Minimum Vital – Air Caravan

Air Caravan
Minimum Vital
Musea
2019
Rudzik

Minimum Vital – Air Caravan

Minimum-Vital Air Caravan

Ce ne sont pas des jeunes premiers mais pourtant je ne les découvre que maintenant. Bon, ben, faut pas mourir con comme on dit. Les mecs de Minimum Vital sont en quelque sorte des « Obélix » du prog français, enfin surtout les frères jumeaux Payssan qui sont tombés dedans en étant tout petits. Je dirais même que c’est presque « rock in the craddle » pour eux puisque leur premier groupe adolescent de reprises 60’s se nommait fort opportunément Rocking Chair. Les velléités prog s’affirmèrent le temps d’un éphémère Concept, prélude à un Minimum Vital qui fêtait, excusez du peu, son 19ème anniversaire avec Air Caravan sorti juste avant Noël dernier. Le groupe obtint une certaine audience à l’international, écumant des scènes hollandaises, polonaises, brésiliennes, mexicaines etc. (mais p. comment j’ai pu passer au travers, moi !). Certes, une si longue carrière ne fût pas un long fleuve tranquille. Changements multiples de line-up oblige, MV s’étoffa jusqu’à avoir deux vocalistes en son sein (un chanteur et une chanteuse) mais se réduisit également sous la forme du duo gémellaire Vital Duo au début de ce siècle puis d’un trio sans batteur.
Le voici qui revient sous la forme d’un solide quatuor toujours emmené par le duo fraternel formé par Thierry (claviers, percussions, vocaux) et Jean-Luc (guitares, percussions, vocaux). Je dis solide car Eric Rebeyrol (Basses, cornet) et Charly Berna (Batterie), de retour au bercail, forment aussi une section rythmique plutôt époustouflante.

Minimum-Vital Air Caravan band1
Minimum Vital, c’est du rock progressif éclectique mais très orienté médiéval, un peu à la Jethro Tull et d’ailleurs le court « La Compagnie » introductif rappelle furieusement ce que propose la bande à Ian Anderson. Tout cela nous donne un album plutôt guilleret bourré de mélodies moyenâgeuses allègres sur lesquelles les quatre ménestrels de l’ère moderne s’en donnent à cœur joie. Bon ne croyez pas que l’on a affaire à un ersatz de Blackmore’s Night qui lui-même est un pâle ersatz d’un truc qui me rappelle vaguement la cause homosexuelle ou bien une opération ratée d’espionnage français en Nouvelle Zélande… ah oui, Rainbow. En fait rien à voir avec ce cheminement-là. Le titre éponyme donne rapidement une excellente idée de la démarche musicale de Minimum Vital de part ses joutes permanentes guitare/claviers sur une rythmique très enlevée. Si l’acoustique guitaristique est authentique, il faut noter que les parties confinant à la flûte sont exécutées aux claviers. En effet, Thierry est adepte des sons très « flutés », beaucoup dans l’aigu qu’il tire de son KORG MS20 Mini et qui peuvent rappeler l’esprit des anciennes flûtes traditionnelles. Donc, le groupe ne ressent pas le besoin de recourir à une surenchère d’instruments d’époque pour créer ces ambiances musicales ancestrales revisitées à la sauce rock et force est de constater que ça marche. Pour moi qui estime que trop d’acoustique ou de symphonique dénature et appauvrit le rock (suivez mon regard Marillion et autres adeptes des transpositions symphoniques de leur musique), ça ne m’a vraiment pas manqué. Au contraire, cela souligne l’efficacité et la justesse de la musique de MV.
Du coup, un peu comme le ferait un Mike Oldfield, on a droit à une « Tarentelle » étincelante. Ensuite, le prog de nos Bordelais devient carrément déjanté sur « King Gürü » illustré par un clip minimaliste et kitsch à souhait dont le jeu de batterie est assez sensationnel. L’occasion de remarquer que les quelques parties chantées (beaucoup de morceaux sont instrumentaux) assurées par les frangins sont souvent réalisées sous formes de chœurs et légèrement sous-mixées. Serait-ce dû à l’absence de vrais solistes comme par le passé ? On a l’impression que nos jumeaux veulent se montrer humbles dans cet exercice. Ceci pourrait être appuyé par le fait qu’ils utilisent depuis toujours un langage obscur que l’on pourrait qualifier de « yaourt occitan » un peu à la façon d’un Magma, l’une de leurs influences majeures, sans pour autant être allés jusqu’à littéralement créer leur propre Kobaien. Alors, entre autres morceaux de bravoure, on notera le décalé « Le Fol », inspiré par l’ensemble musical Clemencic Consort qui est un hommage au troubadour Pierre Vidal (XIIe siècle), un amoureux transi d’une châtelaine ayant pris l’habitude de rôder autour de la belle déguisé en loup, ce qui lui valu d’être attaqué par les bergers, leurs chiens et leurs bâtons et finalement surnommé le fol (le fou) ! Ses textes sont déclamés dans ce « yaourt occitan » qui ressemble à un espagnol étrange. A noter qu’il comporte à mi morceau le passage le plus heavy de l’album. On remarquera aussi le gros travail de guitares sur l’hispanisant « Vole » et d’orgue Hammond sur « Jongleries » ainsi que la rythmique très originale d’« El Picador », sorte de fusion médiévalo-orientale avec une basse confinant au reggae !!! Le final d’Air Caravan montre un côté plus pop du groupe avec l’instrumental « Djin Alzawat » et surtout le très sautillant pop-rock groovy « Hugues Le Loup ». Celui-ci a fait l’objet d’un premier enregistrement en 2017 (avec un clip diffusé sur YouTube) sur lequel, c’est leur ami Gilles Pialat qui officie à la batterie. Comme certaines autres chansons d’Air Caravan (dont la construction s’est étendue sur près de trois ans) répétées maintes fois sur scène et en studio, les versions ayant atterri sur l’album ont été plus ou moins réenregistrées et arrangées par les protagonistes actuels du combo.

