Bertrand Loreau – Passé composé (+ interview)

Passé composé
Bertrand Loreau
2002
Dreaming

Bertrand Loreau – Passé composé

« Passé composé » est le cinquième album studio du clavieriste français Bertrand Loreau, série inaugurée en 1992 avec « Prière », son premier essai discographique produit et distribué par le label musea. Ce très sympathique opus de musique électronique mélodique reçut en son temps de bons échos dans la presse vouée au genre, la belle époque des fanzines « Oniric » et « Rubycon », malheureusement disparus aujourd’hui. Car ce disciple avoué de la Berlin school (et de ses deux grands initiateurs que sont Klaus Schulze et Tangerine Dream) ne s’est jamais contenté de reproduire des photocopies d’œuvres de ses maîtres, mais bien au contraire, de diversifier et d’enrichir son propos musical à la croisée de nombreux genres. Riche d’influences rock, jazz et classique, la musique de Bertrand Loreau se veut à la fois simple d’accès car très mélodique (ce qui peut ravir l’amateur de Vangelis ou de Mike Oldfield) tout en conservant un caractère improvisé, innovateur, voir expérimental de ci de là. Celle ci s’écoute en effet à toute heure, avec attention (car riche et évocatrice) ou détachement (car suffisamment doucereuse et planante pour se vivre en musique d’ambiance).

A l’instar de Jean-Luc Hervé Berthelot (alias Tales), Bertrand Loreau serait donc une sorte de garant d’une tradition musicale électronique issue des seventies (mais à la française), qui, sans révolutionner le genre, sait produire une musique passionnante et originale en évitant les pièges et écueils des trop nombreuses soupes New-age. Ce nouvel opus tombe à point nommé pour permettre au néophyte de découvrir l’univers musical si personnel, à la fois léger et complexe, de Bertrand Loreau. Car en effet, si « Passé composé  » contient 100 % de nouveau matériel, il n’en est pas moins qu’une sorte de compilation d’anciens titres laissés de côté depuis la parution de son 1er album en 1992, réarrangés ici pour l’occasion. Pour ce faire, notre talentueux musicien s’est adjoint les services de son grand ami Olivier Briand (également crédités aux claviers) et du guitariste Lionel Palierne, qui agrémente certaines compositions de solos mélodiques bienvenus. A ce sujet, Bertrand gagnerait vraiment à l’avenir de s’entourer d’autres musiciens pour étoffer ses compositions et les rendre encore plus vivantes et dynamiques, au lieu de se contenter de ses seules boites à rythmes (fort bien utilisées cependant) et des sons d’usine de ses nombreux claviers. Mais ne boudons pas notre plaisir, l’ensemble se veut une nouvelle fois largement digne d’écoute et très réussi. Un disque en forme de bilan donc, qui on l’espère ne restera pas sans suite.
Philippe Vallin (7,5/10)

 

(Chronique parue en 2002 dans le magazine Koid’9, Rock & Progressif)

 

Interview Bertrand LOREAU
Propos recueillis par Philippe Vallin – KOID’9 N°46

 

