The Great Old Ones – EOD : A Tale Of Dark Legacy

EOD : A Tale Of Dark Legacy
The Great Old Ones
Season Of Mist
2017

The Great Old Ones - EOD

Immersive, voire cinématographique, la musique de The Great Old Ones laisse place à l’imagination, l’élaboration et la construction de paysages aussi figuratifs, mentaux que narratifs. Les mots écrits autrefois par H. P. Lovecraft semblent se détacher, devenant couleurs, formes, personnages, états d’esprit, bref prennent consistance et vie en une masse tentaculaire qui sied parfaitement à la vision de l’auteur américain. L’art des bordelais est d’avoir su insuffler dans leur black metal atmosphérique autant d’intensité que d’étrangeté où l’on peine à discerner la beauté d’un instant de l’angoisse et l’horreur brute qui semblent s’abattre soudainement. La cohésion des deux précédents opus n’est plus à pointer, les français ayant parfait leur style à mi-chemin entre littérature sonore, impression picturale et metal extrême aussi percutant qu’évanescent.

The Great Old Ones - Band

Suite à l’adaptation de la nouvelle Mountains Of Madness dans l’excellent Tekeli-Li (2014), le groupe a quitté son ancien label pour rentrer dans l’écurie Season Of Mist. Il a enchaîné les dates européennes et revient avec non pas la transfiguration de la nouvelle The Shadow over Innsmouth, comme on aurait pu se douter de prime abord, mais par une interprétation possible de ce qui pourrait se passer ensuite. Autant exposition que prolongement de la nouvelle initiale, EOD : A Tale Of Dark Legacy traduit la nouvelle de Lovecraft, et ce qui en découle, d’une manière plus brute et angoissante. Pas de froid polaire ici bas, mais une atmosphère pesante, compacte quasi vindicative sur une durée plus resserrée comme si le temps était mesuré pour compter cette histoire indicible. La production, elle, est plus imposante, efficace et nous fait rentrer directement dans la ville côtière d’Innsmouth, ses rues graisseuses, son malaise ambiant, ses habitants mal-formés aux yeux globuleux et ses rituels sanglants. On y sent une urgence, une envie de fuir des forces qui nous dépassent et nous rattrapent. Et bien que l’on retrouve ces passages éthérés, quasi shoegaze, qui font la marque de The Great Old Ones, tels de brefs instantanés en suspension, c’est l’aspect massif qui prime. Certains diront qu’on y perd en contemplation au profit d’une énergie misant sur l’efficacité. De ce côté, pas de crainte, le groupe sait faire éclater une violence libératrice portée tout aussi bien par les voix de Benjamin et de Jeff que par la solidité des trois guitares rythmiques. Mais, ce serait réducteur, vous pensez pas ? Oui, les choses qui apparaîtront frontalement seront ce tempo véloce (mention au jeu précis du batteur Léo Isnard) et cette envie d’aller à l’essentiel en ne s’embarrassant d’aucune longueur, cependant, l’on retiendra aussi les percussions innovantes, les touches d’orgues sur le morceau « The Ritual » comme l’on se souviendra des chœurs déclamatoires et de ce violoncelle parsemant l’album, créant cette ambiance grinçante. Ces passages absolument chaotiques, voire épileptiques, laissant parler l’humidité et la vermine avec un éclat peu commun. Ce sont ces marques « indistinctes » qui rendent EOD : A Tale Of Dark Legacy plus aventureux et anxiogène, démontrant que les Bordelais savent faire évoluer leur musique au gré des vagues dégueulant des entités monstrueuses et impies à mon plus grand soulagement narquois.

Je pourrais tergiverser durant des semaines sur les détails parsemant cet album mais ça, on s’en fout. L’important c’est l’impression de grandeur face aux rachitiques bestioles que nous sommes. Si, effectivement, ce nouvel opus ne permet pas d’asseoir définitivement The Great Old Ones sur un trône de granit, il impose définitivement les Français comme un fleuron de la scène contemporaine. Quelque part, et c’est confirmé, c’est brillant.

Jéré Mignon

 http://www.thegreatoldonesband.com/

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