Skinshape – Nostalgia

Nostalgia
Skinshape
Lewis Recordings
2022
Thierry Folcher

Skinshape – Nostalgia

Skinshape Nostalgia

Nostalgia de Skinshape ou voyage au pays de la paresse. Mais ici, on parlera de bonne paresse, de celle qui passionne et que l’on recherche. Vous verrez, cela fait un bien fou de passer ces presque quarante minutes en compagnie de William Dorey, le père fondateur de Skinshape. Avant de plonger dans ce travers un peu coupable, je dois rappeler que notre ami londonien fait partie des habitués de Clair & Obscur et que ses deux précédents ouvrages, Filoxiny en 2018 et Arrogance Is The Death Of Men en 2020, ont déjà alimenté nos colonnes. Inutile donc de revenir sur l’histoire du groupe et sur les péripéties de carrière de Will, tout a déjà été écrit, et je l’espère, bien écrit. A mon avis, ça va être beaucoup plus sympa de se focaliser sur la palette musicale de Nostalgia, un peu différente certes mais toujours aussi attirante. Dés les premières écoutes, j’ai ressenti de la nouveauté dans l’écriture ainsi qu’une plus grande diversité musicale parmi les onze titres de ce nouvel opus. C’est un périple en grande partie instrumental qui nous attend avec des évocations familières qui vont surgir ça et là au détour des sillons. A titre d’exemple, le vibraphone de « Theme For Lazarus » qui nous renvoie vers le fameux « Love » des mythiques Art Of Noise. Ce premier morceau de trois minutes est un bel avant-goût des festivités et un digne représentant du nouvel état d’esprit qui anime le Skinshape de 2022. Trois minutes pleines d’inventivité où les tonalités caractéristiques de la guitare et de la voix se fondent dans une ambiance cinématographique proche d’Ennio Morricone. Belle entame portée par un rythme pas trop soutenu capable d’amener sans heurts le nonchalant « Better Chances » et de nous laisser au creux du lit tel un Alexandre le Bienheureux dont la rayonnante contagion ne nous a jamais quittés.

Quelle félicité, alors que le monde s’enflamme au-dehors. Qu’ils nous laissent en paix (oui en Paix) à savourer l’humanité pour ce qu’elle a de meilleur. William Dorey en fait partie et nous invite à le suivre sans arrières pensées ni aucune restriction. On avance donc avec un plaisir non feint pour tomber sur la pétulante intro de « Dreams Of Panama ». La surprise est de taille mais de courte durée et les quelques salves de cuivre du début vont vite rendre les armes pour laisser la place à notre flânerie adorée. Sur ce titre, les évocations latines sont subtiles mais suffisantes pour crédibiliser cette excursion en Amérique centrale. Ici aussi on flirte avec un septième art à la fois naïf et terriblement attachant. La crainte de tomber dans la nostalgie (Nostalgia ?) ne nous effleure même pas car de son côté, la production est bien ancrée dans notre siècle. Il n’y a qu’à écouter la guitare reggae et la partition de cuivres de « Moonlight Walk » pour s’en convaincre. Cette promenade au clair de lune est en effet une petite merveille d’arrangements (Jon Moody). L’auditeur charmé est déjà en parfaite extase lorsque arrive la grosse sensation d’ « Albion ». C’est en écoutant ce titre que j’ai senti William devenir plus grand. La maîtrise de l’écriture est spectaculaire et les tics habituels moins présents. Il semble être passé à autre chose et de cette mue soudaine s’ouvrent de larges perspectives. Ici, c’est le troublant violon de Dave Larkin qui domine la partition mais sans l’écraser pour autant. C’est un bel ensemble, ultra sensible qui nous est donné de savourer à sa juste valeur. On ne sort pas indemne d’« Albion » et la suite des réjouissances endosse la dure responsabilité de devoir nous maintenir accrochés à ce disque. Pourtant, je ne me suis pas fait de soucis et les morceaux suivants vont me donner raison.

Skinshape Nostalgia Band 1

Avant de continuer, juste un petit mot sur le merchandising, pour une fois, à la hauteur des attentes. Si j’ouvre cette parenthèse, c’est parce que j’avais un peu titillé Will et ses supports de Filoxiny et d’Umoja d’une austérité peu engageante (surtout les CD). Même si Arrogance Is The Death Of Men avait un peu rétabli les choses, il faut bien reconnaître que pour Nostalgia il a mis le paquet, surtout avec les versions vinyles (33 et 45 tours). Bonne nouvelle donc pour les collectionneurs et pour les amoureux des emballages détaillés. Retournons vite à la musique avec « High Tide, Storm Rising » et ses cadences de jazz revigorantes. Sur ce morceau, la batterie de Dan Hale envoie de légères secousses dans notre paysage ouaté, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités. Sans être échevelées, ces quelques vibrations font du bien. A signaler, la trompette d’Adam Chatterton qui orne cet instrumental d’une touche lounge très relaxante. Dommage pour la fin abrupte qui vient gâcher l’effervescence de ce joli moment parti pour durer plus longtemps. On retrouve Will au chant sur « Turn Away », une chanson à l’esprit Beatles mais qui se métamorphose en plein milieu en un surprenant passage incantatoire finalement bien en place. Des surprises et des trouvailles, il y en a beaucoup sur cet album pas comme les autres et quand je dis « les autres », je ne pense pas seulement à la discographie de Will Dorey mais à l’ensemble du monde musical actuel. Après la douceur de « Bohanon’s Cornucopia » (certainement en hommage au musicien de jazz George Bohanon), c’est au tour des trépidations psychédéliques de « Bad Dreams » de nous enflammer. Superbe titre plein de groove et annonciateur d’un réveil encore lointain mais pourtant inéluctable. « Fish & Chips » est un plat savoureux où le vibraphone de David Mrakpor se distingue à nouveau avant de laisser les vagues de l’océan annoncer l’aube (« Dawn ») et signifier la fin de cette aventure au pays des songes.

Skinshape Nostalgia Band 2

Voilà, il y a encore beaucoup à dire sur Nostalgia mais le mieux c’est de l’écouter et de faire soi-même sa propre analyse. Une chose est sûre, William Dorey a changé, il a franchi un cap et s’exonère désormais d’un son devenu coutumier pour ne pas dire répétitif. C’est tout l’attrait du nouveau Skinshape qui se réinvente sans pour autant se trahir. Bizarrement Nostalgia ne regarde pas vers le passé mais se projette plutôt vers un avenir où le public et Clair & Obscur ne manqueront pas de le suivre.

https://skinshape.bandcamp.com/album/nostalgia

 

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