Joe Bonamassa – Royal Tea

Roayl Tea
Joe Bonamassa
Provogue Records
2020
Thierry Folcher

Joe Bonamassa – Royal Tea

Joe Bonamassa Royal Tea

La signature Bonamassa peut s’honorer de beaux rendez-vous studio, de collaborations épiques et de témoignages scéniques époustouflants. Royal Tea, le dernier ouvrage en date, est un vibrant hommage au blues anglais, celui qui a illuminé la fin des années 60 avec des ténors de la six cordes qu’on ne présente plus. Lorsque Joe Bonamassa voit le jour en 1977 à Utica dans l’État de New-York, il débarque dans un univers musical aux fondations solides et forcément inspiratrices. Il ne lui reste plus qu’à grandir en vivant sa passion avec respect, talent et précocité. Très tôt, son habileté à la guitare se remarque et tout naturellement les rouages d’une carrière musicale se mettent en action. A partir des années 2000, il commence à empiler une impressionnante collection de galettes marquées d’une empreinte blues/rock imparable. Ses premiers rendez-vous sont tranchants et portés par la fougue de la jeunesse (A New Day Yesterday en 2000). La voix n’est pas encore assurée mais la guitare fait preuve d’une étonnante maturité. Très vite les succès s’enchaînent, les parties vocales s’améliorent et les premiers monuments sont élevés (The Ballad Of John Henry en 2009 et Dust Bowl en 2011). En parallèle à sa carrière solo, Joe va vivre l’expérience Black Country Communion en compagnie de Glenn Hugues, Jason Bonham et Derek Sherinian, excusez du peu ! Un méga groupe à tendance hard dans lequel il va s’éclater comme un malade. Quatre albums à la clé et une réputation grandissante en dehors de la sphère blues. Sa collaboration avec la chanteuse Beth Hart est également à souligner. Les prestations scéniques en sa compagnie sont vraiment de très grande qualité. Des titres comme « I’ll Take Care Of You » ou « Sinner’s Prayer » sur Beacon Theatre – Live From New York (2012) sont des coups de massue qui font ressurgir le fantôme de Janis Joplin. Bon, c’est vrai que la cuisine Bonamassa est sans surprise, mais alors, qu’est-ce qu’on se régale ! Revenir aux fondamentaux de temps en temps est nécessaire et fait beaucoup de bien.

Tout d’abord, pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Royal Tea, je ne peux résister à l’envie de vous décrire l’emballage. J’ai dans les mains un objet absolument magnifique. Un double vinyle transparent blanc dans une pochette soignée et abondamment détaillée. Je me répète peut-être mais l’engouement pour ce support se comprend quand on voit le soin apporté à la présentation. Je ne suis pas du genre fétichiste mais de l’ouverture de la pochette jusqu’à l’installation sur la platine, il y a tout un cérémonial que j’avais oublié et qui me fait revivre les extases du passé. Et puis les disques vinyles, ça va tellement bien avec le blues. Royal Tea (clin d’œil à la royauté et aux droits d’auteur), a été enregistré aux légendaires studios Abbey Road de Londres en compagnie de Reese Wynans aux claviers, Michaël Rhodes à la basse et Anton Fig à la batterie. Pour l’écriture, Joe s’est associé au pianiste Jools Holland, à l’ancien guitariste de Whitesnake, Bernie Marsden et à Pete Brown, connu pour sa collaboration avec Cream. Une bien belle équipe dans un écrin à la hauteur du projet et le tout sous la houlette de son pote Kevin Shirley pour l’enregistrement. Le visuel rappelle une boîte de thé avec en bas la mention « Made In England », nous voilà prévenus. C’est au british blues que Joe fait référence, celui d’Eric Clapton, de Jeff Beck ou de Gary Moore. Pour lui, ses trois disques fétiches sont le génial Blues Breakers With Eric Clapton (1966) de John Mayall (celui que l’on surnomme The Beano Album) ; Truth (1968), le premier ouvrage studio du Jeff Beck Group et Disraeli Gears (1967), le grand succès de Cream. Trois albums incontournables pour l’époque et qui allaient façonner durablement la griffe musicale de Joe Bonamassa.