Si l’œuvre du claviériste Bertrand Loreau ne s’inscrit pas vraiment dans le sillage de cette fameuse french touch qui rencontre un vif succès auprès des amateurs de la nouvelle scène électronique mondiale, celle-ci n’en demeure pas moins moderne et évolutive. La parution il y a quelques mois de « Passé composé », très bel album en forme de bilan (chroniqué dans le Koid’9 N° 43), est aujourd’hui l’occasion idéale de faire le point avec son géniteur sur l’ensemble de son œuvre et sur son parcours, mais aussi sur une démarche créative très personnelle et un regard, parfois sévère, porté sur les musiques électroniques d’hier et d’aujourd’hui. Voici donc pour vous une interview fleuve de cet artiste discret, sincère et passionné, qui au grès du temps et de l’expérience, à su se forger un style bien à lui, au delà des modes et des tendances. Je laisse donc la parole à Bertrand…
1 – Bertrand, peux tu nous dire quelques mots sur la genèse de « Passé composé », ton nouvel (et cinquième !) album studio ?Lorsque je me suis marié avec Luciana, nous avons emménagé dans un petit appartement, dans le centre ville de Nantes. Nous n’avions pas beaucoup de place et j’avais installé un minimum de matériel : l’ordinateur, un clavier, deux ou trois racks. Le déménagement m’avait fait tomber sur une disquette de fichiers midi de morceaux plus anciens que ceux qui se trouvent sur Prière, sorti en 1992. J’ai eu très envie de remixer quelques morceaux. J’ai, ainsi, réenregistré les morceaux qui sont devenus : « A Son is Born » et « A Daughter is Born ». Le titre « A Son is Born » a été choisi parce qu’il me  donnait une occasion de faire référence à la naissance de mon premier enfant. Il fait, aussi, référence à une phrase qui est chantée dans le Messie de Haendel, une musique que j’ai beaucoup écoutée, bien avant que je fasse du synthé. Ce titre évoque une œuvre classique et « A Son is Born » a, je crois, une couleur de musique classique.
Ainsi, après avoir réenregistré quelques morceaux, l’idée d’aller plus loin, de faire un nouveau disque, a germé. Je me suis dit que j’allais exploiter, davantage encore, le répertoire laissé de côté depuis plus de dix années. J’ai, alors, réécouté des bandes DAT des années 89-90-91-92 et j’y ai trouvé pas mal de choses intéressantes.2- L’intégralité des morceaux présents sur ce disque sont d’anciennes compositions personnelles issues de la décennie 1989/1999. As tu entièrement rejoué et réenregistré l’ensemble de ces titres, ou ces derniers ont-ils juste fait l’objet d’un simple « lifting » de ta part, sous forme de remixage ?

En fait il y a un peu tous les cas de figure . »Le Clos des Papillons » et « La leçon de musique » sont des enregistrements originaux. On peut le ressentir au niveau du grain du son. D’autres morceaux sont des enregistrements récents, faits à partir de fichiers midi anciens. Dans ces cas-là, j’ai rejoué certaines parties, certaines pistes. Il y aussi des morceaux, comme « Simulacre of Dream » qui ont été faits à partir de bandes Dat, sur lesquels de nouvelles parties de synthés ou de guitares ont été ajoutées, sur des pistes audio. Globalement cela a représenté pas mal de travail. Il faut noter qu’il y a, aussi, deux ou trois morceaux récents dans le disque.

3 – Quelles ont été les contributions de Lionel Palierne et Olivier Briand, tous deux crédités à la réalisation de « passé composé » ? Peux tu nous parler un peu de ces deux musiciens et de votre collaboration ?

