Suzanne Vega – Close-Up

Close-Up
Suzanne Vega
Cooking Vinyl
2010 / 2012
Jean-Michel Calvez

Suzanne Vega – Close-Up

Suzanne Vega Close-Up

En 1985 apparaissait une voix nouvelle du folk made in USA. Voix très discrète, fragile en apparence (pas si éloignée de celle d’Agnès Obel ou d’Emily Jane White), mais qui a ensuite tracé son chemin, sortant parfois du folk après ses deux premiers LP, pour un virage doux vers des ambiances pop ou trip hop, plus rock et plus électriques. Malgré, ou grâce à la tonalité presque adolescente de ses ballades mid-tempo, Suzanne Vega nous avait séduits d’emblée de son charme de lutin androgyne aux cheveux courts, de sa voix chuchotée, et avant tout par ses textes : des sujets et drames intimes de tous les jours, comme le poignant « Luka , qui l’a lancée, mais aussi « Cracking », « Undertow » et bien d’autres. Rien à jeter ni même de banal, à ses débuts.

Hélas, comme beaucoup d’autres, notre petite fée du folk US s’est heurtée à la saturation du marché depuis les années 2000, où tout novice peut enregistrer son CD dans son garage ou son salon voire dans son lit – bref, à la maison – et se lancer ainsi, ça peut même marcher ! La concurrence est donc devenue féroce, plus encore avec cette « dématérialisation » facilitant la diffusion pour tous (sous-entendu : le monde occidental tout entier). Lâchée par A&M Records après Songs In Red And Gray, son sixième album studio (s’ajoutant à quelques live ou compilations) puis Beauty & Crime, un septième opus studio chez Blue Note), elle a dû faire face au désert, traverser l’Atlantique et signer sur le label londonien indépendant Cooking Vinyl. Et plutôt que d’y multiplier les compilations, Remasters et autres « fonds de tiroirs » occupant parfois le terrain, elle se lance en 2010 dans un exercice bien plus honnête et authentique, en réenregistrant ses meilleures chansons (il y en a beaucoup !) en version minimaliste, sans synthés ni guitares électriques, ou presque. Bref, elle se réinvente, se recentrant sur sa voix et sa guitare acoustique, tout ce qu’on préfère chez elle. D’où le titre générique Close-Up de ces quatre digipacks rebattant les cartes pour proposer une version épurée, presque chuchotée à l’oreille, de ses succès passés. L’effet de Close-Up est assez saisissant, en particulier au casque, comme si nous étions assis juste en face de notre lutin avec guitare, voire plus près encore, presque suspendus à son souffle.

Suzanne Vega Close-Up Band 1

Comme on vient de dire, les cartes (celles de la chronologie) sont donc rebattues, et les chansons regroupées par thème sur quatre opus successifs enregistrés en deux ans : Love Songs (vol.1), People & Places (vol.2), States Of Being (vol.3), et Songs Of Family (vol.4). Le fait de sortir les mêmes en LP (séparés ou réunis en coffret) en limite la durée à moins de 45 minutes chacun mais, selon l’adage bien connu et ici respecté à la lettre, ne pas confondre quantité et qualité, car mieux vaut un album bref et intense qu’un ventre mou. On ne va pas détailler les titres (sur quatre volumes, ça en fait une bonne cinquantaine !), mais tous soutiennent largement la comparaison avec les versions originales, pour ne pas dire qu’ils la dépassent souvent en chaleur et en intimité. Qualités déjà atteintes sur les albums originaux, et qui se trouvent ici transcendées par cet effet Close-Up dont on vient de parler. Sans se limiter au duo voix et guitare acoustique, Suzanne Vega a su s’entourer d’un petit groupe de musiciens discrets tout comme elle (et même de quelques cordes, à l’occasion), pour revisiter ses titres et les épurer de magnifique façon, mettant bien plus en valeur sa voix qu’avec le soutien de « banales » orchestrations rock. Ce qui était plus vrai encore sur certaines chansons d’après 1990, où l’électricité prenait un peu trop le pas (comme sur l’album 99.9F° de 1992), et qui reviennent toutes ici à une tonalité intimiste qui leur va mille fois mieux. Avis d’un fan de folk, mais chacun en jugera selon ses critères ; la même dichotomie a été souvent évoquée pour Bob Dylan ou Neil Young, les deux facettes de ces pointures, la folk et la rock, l’acoustique ou l’électrique, ayant chacune leurs fans irréductibles.

Suzanne Vega Close-Up Band 2

Pour qui aimait déjà Suzanne Vega, Close-Up est un incontournable. Et pour les autres, ceux qui la découvrent ou qui (comme moi, je l’avoue) l’avaient un peu perdue de vue (disons d’oreille) dans les années 90, c’est une excellente réintroduction à ce qu’elle est devenue, car ce « nettoyage par le vide », en conservant l’essence de ce qui fait la pureté de sa musique (voix + guitare), est bien plus passionnant que ses nombreuses compilations. Et si l’étiquette Oldies but Goldies ne se justifie pas tout à fait ici (2010, c’est pas encore si loin de nous), une bonne part des titres de ces Close Up ont quand même 20 à 25 années de plus dans nos mémoires (eh oui, le temps file !), dont d’authentiques « tubes », « Luka », « Small Blue Thing », « Marlene On The Wall » ou « Cracking », qui nous avaient enchanté à une époque qui devient lointaine. Si j’avais le droit de considérer ce quadruple album comme un seul (je peux toujours tenter le coup !), il ferait partie des dix autorisés de ma Top List, et je le prendrais sans hésiter pour mon île déserte, comme un carré gagnant. Pas question, tranche le GO ? C’est tricher ? Ok chef, alors j’en prends au moins un… mais lequel ? Ou peut-être deux, finalement ?

https://www.suzannevega.com/

 

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