Carbonic Fields – Ite Est

Ite Est
Carbonic Fields
Autoproduction
2021
Lucas Biela

Carbonic Fields – Ite Est

Carbonic – FieldsIte Est

Carbonic Fields, c’est une nouvelle formation de metal française. S’étant adjoints les services du batteur de Dagoba pour leur premier album, Ite Est, les Havrais ont voulu marquer les esprits par un thrash à la fois entraînant et cinématique. Entraînant par une rythmique foisonnante, des riffs dévastateurs et une voix hargneuse qui pourrait rappeler Max Cavalera ou Jens Kidman. Cinématique par des arrêts sur image et une tension bien entretenue par quelques notes de clavier bien placées.

Le rendu est assez impressionnant de maîtrise. Il nous faut pour cela nous attarder un moment sur le CV des protagonistes pour comprendre comment cette première offrande parvient à être aussi convaincante. Et l’interview jointe à la chronique faisant bien les choses, je vous y renvoie pour les détails.

Carbonic – FieldsIte Est band 1
Sur le plan musical, au rayon des headbangers on retrouve « Pix(Hell) » et son refrain de fin du monde sur fond de blast beats effrénés. Plus loin, « Disbeliever » voit une vélocité sans concession troquée contre une marche obsédante à mi-parcours. Enfin, « Lost In Nothingness » fait alterner galops et alarmes. Ailleurs, on appréciera la diversité du canevas avec les climats arabisants de « Terria », les rythmes dansants de « Devilium » ou encore la douleur du très sombre « Ite Est ». Ce dernier a la particularité d’être chanté dans la langue de Molière (on verra plus loin que ce n’est pas le seul d’ailleurs) et se rapproche davantage d’un Triptykon que d’un Lamb Of God. Dans ce tourbillon de violence et d’idées tous azimuts, nous parvenons néanmoins à reprendre nos esprits avec la semi-ballade « The bluer Shade », où l’intervention de la claviériste au chant et quelques intonations lyriques et grand-guignol dans les voix masculines donnent une tournure théâtrale/cabaret décalé au spectacle auquel on assiste. Sur le côté théatral, on notera le code vestimentaire particulier adopté par notre sextuor (à nouveau les détails sont dans l’entretien plus bas). Le côté décalé à la Cardiacs pourra d’ailleurs être également noté dans le morceau « Devilium », notamment par les chœurs emphatiques du refrain bon enfant et par l’orgue qui tente de s’échapper des assauts métalliques.

Carbonic – FieldsIte Est band 2
Restons d’ailleurs dans le domaine de l’humour avec une reprise… d’un pastiche de rock alternatif, la fameuse chanson « C’est Toi Que Je T’aime » des Inconnus. Eh oui, qui l’eut-crû, un groupe de metal tout ce qu’il y a de plus sérieux qui reprend une parodie de chansons d’humoristes (pour rappel, il s’agit d’une parodie de trois groupes-phares de la scène de l’époque : les Mano Negra, les Garçons Bouchers et les Elmer Food Beat). Mais c’est ce qui fait davantage le charme de cette formation. Non seulement ils aiment brouiller les pistes en créant divers climats dans leur moule métallique, mais en plus ils ont le sens de l’auto-dérision. Avec cette reprise qui fonctionne très bien, l’orgue qui s’extirpe de la fange métallique (à nouveau !) et le côté décalé du refrain, nous ramènent encore à cette formation que j’ai fait découvrir à notre groupe (voir l’entretien), j’ai nommé les Cardiacs.

Combinant une assise rythmique puissante, soutenue par des guitares acérées et une voix qui nous mène sur des terrains belliqueux, avec des ambiances variées (voir à nouveau l’entretien pour la diversité des influences), Carbonic Fields nous plongent pendant près de 50 mn dans un spectacle dynamique et plein de rebondissements. Leur musique et son côté théâtral devant prendre tout son sens sur scène, on a hâte de les y voir bientôt.

https://www.facebook.com/CarbonicFieldsOfficial/

https://carbonicfields.bandcamp.com

Entretien avec Carbonic Fields (propos recueillis le 14 novembre 2021) :