Ces deux musiciens ont toujours été impliqués dans ce que j’ai produit. Nos amitiés sont si longues, qu’ils ont toujours eu une influence sur ce que j’ai fait. Lionel est la personne avec laquelle j’ai découvert les synthés. Il m’a vendu mon premier système : le MS20 Korg et le sequencer SQ10. Nous avons joué ensemble, enregistré quelques bandes et surtout réalisé des concerts de musique électronique. C’était au début des années 80. A cette époque-là, nous passions pour des originaux avec nos drôles de machines. Lionel jouait des claviers et de la guitare électrique.
On était, déjà, des passionnés. Nous connaissions Klaus Schulze et Tangerine Dream et au-delà de faire connaître notre propre musique, nous voulions faire découvrir les synthétiseurs et l’existence d’une nouvelle forme de musique, au public de la région de Nantes. A ce propos, l’enthousiasme pour la musique techno de la part d’un certain public, me fait tristement sourire. Je suis sûr  que la plupart de ces jeunes n’auraient pas eu d’intérêt pour la même musique électronique, il y a 20 ans, parce qu’ils se contentent de suivre des modes et l’influence des médias. La musique électronique aurait dû, pourtant, avoir un énorme succès, il y a 20 -25 ans, parce qu’à cette époque-là, c’était vraiment quelque chose de neuf, qui apportait une alternative au rock. Mais la vraie nouveauté fait peur. Aujourd’hui les sons électroniques et les sequencers sont partout, dans toutes les musiques, depuis 20 ans, et une certaine jeunesse déclare : « Ecoutez une nouvelle musique, la musique techno, la musique des jeunes, née en 1986 à Détroit ! »… C’est difficile à supporter.
Pour en revenir à Lionel, alors que nous avons toujours été proches, nous n’avions jamais rien enregistré de définitif ensemble. J’aime bien son jeu de guitare et à l’écoute de  certaines bandes, je me suis dit qu’il y avait moyen de le faire participer à mon nouveau disque. Je souhaitais qu’il ajoute des soli, dans l’esprit de ce que nous faisions ensemble, il y a 20 ans.
J’ai rencontré Olivier au milieu des années 80. Plus jeune que moi, il avait une passion incroyable pour les machines électroniques. Olivier avait compris, plus tôt que moi, l’intérêt des samplers et lorsque je m’y suis mis, il m’a beaucoup apporté au niveau du son. Il possède, avec son père, une collection d’environ 500 instruments du monde entier et il a créé une banque personnelle d’échantillons d’instruments ethniques qui m’a parfois servi. Au début des années 90, Olivier a foncé sur la voie de l’informatique musicale. Au cours de la décennie 90, ses compétences informatiques, en mastering et logiciels audionumériques m’ont été très utiles. C’est grâce à lui que j’ai pu réaliser « Passé Composé », grâce a ses moyens audionumériques. J’ai été content, aussi, de le faire jouer dans « Simulacre of Dream ». Il a apporté, a ce morceau, une grosseur de son que je n’arrive pas à produire. Il joue, également , dans KS impression, un solo très réussi.

4 – Comment définirais-tu ton approche des sons électroniques ? Es-tu du genre à exploiter au maximum ceux dits « d’usines » de tes nombreux claviers, ou es-tu au contraire un insatiable bidouilleur, expérimentateur et créateur de nouveaux univers sonores ?
Lorsque je me suis mis aux synthés, j’avais 22-23 ans, cela faisait longtemps que j’avais arrêté les cours de piano, qu’on m’avait imposé dans mon enfance. J’avais donc, comme seule  ambition, de jouer avec les sons, de bidouiller. J’avais suivi un cours universitaire d’électronique, et ma passion était principalement d’ordre technique. Les sequencers en particulier me fascinaient. Je passais donc des heures à tourner dans tous les sens les boutons de mon MS20 en essayant de m’approcher des timbres que j’entendais dans les disques de Schulze ou de T.D. Bien sûr, les chambres d’écho et les tables de mixage sont arrivés et m’incitaient à toujours, davantage, triturer les paramètres des machines. J’ai rêvé , longtemps,  d’avoir un Polymoog et lorsque j’en ai eu un, j’ai passé des journées a essayer de produire des sons inouïs. Sur le Polymoog, j’arrivais à produire un son de voix humaines assez extraordinaire pour l’époque (en mixant les différentes sorties, qui avaient la propriété d’interférer et de produire un son différent que le simple mélange des sorties).
Mes connaissances en électronique ont fait que le DX7 me fascina, immédiatement.
J’ai donné des cours de programmation, sur Nantes, en 1985, sur cet instrument. La programmation des opérateurs ou des enveloppes, sur le DX7, m’a semblé extrêmement logique. Je n’ai jamais compris qu’on puisse trouver complexe cet instrument. La sensation qu’on pouvait atteindre des sonorités vraiment nouvelles, incitait à programmer énormément. J’ai créé des sons très personnels, je crois, sur le DX7.
Lorsque j’ai enregistré mon premier disque, le sampler avait, déjà, fait une entrée fracassante dans mon studio. Ainsi, dans l’album « Prière », les sons de DX ne se remarquent pas tellement, parce qu’ils sont, assez souvent, au second plan.
L’arrivée du sampler a calmé, énormément, mes envies de programmation. Progressivement j’ai eu accès à des banques de sons de plus en plus riches et j’ai réalisé qu’il était bien difficile, en samplant soi-même, d’obtenir des sons de la même qualité que ceux que réalisait mon ami Olivier ou que ceux qui circulaient librement.
Aujourd’hui je bidouille encore, mais seulement au niveau de modifications simples des timbres. Par exemple, je modifie les enveloppes des sons ou je cherche des superpositions intéressantes. Le JP800 qui est un synthé analogique par modélisation me permet, aussi, de retrouver des sensations que j’ai eu sur le Minimoog, le Poly ou le Prophet 5.

