Goat – Commune
Goat
Stranded Rekords
Je te le pose direct, tout de go : Goat, c’est une putain de drogue. Celle du genre qui te fout une banane à faire chialer de honte cette lopette de Joker. La banane quoi, la vrai. Oui, je vois bien que tu desserres les maxillaires tout en écoutant l’extrait sonore sous l’article, avant même que tu ne lises celui-ci. Pout tout te dire, ce n’est pas si simple d’écrire la moindre ligne sur cet album. C’est que je n’ai pas envie de passer pour un hipster, moi ! J’ai perdu combien de lecteurs à ce passage ? Hey ! Revenez, me laissez pas en plan quoi ! Maintenant, en 2014, peut-être qu’on peut enfin parler de Goat, ce groupe étrange issu d’un village paumé en Suède, à l’occasion de soirées branchées et sélectives, en discourant sur les écrits de Claude Levi-Strauss, de Joseph Campbell ou de Carlos Castaneda. Ou encore sur les activités profitables aux tous petits enfants, à base de dessins mignons et de pâtes à modeler, face à notre système de vie et d’éducation corrompus. Goat, c’est de l’anthropologie faite musique. Mais plus que ça, Goat, c’est du vaudou, de l’incantation à réveiller les morts, des rythmes désuets, des mélodies passéistes distordues, des voix criardes qui ne te terraforment pas le cerveau. Goat, c’est un état d’esprit totalement et malheureusement étranger pour la jeune génération élevée au diktat du hit et du clash.
Bon alors, qui sont-ils ? Tu peux t’asseoir sur un cactus mon trésor, le secret est bien gardé. Pas de « star » ou d’éléments de pub qui refourguent la daube de mouche, mais un timing hérité des années 70 (une demi-heure au compteur, pas plus) et un appel à lever les bras (sans Magic System s’il-vous plaît !) tout en remuant le popotin dans un enchaînement quasi-chamanique. Toutes les cultures sont à l’œuvre en même temps. Ici, on s’affiche avec des costumes gentiment ridicules où le masque vénitien copule frénétiquement avec le Bengladesh et la tunique de touareg. Et l’instantanéité musicale du groupe est pressée comme jamais d’en découdre avec son public !
Et puis merde, cette trance mes aïeux ! Tu mets Funkadelic dans un shaker, du ajoute un peu de Janis Joplin, tu arroses le tout avec une bonne dose de hippie libertaire sans Charly Manson, tu secoues l’objet frénétiquement, et puis hop, direct dans le gosier. Funk, psychédélisme, rock, soul… Tout y passe dans la déblayeuse du jardin bourguignon, mais il reste seulement l’instant, le côté brouillon noyé dans les pédales d’effets qui prend grandeur et sensualité en concert. Ce petit côté « j’en ai rien à foutre, je te joue ce que j’aime sans artifices », cette envie de partage où chaque membre se ruine la santé pour balancer le meilleur, le point J.
« Commune » y arrive-t-il aussi comme ses prédécesseurs? Bah oui, forcément, le groove en folie ne semble pas prêt de s’éteindre chez Goat. De toute façon, sans les percus jouissives, c’était mort. Le même plaisir à l’arrivée, encore et encore, la même bouffée cancérigène, seul reste le corps, sa liberté retrouvée et un esprit vagabond prêt à toutes les excentricités. Goat n’a pas fait que de réaliser le hold-up d’un album, il l’a concrétisé et l’a rendu vivant (12 versions différentes de l’engin, déjà !).
En acquérant et en écoutant la chose ami lecteur, tu n’auras cependant fait que la moitié du travail. Oui, la moitié, parce que, comme je l’avais écrit précédemment dans un live-report bien enfumé, l’album n’est qu’une simple esquisse face au déferlement live du groupe. Et pourtant, ce qui reste de ce happening, jubilatoire et propice à tout synonyme de cool, c’est « Commune », l’album, l’union, l’échange, la jubilation, l’énergie, le bon goût. Que voulez-vous, un skeud pareil, c’est une bénédiction, et rien d’autre.
Jérémy Urbain (8,5/10)
http://goatsweden.blogspot.co.uk/
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