1/ LB: Carbonic Fields est un nouveau venu sur la scène metal française, mais ses membres semblent avoir de la bouteille dans le milieu (je pense notamment à Franky Costanza). Pouvez-vous nous en dire plus sur le line-up et le bagage musical de chacun ?
Mat : Tout d’abord, Franky a travaillé comme musicien de session pour Carbonic Fields : je lui ai envoyé deux démos « au culot » en 2018, et nous avons fini par faire ensemble un album entier ! Je souhaitais une grosse puissance de feu derrière les fûts, un batteur « no limit », défi relevé haut la main ! Ce fut un vrai plaisir de travailler avec un tel pro, doublé d’une grande gentillesse. L’album a été enregistré à quatre, Tom (chant) , Franky (batterie), JC Guillard (ingé son) et moi-même (composition, guitares, basse, samples, claviers et voix black). Tom et moi-même avons déjà joué ensemble dans deux groupes Extreme onction (1997) et Vikings’n’Celts (2004 à 2010). Tom chante d’ailleurs toujours dans les Vikings. C’est un pur autodidacte, et nous avons pris un malin plaisir avec JC à le « torturer » pendant l’enregistrement pour qu’il sorte le meilleur !
Je joue de la guitare depuis mes quatorze ans, une passion qui ne m’a jamais quittée ! Mais l’envie d’apprentissage s’est étendue rapidement à la basse, la batterie, les samples, et dernièrement la MAO, ce qui a rendu la réalisation de ce disque possible ! Nous ne sommes devenus un vrai groupe qu’à la fin de l’enregistrement de l’album : JB est une « machine de guerre » à la guitare : il a joué dans plusieurs groupes, dont Maniac ou Burnt Offerings. C’est le 3ème « vieux » de plus de 40 ans avec Tom et moi ! Il a pu poser 2 solos sur le disque. Eliott , malgré son jeune âge est le plus expérimenté scéniquement parlant, et joue dans Sekhmet depuis de nombreuses années. Il a pu poser plusieurs parties de chant Death sur l’album et rajouter un peu de gras aux voix ! Chucky est notre batteur « officiel » : il a la lourde tâche de succéder à Franky, joue dans Dawn of Dystopia et vient… du jazz ! Il a suivi une formation musicale complète chez Agostini. Alexia, notre dernière arrivée, est professeur de chant et de piano, et nous a rejoint pour le tournage du clip ! Elle va nous permettre de reproduire le plus fidèlement possible les ambiances du disque.

2/ LB: Sur la photo de groupe, on voit cinq hommes mais le line-up actuel est composé de quatre hommes et d’une femme (si l’on se réfère à Metal Archives). Etait-ce un line-up pré-album ou ce 5ème homme est-il une éminence grise ?
Nous sommes six dans Carbonic Fields : on n’a viré personne pour le moment, on a plutôt tendance à embaucher lol ! Carbonic Fields est un projet très personnel initialement, dans lequel j’ai entrainé rapidement Tom. Une fois le disque écrit et maquetté, nous avions suffisamment de matière pour solliciter des musiciens aguerris et espérer jouer ces morceaux live !

3/ LB: Les anciens comme moi auront reconnu l’origine de la chanson qui clôture l’album. Vous avez donné une seconde vie à ce pastiche de rock alternatif, on y décèle même un côté Cardiacs bien délirant, notamment par l’apport des claviers. Comment vous est-venu l’idée de reprendre un morceau parodique, et avez-vous eu un retour de ses auteurs à son sujet ?
J’ai dû jouer au pied levé ce morceau lors d’une soirée… un vrai massacre musical ! C’est ce qui m’a poussé à « triturer » ce morceau, que j’apprécie beaucoup. Je suis un fan absolu des Inconnus ! Par contre, je ne connais pas du tout Cardiacs, je vais aller écouter ça ! Pour le côté parodique, les paroles sont venues asssez naturellement (j’adore Ultra Vomit). L’avantage avec Carbonic Fields c’est que le cadre est très large, on peut se permettre beaucoup de choses ! Pour obtenir les droits de diffusion, j’ai dû contacter la boite de production des Inconnus, et c’est Pascal Légitimus qui a répondu à mon mail ! Ils nous ont donné l’autorisation de diffusion, ce dont nous sommes très fiers !

