Squackett – A Life Within A Day

A Life Within A Day
Squackett
2012
Esoteric Recordings

Squackett_cover

Non, Squackett n’est pas le nom d’un nouveau sport à la mode, mais la réunion de deux légendes du rock progressif, à savoir Chris Squire, bassiste co-fondateur de Yes, et Steve Hackett, le guitariste de l’âge d’or de Genesis. Et la genèse justement de ce duo inédit remonte il y a environ 4 ans, lorsque Chris Squire, en pleine gamberge sur un nouveau projet solo en marge de son groupe de référence (plus que jamais en activité malgré ses 40 ans passés de carrière !) pense à inviter Steve Hackett pour les parties de guitares à assurer. La rencontre se fera sans peine, mais il en résultera au final un vrai travail créatif en duo mettant de côté le projet initial du bassiste chanteur, avec un bel équilibre entre les univers de chacun, fruit de la réunion au sommet de deux fortes personnalités musicales. Ce n’est pas la première fois que des membres de Yes et Genesis composent ensemble, on se souviendra en effet d’un GTR de triste mémoire en 1985, collaboration sans grand intérêt entre Steve Hackett et Steve Howe (guitariste de Yes et d’Asia), qui avortera sans regret avant la parution d’un second opus pourtant en préparation.

Fort heureusement, Squackett est d’un tout autre niveau de qualité, de finesse et d’inspiration, malgré son accessibilité et son format pop. Annoncé depuis deux ans comme étant quasi terminé, l’album se fera encore attendre, le temps pour le duo de trouver une maison de disque. Et c’est finalement auprès d’Esoteric Recordings, excellent label qui porte très bien son nom, davantage dédié aux rééditions de grands classiques ou vieux trésors de brocante (rock progressif, psychédélique, jazz-rock canterburien, rock planant allemand, etc.), que nos deux compères signeront le contrat qui leur permettra de publier leur ouvrage. Pour enregistrer « A Life Within A Day », ils se sont fait accompagnés par Roger King, le fidèle complice du grand Steve aux claviers, également producteur de l’album, ainsi que de Jeremy Stacey à la batterie, un musicien de session bien connu pour ses multiples collaborations studios, mais aussi pour sa participation à la reformation de The Syn en 2005, premier groupe de Chris Squire fondé 40 ans plus tôt ! Le line-up est complété par Amanda Lehmann, chanteuse et multi-instrumentiste de grand talent créditée ici sur quelques parties de guitare additionnelle.

Le premier Squackett (y en aura-t-il d’autres d’ailleurs ?) est tout sauf le parfait mariage passéiste entre le Yes et le Genesis des glorieuses années 70, mais au contraire une oeuvre moderne, éclectique, simple dans son propos mais finement ciselée musicalement, qui évite de tomber dans les gros clichés du genre progressif (titres à rallonge, moog et mellotron en veux-tu en voilà, solos de guitares lyriques et trop prévisibles, etc.). De ce côté là, les deux légendes se sont juste amusées à glisser une petite citation à un grand classique du genre sur le sombre « Stormchaser » qui, dans sa partie centrale, reprend quelques notes de « The Lark’s tongues In Aspic » de King Crimson. « A Life Within A Day » rend aussi hommage dès son ouverture à Led Zeppelin, avec son titre éponyme dont la rythmique martelante et les accords de violons orientaux sont un clin d’oeil appuyé à au fameux « Kashmir ». Peut-être pour rappeler que Chris Squire avait déjà collaboré avec Jimmy Page en 1981, à l’occasion du projet XYZ qui ne verra jamais le jour, mais qui au final amorcera la première résurrection de Yes avec « 90125 » quelques temps plus tard, avec le succès énorme que l’on sait ? Quoi qu’il en soit, ce morceau d’ouverture est loin d’être un clone de Led Zeppelin, mais un titre très rock, alambiqué, avec des choeurs Yessiens jubilatoires, et une partie instrumentale qui s’emballe dans un moment de pure folie, ou guitare tourmentée et basse déchaînée rivalisent de virtuosité. « Tall Ship » change radicalement de climat avec sa courte intro acoustique hispanisante, suivi d’une ligne de basse Rickenbacker groovy à souhait, qui déroule un morceau atmosphérique de toute beauté, avec un refrain en apesanteur dont l’esthétique n’est pas sans rappeler la nostalgie extrême du fameux « In Memoriam » signée Steve Hackett (dans son excellent « Darktown », édité en 1996).

Pour le reste des 9 compositions de l’album, on tombera sous le charme, au gré de l’humeur du moment, de chansons pop-prog à la couleur très Yes ou Crosby Still & Nash (harmonies vocales on ne peut plus maîtrisées obligent), ou de jolies ballades toujours agréables et jamais sirupeuses. Pour la première catégorie, citons ici « Divided Self » ou « Sea Of Smiles », qui auraient pu figurer dans le haut du panier du très bancal (et souvent detesté) « Open Your Eyes » de qui vous savez. Et de la seconde, on retiendra « Aliens » (du Chris Squire mélodique pur jus !), et surtout l’excellent et trop court « The Summer Backwards », qui renvoie quant à lui au Genesis période « A Trick Of The Tail » et tout particulièrement à la magie bucolique d' »Entrangled », avec ses arpèges acoustiques sur fond de nappes planantes.

« A Life Within A Day » de révolutionnera  certainement pas l’histoire du rock progressif malgré son casting de luxe, mais il se déguste avec plaisir et ne suscite jamais ennui ou lassitude, en conciliant avec équilibre mélodies accrocheuses et arrangements on ne peut soignés. La production est impeccable, l’oeuvre consensuelle, mais ne sombrant jamais dans la facilité. Signalons pour conclure que l’album est disponible en 2 versions, l’une simple, et l’autre double, comprenant un DVD audio additionnel pour les accrocs au son 5.1, complètement dispensable pour les autres.

Philippe Vallin (7,5/10)

http://www.chrissquire.com/

 http://www.hackettsongs.com/

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