Joe Bonamassa Royal Tea Band 1

Début 2020, Joe se pointe dans le temple de la musique quasiment les mains dans les poches et quelques embryons de chansons en tête. La facilité voulait qu’il reprenne à sa manière des standards du blues anglais, synonymes de succès assuré. Mais quel intérêt de s’effacer en bon exécutant derrière du matériel réchauffé mille fois ? Non, c’est dix nouvelles chansons que Joe nous offre et le moins que l’on puisse dire c’est qu’on ne perd pas au change. Ça démarre par « When One Door Opens », un titre qui va en mettre plus d’un par terre. Attention amis progueux, voilà un morceau qui devrait vous plaire. Une intro symphonique, un chant à la fois doux et puissant, un passage obligé par le Boléro de Ravel et tout ça à la sauce Bonamassa alternant arpèges claires à la Télécaster et chorus rageur à la Gibson. Ici le blues est en retrait, c’est la part romantique de la musique anglaise qui est à l’honneur. Une ouverture surprenante qui laisse augurer pas mal de surprises. La production claque comme jamais et les arrangements (backings féminins) sont pleins d’opportunités. Le blues pur et dur, il arrive avec « Royal Tea », une réflexion acerbe sur les travers de la royauté. Joe nous explique que ce sont les déboires de Meghan et Harry qui lui ont inspiré cette chanson. C’est du classique, bien soutenu par les deux choristes Jade MacRae et Juanita Tippins et diablement rentre dedans grâce au martelage entêtant de la composition. Puis, c’est l’essence même du blues qui alimente « Why Does It Take So Long To Say Goodbye » et transforme une histoire banale en tragédie. Ce morceau magnifique m’a de suite fait penser au lyrisme que l’on retrouve dans certaines compositions des grands du hard rock britannique, Black Sabbath (« Die Young ») ou Gary Moore (« Still Got The Blues ») en tête.

La machine est bien lancée et mis à part se lever pour retourner les disques, rien ne pourra nous arracher au bien-être dans lequel l’ami Joe nous a fourrés. « Lookout Man ! » enchaîne à tout allure avec un riff imparable et une basse à faire trembler les murs. L’harmonica d’Errol Litton vient apporter sa note « roots » et en plein milieu, Joe nous assène un solo sans fioriture, bien en phase avec la rythmique musclée, grande gagnante de ce morceau. Puis c’est au tour de « High Class Girl » de redonner au blues la place qu’il mérite. La construction est classique avec un orgue qui contrebalance à merveille une guitare inspirée. L’allure est plus rapide de ce côté-ci de l’Atlantique et Joe semble apprécier. Un tempo qui ne faiblit pas sur « A Conversation With Alice », lui aussi d’une tournure assez familière avec alternance de passages musicaux et de parties chantées, le tout baignant dans une puissante surenchère de décibels. Dans la foulée, « I Didn’t Think She Would Do It » se paye une virée funky vitaminée pleine de références sonores qui ferons surgir de bon vieux souvenirs. Après ces quatre titres costauds, il était temps de souffler un peu et le bien nommé « Beyond The Silence » tombe à pic pour nous charmer au son de quelques variations jazzy au piano et de belles séquences à la guitare acoustique. Joe Bonamassa se concentre sur sa partie vocale et en oublie du coup de placer son habituel solo. On approche de l’arrivée et « Lonely Boy » nous balance un bon gros boogie plein de cuivres et de piano avant que « Savannah » ne referme ce Royal Tea sur un hymne country/folk qui nous transporte en Géorgie, bien loin de la grisaille londonienne. Étonnante fin, pas du tout « made in England » mais plutôt symbole des barrières à faire tomber et des héritages que l’on doit aux uns et aux autres.

Joe Bonamassa Royal Tea Band 2

Royal Tea est vraiment royal. Joe Bonamassa a réussi son pari en publiant un album à la hauteur du lieu, des participants et de ses intentions de départ. Rendre hommage à ses idoles est souvent casse gueule et parfois loin du niveau espéré. Ce qu’il y a de bien ici, c’est que Bonamassa fait du Bonamassa en habillant tout juste sa musique de quelques parures différentes. Les studios Abbey Road ont fait le reste et le résultat est éclatant. Les quatre faces vinyles de moins de quinze minutes proposent un volume sonore intense et dynamique proche de la perfection. Foncez et réfugiez-vous dans cette musique universelle et sans frontières. Vous en avez besoin, vous en avez le droit.

https://jbonamassa.com/

 

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