4/ LB : J’ai évoqué Cardiacs précédemment. Les costumes que vous portez et votre maquillage ne sont pas sans rappeler ceux arborés par la formation anglaise dans la vidéo de leur morceau «Tarred And Feathered» . Est-ce que ce groupe vous a influencé, que ce soit sur le plan du look ou de la musique ?
Je ne connais pas du tout ce groupe, vraiment ! Nous adorons les groupes « théâtraux » : Rammstein, Slipknot, Avatar, Eisbrecher, Cradle of Filth, Septic Flesh dont l’imagerie est très forte. Nous voulions nous en inspirer pour pouvoir proposer un show et un univers intéressant sur scène comme sur album.

5/ LB: Si l’on excepte la reprise des Inconnus, vous avez inclus un morceau avec des textes en français. Est-ce que vous compter vous tourner davantage vers le français par la suite (comme le font Lofofora, No One Is Innocent ou Mass Hysteria), sachant que vous êtes également dans une logique de dénonciation ?
Rien n’est décidé pour le moment : tout est possible ! Même si notre logique de dénonciation est bien moins forte et engagée que les groupes pré-cités. Les textes parlent de ce qui me touche, me révolte et illustrent cette «  traversée du champ de carbone ». Le texte en français n’est pas de moi, mais de ma mère (!), qui écrit à ses heures perdues : le morceau était instrumental depuis plus d’un an et elle a couché les paroles en 3h ! La magie de la musique…

6/ LB: Parlons un peu de votre musique. Il est difficile de la classer, car elle brasse bon nombre d’influences metal et moins metal. Pourriez-vous nous en dire plus sur les styles / groupes qui vous ont influencé et était-ce un parti pris de ne pas vous limiter à un style particulier ?
C’était en effet un parti pris : ne pas se fixer de limites et essayer de mélanger les genres, pouvoir transcrire différentes émotions. Le metal est un style si riche, tout est possible ! Toute musique peut être jouée “version metal” , c’est ça qui est génial ! Mais je souhaitais garder un côté catchy, groovy pour tous les morceaux. On peut dire que la base vient du heavy metal, avec le coté gros riff, le refrain qui rentre dans la tête pour ne plus en ressortir, les solos… Le tout parsemé de blast beats, avec une grosse partie d’orgue classique au milieu, par exemple !
J’ai été beaucoup influencé par le melodeath de Children of Bodom (Laiho était un génie de la six cordes à mes yeux), In Flames, Dark Tranquility, mais aussi Machine Head, Lamb of God, Pantera, Iced Earth, Devin Townsend (un génie tout court, pour qui tout est possible !), Cradle of Filth, Rammstein, tous les grands du genre bien sûr… Il y en a tant !
Hors metal, j’écoute de tout, pas mal de musique de films et de classique dernièrement. Il s’en dégage une telle force…

7/ LB: Où peut-on se procurer votre album, et pour nos lecteurs à l’étranger, comment se fait la distribution ?
Carbonic Fields est pour le moment un groupe totalement auto-produit : nous avons fait presser 300 exemplaires de Ite Est en version digipack limitée pour les collectionneurs, objet disponible via notre bandcamp. Nous n’avons pas de distribution, ce que nous espérons trouver par la suite, car c’est un élément indispensable à la diffusion de notre musique ! Nous envoyons tout de même à l’étranger via le site bandcamp. La musique est disponible en achat digital sur ce même site, mais également en mp3 sur toutes les plates-formes de streaming.

8/ LB: Pour défendre votre album, quoi de mieux que de partir en tournée ! Votre batteur étant très « pris », pensez-vous tourner avec lui si l’occasion de tourner se présente (rappelons que l’épidémie n’est pas encore derrière nous) ?
Chucky est notre batteur, nous ne tournerons pas avec Franky, qui a joué dans Carbonic Fields en tant que session man pour le disque. Nous travaillons d’arrache-pied sur nos futures prestations live, et espérons nos premiers concerts pour le printemps 2022. Carbonic Fields devient un « vrai » groupe, et cela demande pas mal de travail, notamment au niveau des arrangements pour retranscrire au mieux la musique de l’album.

9/ LB: Souhaitez-vous ajouter quoi que ce soit à cet entretien ?
Merci de nous avoir consacré cette interview ! Nous avons vraiment hâte de jouer nos morceaux sur scène et de vous faire découvrir notre univers carbonique ! Soutenez vos groupes locaux, la scène metal française est très variée et qualitative !

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