Minimum-Vital Air Caravan band2
Deux mots aussi pour dire que la production d’Air Caravan dans laquelle « Obélix » Thierry Payssan a pris une part prépondérante (oui, il est aussi tombé dedans étant tout petit, cassant même sa tirelire pour un Portastudio 144 de Tascam en 1981) est remarquable. En particulier la batterie claque bien (mais pas trop) et la basse ronfle mais pas comme un meunier qui dort, tout ça en parfait soutien de parties de guitares et de claviers lumineuses. Voilà pour le premier mot ! Le second concerne l’artwork de la jaquette, encore issu du giron familial car réalisé par Gaël Payssan (le fils de Jean-Luc), qui a fait des études de design et de graphisme. Son œuvre mixe judicieusement une approche moyenâgeuse apparentée aux vitraux des cathédrales avec un design très coloré et moderne. En cela, elle colle parfaitement au concept musical néo mayenâgeux de Minimum Vital.
Air Caravan sera remastérisé pour sortir en version vinyle LP 33 T, dont, pour des raisons de limitation de durée, les deux derniers morceaux du CD (« Nimbus » et « Hugues Le Loup ») seront exclus.
Au moment de conclure cette… chronique, je m’auto-flagelle devant mon comportement d’étoile de mer (je sais, c’est une image que l’on utilise dans des circonstances bien plus intimes que celles-ci mais bon… c’est si parlant !)… chronique également, qui fait que je n’endosse que rarement le rôle de dénicheur de groupes. Alors, bien en a pris à Minimum Vital d’avoir endossé celui de Lagardère (OK, ça n’a rien de moyenâgeux mais on s’en approche) pour venir à moi et me faire découvrir un opus aussi généreux. Bien que sorti fin 2019, il figurera certainement en très bonne place dans mon top 2020.

http://www.minimum-vital.fr/
https://www.facebook.com/minimumvital/

 

Un commentaire

  • TRUTET Thierry

    Belle chronique pour un bel album. Encore une réussite de nos Girondins préférés ! Surtout, ne changez rien !!!

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