5 – Depuis tes débuts en tant que musicien, ton studio personnel a dû connaître bon nombre d’évolutions, voire de transformations (époque des claviers analogiques, entrée dans l’ère numérique etc…). Avec quel type de matériel travailles-tu aujourd’hui, et qu’est-ce que le développement des technologies musicales a pu apporter à ta manière de composer et d’enregistrer ?
Les instruments dont j’ai parlé précédemment caractérisent les évolutions de mon home-studio. Le MS20, le Polymoog, le DX7, le S550 Roland sont les instruments qui m’ont permis d’évoluer. J’ai eu beaucoup d’autres instruments, comme le Prophet 5, le D50, le JV80, le Yamaha MSX ordinateur musical, le SH101 et son sequencer MC202, mais ils ne m’ont pas apporté beaucoup. Il n’y a qu’un instrument que je regrette de ne plus avoir et que j’ai beaucoup aimé ; c’est le Minimoog.
Depuis longtemps ce qui m’intéresse, c’est la musicalité d’un instrument. Le DX7, pour cela, sera toujours un véritable instrument, parce qu’il est extraordinairement expressif. Le son qu’il produit est vraiment temps réel, ce qui n’est pas le cas d’un lecteur d’échantillon, qui lit un son qui est déjà mort. Le son y est vraiment dynamique parce que la vélocité peut agir sur n’importe quel opérateur qui module chaque fois, en temps réel, le porteur.
La brillance du son varie, d’une manière infiniment plus subtile, que ce que l’on obtient avec un simple filtre VCF. En fait, à ma connaissance, la synthèse FM est la seule technique qui permet d’approcher la finesse d’expression d’un instrument acoustique.
Aujourd’hui j’ai un matériel qui devient obsolète mais qui me semble encore exploitable. Je peux faire beaucoup de choses avec mon sampler Akai et avec le JP8000 Roland. De temps en temps j’utilise mon TX802 ou le DX7-2, pour les sons qui caractérisent ma musique depuis longtemps : sons de séquences, de harpes, de guitares etc…
Aujourd’hui la question que je me pose c’est celle du passage au tout informatique. Mon ami Olivier m’y incite beaucoup mais je ne suis pas encore totalement convaincu, même si certains synthés virtuels sont impressionnants. C’est en terme de musicalité et de communion avec les instruments que je m’inquiète. En gagnant sur le plan technique, j’ai peur de perdre beaucoup au niveau émotionnel, et la musique passe d’abord, pour moi, par des émotions.

6 – Ta musique est riche d’éléments empruntés au Jazz et au classique. Aurais-tu en perspective d’intégrer un jour divers instruments acoustiques, voire, même, pourquoi pas de travailler avec un véritable orchestre ? Ou le tout électronique correspond il à un choix immuable de ta part ?

