Yes – The Ladder

The Ladder
Yes
Eagle Records
1999
Philippe Vallin

Yes – The Ladder

Yes The Ladder

A la fin des années 90, Yes traverse, une fois n’est pas coutume depuis la fin de son âge d’or, une période des plus bancales sur le plan artistique. En 1999, le groupe publie « The Ladder », un album qui voit le retour de la belle pochette onirique signée Roger Dean, ce qui en général est plutôt bon signe ! Mais quelle était donc la teneur musicale de cette nouvelle galette de nos vieux dinosaures préférés du rock progressif ? La suite logique aseptisée et un peu facile du très diversement apprécié « Open Your Eyes », ou un nouvel essai de retour au grand Yes, pas loin d’être transformé d’ailleurs quelques mois plus tôt avec la parution successive des deux doubles volumes de « Keys To Ascension » ? A vrai dire, ni l’un ni l’autre, et un peu des deux à la fois, comme cela avait d’ailleurs été annoncé par les membres du groupe au cours d’interviews données à la même époque (époque qui voyait aussi le line-up de Yes se renouveler à chaque parution de disque, à tel point que même les fans n’arrivaient plus à suivre !)

« The ladder » sera donc, comme prévu, le disque de tous les compromis. On retrouve aux commandes Jon Anderson et Chris Squire, secondés par leurs vieux acolytes Steve Howe et Alan White, sans oublier les deux petits nouveaux du moment, à savoir l’américain Billy Sherwood (toujours aussi discret qu’efficace) au chant et à la guitare, ainsi que le russe Igor Khoroshev aux claviers. Bref, une formation identique à celle du dernier disque en date, un miracle en somme chez Yes ! Mais venons-en au contenu musical de ce nouvel opus, forcément attendu au tournant par les amateurs du groupe. A vrai dire, c’est quand même une sorte de grand bazar général où se côtoie, compromis oblige, le meilleur et le (relativement) pire. Pour imaginer ce que l’on peut ressentir à la première écoute du disque, il suffit de se replonger en 1991, date de la sortie du bancal et frimeur « Union » (mais loin d’être aussi mauvais que beaucoup de critiques le prétendent) : le contenu est certes différent, mais l’effet un peu fourre-tout reste le même.

L’album démarre en grandes pompes avec « Homeworld », la bande originale d’un jeu vidéo (si si !) qui, au travers de ses presque 10 minutes au compteur, affiche une vraie ambition retrouvée et un lyrisme que l’on n’avait pas entendu chez les anglais depuis longtemps. Seul « New Language », l’autre « long » titre de l’album, pourra rivaliser sur ce terrain. Rien à redire, c’est bien léché, efficace et progressif à souhait avec cette montée en intensité qui va crescendo. Les musiciens sont au sommet de leur forme, les parties de claviers du jeune prodige russe n’ont rien à envier à celles d’un Rick Wakeman, Steve Howe ponctue le titre de ses interventions immédiatement reconnaissables en jonglant avec ses guitares, Jon Anderson est toujours en très grande voix, bref, la magie opère !

Le reste sera à mon sens un cran en dessous, même si le disque révèle tout de même de biens agréables moments, à commencer par tous ces petits clins d’œil à ABWH en forme de délires ethniques : quelques notes de koto japonais sur l’introduction de la jolie ballade « It Will Be A Good Day », du didjeridoo sur l’anecdotique « Can I » (et sa très nette allusion à l’album « Fragile »), une ambiance latino exotique avec « Lightning Strikes » et son rythme ska qui n’est pas sans rappeler le « One Step Beyond » de Madness, pas génial, mais assez fun et plutôt de bon goût (pas de nouveau « Teakbois » à craindre ici). Yes propose aussi au menu un bien bel hommage à Bob Marley avec le bien nommé « The Messenger », superbe chanson en forme d’hymne bien mérité, avec un Jon Anderson qu’on sent très impliqué émotionnelement, et où le rythme reggae appuyé par l’énorme Rickenbacker de Chris Squire fait des merveilles ! On a même droit sur ce nouvel opus à un flash-back vers « Big Generator » avec « Finally » qui donne à fond dans le rock FM de l’ère Rabin, avec le gros son bien léché et l’impact mélodique immédiat. Bref, voilà un bien sympathique cocktail yessien comme il fallait s’y attendre, agréable à défaut d’être transcendant.

Mais le grand Yes pouvait-il vraiment renaître de ses cendres ? Car il ne suffit pas de rallonger la durée des morceaux et de reprendre l’imagerie aussi géniale que nostalgique de l’illustrateur Roger Dean pour signer un grand album, ce que « The Ladder » n’est certainement pas. Au moment de sa sortie, le génie et l’inventivité chez Yes semblaient bien être relégués à jamais dans son glorieux et lointain passé. Pourtant, le groupe retrouvera deux ans plus tard une fraicheur inespérée avec « Magnification » (2001), bien plus cohérent et abouti, avec l’ajout d’un orchestre symphonique entier parfaitement intégré à son esthétique, et, plus récemment, avec l’excellent « Fly From Here » (2011). Cet opus voyait le retour de l’immense Trevor Horn à la production, pour un album dans la droite lignée de « Drama », un classique qui compte parmis les œuvres les plus originales et réussies de Yes, toutes périodes confondues. Comme quoi, le groupe de Chris Squire (car Jon Anderson semble bel et bien avoir définitivement quitté le navire, mais sait-on jamais avec Yes ?) n’a peut être pas encore fini de nous surprendre !

http://www.yesworld.com/

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