Bear’s Den – Red Earth & Pouring Air

Red Earth & Pouring Air
Bear’s Den
Juno Records
2016

Bears Den - Red Earth And Pouring Rain

Je suis dans mon avion pour Dubaï (voyage professionnel, what did you expect?). Tout d’abord, je suis agréablement surpris de converser en polonais avec une hôtesse qui n’a pas eu de doutes sur l’origine de mon nom. Ensuite, autre surprise, en faisant défiler les albums récents en écoute sur la borne qui me fait face, je tombe sur le groupe londonien Bear’s Den. La pochette m’intrigue, une jeune femme au volant de sa voiture dans un clair-obscur où le noir prédomine, sur quelques touches de couleurs vives. Il faut savoir que les arts graphiques m’ont toujours passionné, de quelque époque et de quelque courant qu’ils soient. J’aurais même orienté ma vie professionnelle dans ce sens si le monde portait plus d’intérêt à la chose artistique. Disons que je suis un doux rêveur, et que tout ce qui stimule mon imagination et me transporte ailleurs l’emporte sur les petites affaires de ce bas-monde.

Mais pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Eh bien, non, je ne digresse pas, loin de là. En effet, Bear’s Den, c’est un régal non seulement pour nos yeux, mais également pour nos oreilles. Et le choix de couleurs auxquelles je faisais référence n’est pas anodin. En effet, la voix est gorgée d’un spleen noir dont on sent néanmoins le combat pour entrer dans la lumière. Les mélodies, quant à elles, sont alertes et immédiates, servant cependant davantage à sublimer le propos ambivalent du chant qu’à participer à une entreprise de calculs mercantiles. Ecoutez-moi l’hymne ambient-Americana « Love Can’t Stand Alone », dans lequel on se retrouve littéralement plongé dans les airs (bon, moi je le suis effectivement au moment où j’écris ce texte !), grâce à ce mélange de séquences réflectives à la Brian Eno et de route folk mélancolique sur laquelle Bruce Springsteen s’était égaré sur ses sublimes Nebraska et Ghost Of Tom Joad. Americana, le mot est lâché. En effet, la musique est certes majoritairement dominée par des sons new wave – rappelons en effet que les années 80 étaient un terreau fertile pour les mélodies directes et durables – on pourrait même parler de « driving music » pour revenir à la pochette (le sublime « Dew On The Vine » pourrait figurer sur la bande-son du magnifique road movie « Thelma & Louise »). Cependant, des incursions d’Americana donnent en outre un supplément d’âme à l’ensemble, en même temps qu’elles subliment les mélodies. On retrouve ainsi des guitares convoquant le Dust Bowl sur « Fortress », ou le grand air des Appalaches sur « Roses On A Breeze ». Ailleurs, sur « New Jerusalem », les airs enchanteurs de la guitare vont même jusqu’à évoquer la brise printanière dans les plaines du Middle West. En outre, c’est un banjo enjoué qui met du baume au cœur de l’implorant « Broken Parable », tout autant que du fragilisé « Gabriel ».

Bears Den - Band

On peut ainsi concevoir Bear’s Den comme un laboratoire d’idées musicales où le traditionnel rencontre le moderne pour nous apporter des mélodies d’une beauté transcendante. Nos Anglais empruntent en cela la même voie que Talk Talk sur leur Colour Of Spring ou U2 sur leur Unforgettable Fire, dans un écrin pop bluesy typique du Chris Rea que l’on entend sur les ondes radios. Tiens, comme par hasard, je fais référence à des albums des années 80. Souvent évoquées, peu décrites, attardons-nous maintenant plus amplement sur les mélodies. Elles se développent tantôt dans la pénombre d’une âme en proie aux tourments (le fragile « Gabriel » à nouveau), tantôt dans la lumière d’une âme qui retrouve son âme-sœur (le solaire « Dew On The Vine »), mais toujours avec la référence ultime en la matière que sont les années 80 (non, je ne suis pas rabat-joie !), d’autant plus que l’ensemble est très proche des productions du label NewRetroWave (proposant des artistes de synthwave d’aujourd’hui inspirés par la vague synthpop d’hier).
Mais, puisqu’il y a un mais, là où la surprise n’est plus de mise, c’est sur ce « Napoleon » qui évoque étrangement le « No Surprises » des Radiohead, même si le rythme martial et la trompette sonnant le glas (il s’agit du morceau de clôture) lui donnent une certaine identité. La rencontre de la synthpop, de la pop smithienne et de l‘AOR, voilà que bon nombre de mélomanes amateurs de mélodies taillées sur mesure vont voir leur garde-robe musicale enrichie !

Une voix riche en émotions, des mélodies à fondre et un soupçon de mystère, c’est ce que l’on retrouve dans un album que vos oreilles vont réclamer de toute urgence. Pour ma part, j’ai passé un moment très agréable à bord de mon Airbus A380 grâce à Bear’s Den. La magie a tellement bien opéré que je n’ai pu m’empêcher de produire cette chronique (la première en cinq mois !) et d’écouter l’album en boucle pendant près de 6h !

Lucas Biela

http://www.bearsdenmusic.co.uk/

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