…And You Will Know Us By The Trail Of Dead – XI : Bleed Here Now

XI : Bleed Here Now
…And You Will Know Us By The Trail Of Dead
Inside Out Music
2022
Rudzik

…And You Will Know Us By The Trail Of Dead – XI : Bleed Here Now

…And You Will Know Us By The Trail Of Dead – XI : Bleed Here Now

J’aime les groupes inclassables. Rien qu’à partir de son nom à rallonge, …And You Will Know Us By The Trail Of Dead, parfois simplement nommé Trail Of Dead, on se doute que ce sextet d’Austin au Texas en fait partie. Trop rapidement versé dans la catégorie embouteillée du rock alternatif à ses débuts en 1990, le groupe s’est ingénié à toucher à tout en complexifiant sa musique, atteignant son apogée en 2002 avec le fabuleux Source Tags And Codes encensé par une presse spécialisée incrédule devant tant d’audace. Leurs prestations live ne laissent également pas de marbre, avec des musiciens échangeant systématiquement leurs instruments en concert pour tout fracasser à la fin, façon The Who. Il faut dire que ces mecs, raides dingues de la période fin 60’s/70’s, sont nés trop tard pour réellement la vivre. Pourtant, ils ont réussi à imposer leur rock alternatif (quand même), mais aussi psyché, prog voire symphonique dans les 90’s, bravant tous les codes en vigueur à cette époque. Mieux, tout au long de leur discographie riche de dix LP, deux EP et un Live, ils n’ont jamais hésité à surprendre et à explorer d’autres voies avec, comme il se doit, plus ou moins de succès. Dixit Conrad Keely et Jason Reece, leurs leaders originels, leur credo est « La musique moderne n’a pas besoin d’être (et n’aurait jamais dû être) compartimentée ou abêtie et forcée de se conformer à un genre pour être appréciée par les mélomanes. » Si les médias pensaient la même chose ça serait top, mais la mode actuelle de rachat des catalogues par les majors pour sortir moult covers douteuses va définitivement à l’inverse de ces principes.
Et voici que Trail of Dead déboule avec l’éclectique XI : Bleed Here Now composé de pas moins de vingt titres pour 75 minutes d’une musique tapant dans toutes les directions. Faisant fi des modes, nos six US boys ont poussé la coquetterie jusqu’à sortir cet album en quadriphonie / surround. C’est Kamran, un vieil ami de leur ancien label Interscope Records, venant d’enregistrer le dernier album de la légendaire claviériste Suzanne Ciani en quadriphonie, qui leur a susurré l’idée. Certes, je n’ai pas le matos pour pouvoir juger de la qualité du rendu, mais ça doit quand-même être quelque chose de la si bonne zike provenant simultanément de quatre directions différentes. Ils assurent en particulier que les quatre voix (dont celle de la Néozélandaise Amanda Palmer, la seule à enregistrer à distance) du très délicat acoustique «  Growing Divide » sortent de quatre HP différents. L’excitation provoquée par ce challenge auditif a boosté leur ferveur et leur enthousiasme et ça se sent à l’écoute de l’album. D’ailleurs, le groupe a tenu à enregistrer « à l’ancienne » comprenez par là, en se réunissant dans un lieu tranquille, en l’occurrence un ranch texan, pendant plus de deux mois comme le faisaient les Led Zep, Pink Floyd, Rush, etc. inventant au passage un nouveau sport : le frizball, un mix de football et de frisbie. Outre Conrad Keely (chant, guitares, claviers) et Jason Reece (chant, batterie, guitare), Alec Padron (basse, percussions, batterie) Ben Redman (guitare, percussions, batterie), A.J. Vincent (chant, claviers et percussions) et John Dowey (guitares, chœurs) complètent ce line-up très étoffé. Avec deux kits de batterie installés et trois postes de guitare, bien malin celui qui pourrait dire qui joue de quoi sur chaque morceau, car même les membres du groupe ont du mal à s’en souvenir, d’où leurs prestations live « échangistes ».

…And You Will Know Us By The Trail Of Dead – XI : Bleed Here Now band1
J’ai parlé d’éclectisme et je m’empresse de suite de justifier mon propos. Passé l’introductif « Our Epic Attemps » qui psalmodie le nom du groupe dans une multitude de langues différentes, on plonge dans des styles très différents avec le très court et métallique déstructuré « Long Distance Hell », les très pop « Field Songs » et « Penny Candle » pour arriver à l ‘épatant « No Confidence », un titre hard rock puissant et groovy aux chœurs 60’s façon Beatles avec aussi un p*** de solo de wah wah. Vous me suivez toujours ? Ça vaut mieux parce que, si je vous écris que des intermèdes instrumentaux symphoniques de violon ou d’électro sont parsemés çà et là, que « Kill Everyone » est un véritable hymne punk, que « Golden Sail » est psychédélique et mue lentement vers un final de space rock que n’aurait pas renié Hawkwind, ça doit commencer à faire beaucoup. Et nous ne sommes qu’à la moitié de l’album. C’est le moment choisi par …And You Will Know Us By The Trail Of Dead (ouf!) pour balancer son plus gros pavé dans la mare : le monstrueux blues « Taken By The Hand » (onze minutes au compteur) évoluant lentement en sarabande étonnante blindée de percussions pour finalement revenir au blues. Ouch ! Je ne l’avais pas vu venir celui-là.
Garçon, la suite, vite ! Je suis rassasié, mais je veux encore déguster cet équivalent musical d’un repas libanais. On entre alors dans le royaume des ballades inspirées avec la lourdeur de « Contra Mundum », le côté ingénu 60’s de « Water Tower » et de « Salt In Your Eyes » (encore ces chœurs à la Beatles), les chants en canon de « Protest Streets », l’apport du Tosca String Quartet sur la tendre « Millennium Actress » jusqu’à la diaphane « English Magic ». Et pourtant, il y a des constantes comme la douceur des vocaux (si l’on excepte le tonitruant « Kill Everyone ») et la qualité des chœurs, l’amalgame réussi entre acoustique et électrique, les renforts de percussions sur les parties de batterie, les riffs et les soli de guitare ébouriffants, bon, j’arrête ici ma distribution de bons points et d’images à profusion.

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Il est beaucoup plus difficile de nos jours de crever le plafond de verre du succès musical, en particulier quand on fait feu de tout bois. Pourtant, XI : Bleed Here Now mérite bien plus que de faire dresser une oreille pour un intérêt éphémère d’un groupe écartelé entre passé vintage et modernité (quoique l’alliage des deux soit réussi). …And You Will Know Us By The Trail Of Dead considère que seule, une invasion extraterrestre dont le premier contact aurait lieu sur Tik Tok plutôt que sous la forme d’un carnage provoqué par des petits hommes verts débarquant de l’espace (comme dans les films des années 50) pourrait encore surprendre une humanité toujours plus blasée et futile. Le groupe ne semble pas se faire beaucoup d’illusions sur l’accueil qui pourrait être fait à cet album par un public plus attiré par un énième remix d’Elton John. J’espère vous avoir donné envie de leur prouver le contraire.

Crédit photos : Dave Creaney

www.trailofdead.com/
www.facebook.com/andyouwillknowusbythetrailofdead

2 commentaires

  • Tony koscak

    Une belle claque….vraiment incroyable ce groupe, j’en suis a la troisième écoute, et je découvre la discographie, extrêmement riche…merci pour ta chronique.

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