Dream Theater – The Astonishing

The Astonishing
Dream Theater
2016
Roadrunner
Christophe Gigon

Dream Theater The Astonishing

Dream Theater vient-il de dépasser définitivement les bornes ou a-t-il dévoilé son ultime chef-d’œuvre, celui qui fera (enfin) oublier son second album, le mythique (et insurpassable ?) Images And Words qui date, déjà, de 1992 ? Maintenons le niveau de vigilance nerveuse au maximum en précisant que ce double disque – plus de deux heures de musique ! – fait passer Brave (Marillion), Tommy (The Who), Operation Mindcrime (Queensrÿche) ou The Wall (Pink Floyd) pour de modestes productions artisanales et enregistrées « entre amis ». C’est dire que les arrangements de ce Astonishing (qui porte fichtrement bien son nom !) sont dignes d’une comédie musicale de Broadway ou d’une superproduction néo-zélandaise supervisée par Peter Jackson (Le Seigneur Des Anneaux, Le Hobbit). John Petrucci, guitariste de la formation américaine et principal concepteur de la trame narrative du projet, avoue d’ailleurs sans vergogne son amour pour l’heroïc fantasy, la science-fiction, les bandes originales de film de Walt Disney (Non ? Si. Hélas.), Rush, Pink Floyd, Game Of Thrones et les jeux de console. Mélangez le tout et vous obtiendrez l’enregistrement le plus « gonflé » (dans tous les sens du terme) qu’il ait été donné d’écouter au mélomane fan de rock music. Une somme qui risque bien de poser les limites d’un tel projet pour plusieurs décennies. Rien de moins.

Commençons, tout d’abord, par distribuer les bons points : les musiciens qui composent cette puissante machine de guerre que représente Dream Theater figurent probablement parmi les meilleurs du monde, nulle discussion possible. Chacun des cinq maîtrise son instrument au-delà du raisonnable. Chaque minute de cette odyssée musicale contient son lot de moments proprement ébouriffants. La prise de son et les arrangements feraient saliver les compositeurs de B.O.F. d’Hollywood. L’apport d’un orchestre symphonique forme, une fois n’est pas coutume, une réelle plus-value et ne sert jamais de faire-valoir comme ce fut trop souvent le cas par le passé chez tant de groupes en mal de reconnaissance « classique ». Autres points positifs : les trente-quatre pistes formant cette épopée jubilatoire ont été réellement composées, réfléchies et construites, ce qui n’était plus forcément le cas pour Dream Theater qui a commencé à moins bien porter son nom une fois les trois piliers de la geste metallo-progressive posés (Images And Words, Awake et Falling Into Infinity. D’aucuns ont même décrété la fin de la période dorée du quintette dès Metropolis Part. II : Scenes From A Memory, leur première escapade conceptuelle, en 1999.). Ainsi, il s’agit véritablement d’un véritable projet d’envergure que The Astonishing. Qui aurait, du reste, pu tout aussi bien se matérialiser en long métrage, roman ou jeu vidéo. La tournée visant à promouvoir la sortie du disque sera la plus ambitieuse jamais portée par l’équipe mégalomane.

Dream Theater Band

Et l’intrigue ? Une histoire dystopique ancrée dans le merveilleux, empruntant tant aux codes de la science-fiction la plus classique (1984 de George Orwell) qu’à l’heroïc fantasy le plus adolescent (un camp de gentils – les habitants de Ravenskill – veut se rebeller contre une dictature de méchants – The Great Northern Empire of the Americas – qui, en plus, veut obliger la population à écouter la musique qu’ils produisent, générée artificiellement). N’est-ce pas déjà ce que l’on vit aujourd’hui ? Heureusement que, pour le passionné, il existe d’autres sources auxquelles s’abreuver que les radios FM et les émissions de téléréalité pour obtenir sa dose quotidienne de musique. Les lecteurs de Clair & Obscur pourront donc sans mal s’identifier aux « bons » de la narration. La structure quinaire (trop) classique du scénario, plutôt enfantin donc, constitue ainsi le premier bémol. Pas sûr que le public le moins américain, ou le plus lettré, appréciera. On est en effet bien loin de la finesse d’analyse d’un Misplaced Childhood (Marillion) ou d’un Subterranea (IQ). Si le public cible du projet est l’adolescent fou de Game Of Thrones ou de Hunger Games, c’est parfaitement bien « marketé ». Amateurs de Berlin (Lou Reed) ou Outside (David Bowie), passez votre chemin, vous êtes trop « intellos ».

DT atwork

L’autre anicroche réside dans ces multiples hommages-citations que la bande à Petrucci se sent contrainte de proposer tout au long des séquences les plus « conceptuelles » du récit. On a bien compris que The Astonishing n’aurait jamais existé sans les quatre jalons cités en début d’article. Si on apprécie la reconnaissance du ventre, force est de reconnaître que certaines séquences ressemblent presque à un quizz parodique, sans compter les multiples bruitages et ambiances sonores, que l’on croirait chutes de studio du prochain magnum opus de Roger Waters. S’il est patent que l’élève n’a pas encore dépassé le(s) maître(s), avouons que cette épopée, sans commune mesure, apparaît comme musicalement magistrale de la première à la dernière…mesure. Une folle aventure qui mérite pleinement qu’on y jette douze mille deux cent soixante-douze oreilles (une seule ne suffira pas à accueillir toutes les césures rythmiques et les superpositions de guitares ou de claviers). Cela dit, on ne souhaite pas forcément connaître l’adaptation cinématographique du projet. Au risque de faire encore plus niais qu’Avatar.

http://www.dreamtheater.net/

4 commentaires

  • Philippe Vallin

    Le DT insurpassable ? « Metropolis part 2 : Scenes From A Memory ». L’album parfait, pas une seconde à jeter. Celui-là est certes ambitieux, mais long et fastidieux. Je le réécouterai quand même, mais pas douze mille deux cent soixante-douze fois 😉

  • animal

    Gros pavé bien gras, dégoulinant, indigeste même douze mille deux cent soixante-douze fois

  • Le modérateur

    Suite à une série de commentaires déplacés et d’attaques personnelles de la part d’un lecteur, toute la « discussion » du 18/02 sous cette chronique de Dream Theater a été effacée. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu. Musicalement.

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