Zopp – Dominium

Dominium
Zopp
Flat Circle Records
2023
Thierry Folcher

Zopp – Dominium

Zopp Dominium

Hello amis zoppers, votre groupe favori est de retour avec Dominium, un nouveau disque plein de vigueur qui confirme toutes les qualités révélées il y a trois ans par un remarquable premier album éponyme. Zopp, c’est le bébé du compositeur et multi-instrumentiste Ryan W Stevenson, véritable passionné de sons vintage en grande partie inspirés par cette fameuse école de Canterbury qui n’en finit pas de faire des émules plus de cinquante ans après. En tant que fervent admirateur et gros consommateur d’épopées canterburiennes, je ne pouvais passer à côté de ce jeune combo, très accrocheur et rempli de « good vibes ». Le chemin de Stevenson (petit clin-d’œil à mes origines cévenoles) est tout simple et en droite ligne. Pas de fioritures ni de faux-semblants. En deux mots ou presque, c’est un mélange de rock fringant et de jazz inventif avec des claviers et des guitares qui dominent une partition au service de longues improvisations aussi spontanées que bien écrites. La pochette du premier album résumait parfaitement la teneur du contenu musical avec un dessin allant d’une typique théière anglaise vers un scorpion plutôt piquant. Celle de Dominium prend le parti de l’expressionnisme à la Edvard Munch et ce n’est pas mal non plus. Ryan nous explique que pour cette nouvelle aventure, il a pioché une partie de son inspiration du côté de Marillion et de Yes. Mais attention, que les fans de ces deux monuments du rock progressif ne s’attendent pas à retrouver ici un clonage casse-gueule comme c’est parfois le cas. Non, on détecte seulement quelques petites touches inoffensives par-ci par-là, et puis c’est tout. Pour moi, Dominium est la suite logique du premier album avec une identité encore plus marquée et la présence de vocaux forcément bienvenus. Curieusement, Ryan n’hésite pas à qualifier sa nouvelle sortie de « bombastic » (grandiloquente) comme s’il s’agissait d’une qualité ou d’un péché tout à fait avouable. Honnêtement, pour m’être abreuvé il y a longtemps de choses assez pompeuses (Rick Wakeman et ELP entre autres), je ne trouve pas du tout le qualificatif de « bombastic » approprié à la musique de Dominium. Ce n’est qu’une question d’interprétation, voilà tout.

Dominium a été enregistré dans le home studio de Ryan situé dans la banlieue de Nottingham. Un enregistrement DIY (Do It Yourself) comme il dit et à propos duquel il revendique son côté artisanal et indépendant. Andrea Moneta, le batteur du Leviathan italien, est de retour aux fûts et assure ainsi une continuité presque évidente. La partie rythmique est bien sûr ultra importante pour ce genre de musique où les schémas classiques du rock sont de mise. En plus des claviers et de la guitare, c’est Ryan qui tient la basse démontrant une polyvalence assez remarquable chez ce jeune musicien. Le premier opus s’achevait avec le virevoltant « The Noble Shirker », de loin mon titre préféré et celui qui donnait envie de revoir Zopp rapidement. Et bien, Dominium est là et bien là avec sept nouveaux morceaux à la fois semblables et différents à ceux que l’on connaissait déjà. La recette du premier Zopp est reconduite mais cette fois, avec l’ajout du chant qui gonfle le potentiel et change la donne. C’est Ryan qui s’y colle et malgré quelques approximations cela reste convaincant. On pense à Camel ou à Caravan pour le timbre et pour le phrasé particulier des parties vocales. Les compositions sont avant tout au service des instruments et Dominium ne se prive pas pour nous le prouver. Les claviers sont omniprésents avec pour certains, un traitement fuzz des plus réjouissant. Écoutez la mélodie insistante de « Busnell Keeler » ! Vous verrez, c’est un pur bonheur pour tous ceux qui ont vu naître les fougueuses parties d’orgue de l’équipe à Pye Hastings. Cela dit, je ne voudrais surtout pas limiter la musique de Zopp aux nostalgiques qui veulent revivre un passé lointain et idéalisé. Non, tous les amateurs de néo-prog, de rock ou tout simplement de bonnes musiques peuvent s’y retrouver et consommer Dominium de façon spontanée sans faire de comparaison avec qui que ce soit.

Zopp Dominium Band 1

L’album débute doucement par le court « Amor Fati », une mise en bouche pleine de promesses dont les vocalises rappellent le Magma de Christian Vander et l’époque où l’art rock naissant s’ouvrait à toutes sortes d’expérimentations. Ensuite, « You » prend son temps avant de lâcher la bride à des chevaux piaffant d’impatience. Une retenue illusoire, bien sûr, car la cavalcade finira par se lancer et nous emporter dans un déluge de décibels maîtrisé. Onze minutes de folie où les claviers se distinguent et s’installent en maîtres des lieux. De jolis motifs au saxophone nous accrochent et nous séduisent au milieu d’une ronde échevelée qui s’achèvera par un puissant crescendo d’une rare intensité. Pas le temps de souffler que « Bushnell Keeler » remet la gomme mais dans un registre métissé où les breaks jazzy seront fort bien accueillis par un auditeur légèrement abasourdi. Il vient de vivre seize minutes tourbillonnantes dont il n’est pas sorti indemne, c’est le moins qu’on puisse dire. Du coup, l’attente de « Uppmärksamhet » se fait la boule au ventre et en croisant les doigts. Alors oui, le soulagement est immédiat et ce joli moment de retenue fait un bien fou. Le temps de reprendre ses esprits et « Reality Tunnels » repart à vive allure dans des schémas désormais bien connus et finalement très jouissifs. Arrive maintenant le petit bout de « Wetiko Approaching », gentil moment un peu déjanté, prétexte au lancement de la pièce majeure de Dominium, décidément plein de surprises. Les quatorze minutes de « Toxicity » seront en effet une grandiose conclusion où l’orgue et le mellotron, en bons fournisseurs de frissons, domineront les débats. Quelle félicité et quel pied on prend au milieu de cette farandole frénétique parsemée de flûte, de sax, de guitare et de vocaux bien en place. Comme pour « The Noble Shirker » qui terminait en beauté le premier album, « Toxicity » met tout le monde d’accord et achève Dominium avec l’envie d’y retourner, preuve de la qualité du travail de Ryan Stevenson et de ses quelques comparses.

Zopp Dominium Band 2

La musique de Zopp est à la fois physique et cérébrale. Elle réclame du temps et de la patience pour pouvoir livrer tous ses secrets. Alors bien sûr, ce sera peut-être plus facile à ceux qui ont parcouru et aimé les antiques ouvrages des cadors de l’école de Canterbury mais je suis certain que n’importe quel amateur de rock à l’esprit ouvert peut se régaler avec un disque comme Dominium. Il possède assez de bonnes vibrations et une pêche du tonnerre pour se révéler au mieux sur scène et dans vos écouteurs. Alors, deviendrez-vous un zopper ? C’est vraiment tout le mal que je vous souhaite.

https://zopp.bandcamp.com/

 

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.