Depuis quelques années, on me dit assez régulièrement, que tel ou tel morceau se prêterait bien à  l’intégration d’un ou de plusieurs instruments acoustiques. Je pense que c’est une idée intéressante, effectivement.
J’aurais aimé, plusieurs fois, faire jouer un vrai violoniste ou un vrai clarinettiste mais j’ai rencontré des difficultés. Lorsque j’ai affaire à un musicien d’assez haut niveau ,il me dit qu’il faudrait modifier la partition, de telle ou telle manière, pour que cela donne une  partie plus intéressante à jouer, avec davantage de virtuosité, par exemple, et lorsque je rencontre un musicien amateur, il me dit : « Je crains de ne pas être capable de jouer assez juste ». C’est vrai , aussi, qu’il y a un vrai risque à travailler avec des musiciens classiques ; j’ai l’honnêteté de reconnaître que cela peut révéler la faiblesse de la composition à certains moments.
Ce que je retiens, aujourd’hui, c’est que mes musiques sont enregistrées et qu’il sera toujours possible d’éditer des partitions. J’espère, qu’un jour viendra, ou des gens me feront des propositions pour arranger ou interpréter ces musiques.

7 – Quelles ont été les influences majeures de Bertrand Loreau à ses débuts et celles d’aujourd’hui ?

Je viens d’une famille où la musique classique est très présente. J’ai des frères et sœurs qui jouent du violon, de la clarinette et du piano. J’ai délaissé la musique classique, cependant, pendant de nombreuses années. Je ne sais pas trop pourquoi, mais dès l’âge de 7 ou 8 ans, j’ai été très sensible aux sons électroniques, parce que je comprenais qu’ils n’étaient pas produits par les instruments dont on me parlait à la maison. J’avais l’impression qu’on me cachait quelque chose. Le grand choc de ma vie a été Pink Floyd et le disque Meddle. Je me demandais comment ils faisaient le vent dans « A Pillow of Winds » et les chants d’oiseaux au milieu de « Echoes ». J’avais 13 ans, mes copains écoutaient de la variété ou les Beatles, je me sentais déjà différent. L’autre choc s’est produit en 1977 avec le concert de Klaus Schulze. J’ai rêvé, durant des mois, d’avoir un Moog, de produire moi-même, ces sons incroyables : les nappes immenses, les séquences hypnotiques. Klaus Schulze est la seule vraie influence que j’ai eu pendant assez longtemps, sans doute parce que c’était une musique assez facile à imiter, en apparence. J’ai toujours eu de l’admiration pour Vangelis, également, mais, curieusement, je ne l’ai jamais beaucoup écouté. C’est inconsciemment et naturellement que je me suis rapproché, un peu, parfois, de son style.

8 – Ta musique semble être la garante d’une sorte de tradition musicale électronique issue des années 70. Es-tu d’accord avec cette définition ?

Je peux dire, simplement, que je considère que les meilleurs disques de musique électronique ont été produits entre 1975 et 1982. Quelques titres : Mirage, Dune, Ricochet, Stratosfear, China, Trans Europe Express, etc… Lorsque j’enregistre des musiques à base de séquences électroniques, c’est cette culture-là qui ressort. Mais je crois que le style, plus mélodique, qui me caractérise, qui n’est plus de la musique électronique, n’a pas beaucoup de références, je crois qu’il y a un style Bertrand Loreau. J’en profite pour dire que les journalistes ne savent trop comment parler de ma musique parce que j’oscille régulièrement entre la musique électronique influencée par les années 70-80 et une musique de sensibilité acoustique. Parfois je mélange les deux. J’espère, toutefois, qu’on retient l’émotion qui m’est propre. Le seule chose que j’ai toujours voulu faire, c’est communiquer des sentiments.

