, une production aux petits oignons, et une signature sur une major, leur unique album, How High The Moon n’a pas connu le succès attendu. Le groupe a alors été contraint de se séparer. Tentons ici de réparer cette injustice.

After All, c’est quatre musiciens de talent. Le chant est assuré par Scott Acomba. Todd Simko tient la guitare et intervient dans les chœurs. À la basse, mais également à la guitare et aux voix d’accompagnement, l’on retrouve Jordy Birch. Enfin, la rythmique est complétée par Leigh Grant à la batterie. Une des raisons qui pourrait expliquer le désamour vis-à-vis de ce bel album qu’est How High The Moon est qu’il ne s’inscrit pas dans une esthétique purement AOR. En effet, s’y bousculent des éléments de post-punk, de jangle pop, de power pop, et d’art rock, mais avec un appétit féroce pour les mélodies qui restent en tête. C’est ce dénominateur commun qui oriente la musique de nos Britanno-Colombiens vers le rock FM. Côté post-punk, c’est la guitare exprimant une douleur à la Mission que l’on retrouve de-ci de-là. C’est particulièrement vrai dans « Save Me From Myself » où les tourbillons de notes inquiètes nous bouleversent. « Bullets » achève même de nous fendre le cœur avec ses appels déchirants. C’est également ce chant où se mêlent désillusion et espoir qui rapproche la musique de nos Canadiens de celle de la bande à Wayne Hussey ou des premiers U2. Dans un morceau comme « 90-92 », on apprécie même cette capacité à passer de la gravité à la légèreté quand bien même cette dernière semble se fracturer dans ses cris éplorés. Preuve de la versatilité de notre chanteur, la nonchalance avec laquelle il rappelle qu’il n’a pas changé dans « Here I Am Again » donne des airs rêveurs au morceau. Cette désinvolture est en revanche signe de mélancolie dans « It’s Only The Blues ». Bien que le malheur y soit partagé sur un rythme prudent et autour de guitares circonspectes, on va assister à un jeu d’équilibre quand un élan d’optimisme voudra les saisir. Mais dans tous les cas, c’est cette résilience à toute épreuve, avec la promesse de voir la lumière au bout du tunnel qui donne sa force au chant. Le trépidant « The Color Of Mary’s Eyes » fait en effet autant couvrir des mains les yeux en larmes que lever les bras au ciel par la beauté médusante qui s’en dégage.

After All How High The Moon Band 1

J’évoquais les guitares angoissées typiques du rock gothique / post-punk. L’album est également émaillé de guitares acoustiques insistantes, un peu comme celles auxquelles nous avait habitués la formation art-rock The Church. Ainsi, plusieurs images défilent devant nous à l’écoute de ces sons rustiques. « Waiting » nous fait traverser les champs sous un soleil de plomb. A l’inverse, « 90-92 » nous donnerait le tournis devant l’immensité des gratte-ciels nous entourant. Ailleurs, l’enjoué et très beatlesien « Here I Am Again » nous fait profiter des moments d’insouciance de l’adolescence. Il en va de même avec le planant « Shadows Of A Dove » et sa trompette malicieuse. Parmi les musiques des années 80 qui donnent la pêche, on trouve également cette fameuse jangle pop héritée des Byrds. Ainsi, avec le beau temps de « Holiday », la guitare en profite pour avancer à cloche-pied et faire part de son enthousiasme. Les sons oscillants servent en revanche le blues de la séparation dans « The Boat Leaves Sunday ». On revient également au magnifique « The Color Of Mary’s Eyes» où l’excitation de la six-cordes côtoie un entrain vocal des plus communicatifs dans le refrain.

After All How High The Moon Band 2

Avec son patchwork d’influences, How High The Moon est une œuvre où la mélodie est toujours en filigrane. Quartet de talent, c’est avec élégance et classe qu’After All foulent un tapis qui respire autant la douleur que le bonheur. How High The Moon fait partie des albums oubliés du monde du rock, mais il n’en reste pas moins un bijou.

https://www.discogs.com/fr/artist/227691-After-All

 

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