The Cinematic Orchestra – To Believe

To Believe
The Cinematic Orchestra
Ninja Tunes
2019
Thierry Folcher

The Cinematic Orchestra – To Believe

The Cinematic Orchestra To Believe

Il y a douze ans (une éternité), The Cinematic Orchestra publiait Ma Fleur, un remarquable troisième album superbement introduit par Patrick Watson et la chanson « To Build A Home ». Un pas de géant qui allait révéler le groupe et son univers hypnotique fait de longues séquences répétitives porteuses d’images. The Cinematic Orchestra est un groupe Londonien créé à la fin des années 90 par Jason Swinscoe se situant à la croisée d’un nu-jazz électronique très original où se mêlent trip-hop, funk, ambient et orchestrations classiques. Chez eux la recette est simple, le socle de départ est toujours composé d’une atmosphère sereine, propice à la rêverie et sur laquelle viennent se greffer des éléments envoûtants par la voix (souvent soul) ou par l’instrumentation (souvent jazz). Ma Fleur a malgré tout souffert de l’écrasante popularité de « To Build A Home » et j’ai le sentiment que cet album manquait d’équilibre et de consistance par moments. Alors qu’en est-il de To Believe qui débarque (enfin) en ce début d’année 2019 ? Les premières écoutes sont vraiment encourageantes. Les deux comparses Jason Swinscoe et Dominic Smith, compositeurs, concepteurs et présents sur tous les fronts, ont donné beaucoup plus de consistance à l’ouvrage. Ce n’est plus seulement une succession de titres, c’est un ensemble fourni, charnu, de près d’une heure, que l’on déguste enfin comme un véritable album. J’ai ressenti les mêmes sensations d’évasion et de plaisir tout simple qu’avec le Planetarium de l’équipe à Sufjan Stevens, c’est dire le niveau.

Douze ans c’est long, mais The Cinematic Orchestra n’a pas chômé pour autant. Entre les prestations scéniques dans toute l’Europe ponctuées par un album live au Royal Albert Hall en 2008, puis l’écriture de bandes originales de films, le temps est passé assez vite. En plus, il a bien fallu gérer l’extrême popularité des motifs musicaux que l’on peut entendre sur de nombreux supports visuels (séries ou publicités). L’idée d’un nouvel album a germé depuis la publication en 2016 du morceau « To Believe » qui allait trois ans plus tard lui donner son nom. Six nouveaux titres vont donc l’accompagner pour ce retour tant attendu par les fans. La production et les arrangements de Jason et Dominic sont d’une extrême précision et certainement magnifiés par le mixage de Tom Elmhirst aux célèbres studios Electric Lady de New York. De nombreux collaborateurs, anciens et nouveaux, vont venir donner de la consistance et un savoir faire appréciable. Que ce soit au chant ou à l’instrumentation, les multiples choix semblent se révéler tellement judicieux que rien ne gène ou donne l’impression de sortir du cadre. Comme je le disais, c’est l’homogénéité qui fait la différence par rapport à Ma Fleur qui paraissait à mon sens un tout petit peu bancal. Écouter To Believe, c’est partir pour un voyage très tendre, souvent subliminal et propice à la méditation. Pour situer encore plus The Cinematic Orchestra, il faut savoir qu’on l’associe souvent à l’univers mélancolique de l’islandais Ólafur Arnalds ou au monde électronique du Floating Points de Sam Shepherd.

The Cinematic Orchestra To Believe Band 1

Ce nouvel album commence donc avec « To Believe » le fameux titre de 2016, chanté et co-écrit par Moses Sumney. Un démarrage sur la pointe des pieds avec juste quelques notes de guitare et les mots à peine susurrés de Moses. L’ambiance est d’une douceur incroyable et transporte des paroles qui font appel à nos croyances et nos choix de vie. Des mots qui interpellent mais qui ne sont rien par rapport à la puissance évocatrice de la musique. Pour s’en convaincre il suffit d’écouter cette explosion de cordes qui, à la manière d’une lumière révélatrice, va tout d’un coup illuminer nos sombres pensées. Une belle réussite et du grand art qui met immédiatement To Believe au rayon des disques à part, de ceux qu’on attend toujours désespérément. Je me permets déjà de magnifier l’objet, car je connais la suite, et la suite est largement à la hauteur de ce premier morceau. Avec en premier lieu « A Caged Bird/Imitations Of Life », un titre où The Cinematic Orchestra enclenche la première au son d’une percussion « clap hands » rejoint juste après par quelques accords jazzy et la voix de Roots Manuva. Le gars de Stockwell, entrevu en 2002 sur l’album Every Day, nous fige littéralement avec son chant ultra expressif mi rap, mi romance façon Barry White. Le sujet et la composition sont dans la continuité du précédant avec toujours le même soin apporté à la production et aux arrangements. On ne s’ennuie pas une seconde et le moteur s’emballe carrément sur « Lessons », véritable transe hypnotique dont on ressort abasourdi. Ce titre est sans cesse relancé par les mêmes notes de clavier qui reviennent inlassablement apporter un souffle dynamique à cette cavalcade endiablée.

Ensuite c’est au tour de Tawiah, la chanteuse soul d’origine ghanéenne, de prêter sa voix à « Wait For Now/ Leave The World », un titre quasi religieux assez classique dans sa forme mais avec toujours des trouvailles qui savent sublimer la voix et rendre l’ensemble très cinématographique. Les images défilent et les sons électroniques deviennent évocateurs sur la fin, à l’image de ce léger ressac maritime que vous verrez, c’est sûr, en fermant les yeux. Une exaltation méditative qui ne sera guère troublée par « The Workers Of Art », un instrumental d’une beauté à couper le souffle. Les arrangements de cordes de Miguel Atwood-Ferguson sont superbes et dignes des plus belles bandes originales. On reprend une légère (très légère) frénésie rythmique sur « Zero One/ This Fantasy » où le chant de L.D. Brown, aka Grey Reverend, se fond lui aussi à merveille dans l’univers de The Cinematic Orchestra. Les paroles sont elles aussi dans le registre habituel et quand le révérend gris chante :« Everyone needs someone to believe… », c’est pour nous aider à croire en soi, en l’amour et aux autres. Les paroles sont porteuses d’idées que l’on peut trouver pesantes mais qui n’altèrent en rien l’énergie envoûtante de la musique. Le voyage s’achève avec « A Promise », une virée de onze minutes en compagnie du chant androgyne d’Heidi Vogel. Ce trip-hop de grande classe va servir de terrain d’atterrissage à un album parfait de bout en bout.

The Cinematic Orchestra To Believe Band 2

Avec To Believe, je suis devenu croyant et sans retenue. A tel point que je tiens là mon premier coup de cœur de l’année. Le travail des compères Swinscoe/Smith est remarquable et constitue à mon sens un aboutissement créatif. The Cinematic Orchestra tient là sa pièce maîtresse qui va sans doute (du moins je l’espère) marquer les esprits.

Pour finir, je m’adresse à tous les progueux ouverts d’esprit et qui, comme moi, sont de plus en plus déçus par des productions tièdes et sans saveur, je leur dis : « Essayez The Cinematic Orchestra, vous ne le regretterez pas ! » Jason Swinscoe et ses acolytes nous offrent tout simplement la musique du 21ème siècle.

https://cinematicorchestramusic.bandcamp.com/

 

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