9 – Quel regard portes-tu sur les différents courants de la musique électronique contemporaine (culture techno, Ambient, trip-hop etc…) ? Et quels ont été les artistes de cette scène qui t’ont le plus marqué ces dernières années ?
J’ai la passion de toutes les musiques. Depuis quelques années, je m’intéresse au jazz et aux compositeurs classiques du XXème siècle parce que j’y découvre des musiques vraiment nouvelles pour moi. Récemment j’ai craqué sur le saxophoniste Joshua Redman, cela n’aurait pas été possible il y a quelques années, je n’avais  pas, encore, l’esprit assez ouvert. J’ai toujours envie d’écouter de la musique électronique mais tout ce que j’entends me déçoit. La musique techno, en particulier, est basée sur des boucles, souvent samplées et montées à l’aide de logiciels genre Acid. J’entends le montage et la facilité du travail et surtout le manque de musicalité. J’entends des machines qui tournent en rond, les effets de filtre faciles qui font croire qu’il se passe quelque chose dans la musique lorsqu’il ne s’y passe rien. Muter le son de grosse caisse pour le remettre dix mesures plus loin n’est pas un acte de composition pour moi. J’entends, aussi, souvent, des musiques qui se terminent comme elles ont commencé, c’est le contraire de la composition. Je n’entends pas des artistes, je n’entends pas d’émotions. « Ricochet » de Tangerine Dream reste pour moi le must en terme de séquences mais la plupart des musiciens techno ne connaissent même pas ce disque. Il a été dit : « l’art est l’enfant de l’intelligence et du sentiment ». Dans le domaine de la techno, je n’entends aucune de ces deux composantes. Je dois reconnaître, cependant,  qu’on ne m’a pas fait entendre, peut-être, les bons artistes. Dans ce domaine, la forêt cache l’arbre, certainement. Je ne demande, donc, qu’à être aidé.

10- Sur quel type de projet travailles-tu en ce moment ? Un nouvel album serait-il en préparation ?

J’ai trois nouveaux morceaux pour un nouveau disque mais il me faudra beaucoup de temps parce que mes deux enfants sont petits et je veux être un père présent. Je continue dans ma démarche de musique d’influence classique avec des sons de clarinette, de flûte, de hautbois parce que c’est ce qui me semble le plus difficile. J’ai toujours envie d’aller vers ce qui est difficile, pour moi, et ce qui est de plus en plus de la musique, tout simplement. Les effets synthétiques, la musique de climat, les séquences répétitives m’ennuient aujourd’hui. La musique est de plus en plus, pour moi, de l’harmonie, de la mélodie et du rythme. Je suis tenté de dire que tout le reste est de la pseudo philosophie qui ne peut tromper que les gens qui manquent de références musicales.
J’ai un autre projet qui peut paraître mégalo c’est de réaliser un best-of. Simplement pour faire le plus beau disque possible. Parce que je voudrais avoir un CD a donner aux personnes qui ne me connaissent pas encore. (Il y en a beaucoup !) Ainsi, je veux, aussi, montrer toute la cohérence de mon discours musical.

11 – Aurons nous un jour l’opportunité de te revoir remonter sur scène ?

J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à monter sur scène. C’est toujours un moment magique. Il y a eu une époque, cependant, où je n’ai plus voulu jouer sur scène parce que je trouvais malhonnête d’utiliser des ordinateurs et d’avoir 90% de la musique préenregistrées. Aujourd’hui je pense un peu différemment parce que je me sentirais, moins, obligé de faire quelque chose de parfait sur scène. Je saurais me réserver des moments d’improvisations et des moments plus programmés. Ainsi, aujourd’hui, il m’arrive de rêver à l’idée de refaire des concerts. Peut-être, aussi, parce que l’envie de graver la musique sur CD a été assouvie. D’ici deux ou trois ans, si je produis un nouveau disque – parce que mes enfants me laisseront peut-être un peu plus de temps -, on me reverra peut-être sur quelques planches.

12 – Un grand merci à toi d’avoir pris le temps de répondre à mes quelques questions !

Discographie :

–    « Prière » (1992)
–    « Pays blanc » (1994)
–    « Patchwork Music » (1995 – en collaboration)
–    « Sur le chemin » (1996)
–    « Jericoacoara » (1998)
–    « Passé composé » (2002)

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