Akim Amara – Oublier Wellington

Oublier Wellington
Akim Amara
Auto Production
2020
Fred Natuzzi

Akim Amara – Oublier Wellington

Akim Amara Oublier Wellington

Il y a des albums qui vous touchent en plein cœur sans que vous vous y attendiez. Oublier Wellington d’Akim Amara est de ceux-là. En effet, longtemps après la première écoute, l’album continue de résonner en vous, comme si les milliers de soldats morts au combat le 9 avril 1917 revenaient vous demander de ne pas les oublier, eux, les expatriés de Wellington, cette carrière d’Arras qui a servi d’abri souterrain avant la bataille. Le disque se compose d’une galerie de portraits de quelques-uns de ces soldats venus de Nouvelle-Zélande, d’Écosse ou du Canada et se fige à la veille de la date fatidique. Jamais la bataille ne sera racontée. Akim Amara nous emmène au cœur de la tourmente des esprits en nous narrant ces figures emblématiques d’une autre époque, mais qui nous parlent toujours aujourd’hui. En effet, comment ne pas se reconnaître dans les souvenirs des uns, la peur des autres et l’inconnu inhérent au lendemain. De main de maître, il tisse ces portraits avec des mots choisis, ciselés, subtils, de façon à faire naître des émotions d’une manière simple. On ne peut que rester admiratif devant tant d’économie narrative, à la manière d’un poète impressionniste. Mais Oublier Wellington ne se limite pas à une belle plume, il s’accompagne de la voix d’Akim, grave, ténébreuse, qui ne cherche jamais le pathos et qui peint un paysage suspendu avec une présence charismatique incroyable. La chorale « Au Cours De L’Iton », dirigée par Olivier Gall, sous-tend les émotions par une présence qui n’est pas envahissante, elle est même en retrait parfois, mais elle est toujours juste et touche en plein cœur. Avec eux, Ludwig Brosch, camarade de jeu du magnifique EP précédent, Va, Cours, Vole Et Crève (et ancien Radiosofa), pour le coup très éloigné musicalement de cet univers, à la guitare, au piano et aux arrangements, Pauline Denize (Denize, City Of Exiles) au violon, Alexandre Mosca à la contrebasse, Xavier Feugray à la guitare et le Quatuor Altaïs aux cordes. C’est dire si l’ampleur musicale est belle et que ce projet est d’autant plus précieux. Akim Amara a pu compter sur le soutien de mélomanes philanthropes puisqu’ Oublier Wellington a été financé en ligne.

Akim Amara Oublier Wellington Band 1

« L’Ogre » ouvre le livre d’images en dépeignant solennellement le contexte de la carrière. Sa voix emplie d’émotion est vibrante, soutenue par une chorale cinématique et une guitare acoustique évocatrice. Le frisson monte au fur et à mesure de la chanson. Puis « Wellington » décrit les hommes qui venaient du bout du monde pour défendre les couleurs de l’Angleterre. Le souffle lyrique qui parcours le morceau est immense à partir d’effets simples : une voix grave et présente, un chœur en paysage de foule, un violon évocateur. Ce sont les portraits d’hommes qui vont mourir, on le sait et c’est saisissant. « John D’Aberdeen » se concentre sur un jeune soldat écossais à l’esprit vif et qui aime la vie. Un morceau qui rend le caractère de cet homme par une approche musicale souriante et dynamique, à l’opposé du destin funèbre qui attend les soldats mais qui souligne bien leur fierté et leur héroïsme. « Aberdeen », avec ses effets au piano et sa guitare acoustique convoque l’esprit de Pink Floyd et surtout de Roger Waters dont la voix pourrait résonner sur ce titre prenant et hypnotique. « Jenkins » balaie les occupations des hommes à la veille de la bataille. Le violon nous fait passer de pièce en pièce, de table en table, de personne à personne, comme une balade à travers la caserne. Un tour de force d’écriture. « Sergent Butcher » prend des allures de tango et narre le portrait d’un tueur d’élite qui danse avec le diable. On pense aussi à Bernard Lavilliers qui aurait pu se fondre dans ce tableau. « Soldat Rise », c’est un soldat qui décide de déserter à force de voir ses camarades tomber. Son désespoir résonne fort au vu des événements qui suivirent. Sur « Jenny », Akim Amara prend la peau d’un soldat qui reçoit un colis de sa petite amie Jenny et nous délivre toutes les émotions qui découlent du manque. Vocalement, on pense aussi à Pierre-Yves Theurillat, le chanteur de Galaad qui sait si bien faire passer les sentiments. « St Laurent » possède une mélodie envoûtante s’attardant sur un canadien qui repense à sa patrie. Émouvant, très bien dépeint, le titre est une merveille. « Arras » met les soldats au pied du mur, le jour J arrive, les rangs se resserrent, c’est bientôt le moment. Une musique qui embrasse le mouvement des soldats, qui les accompagne dans leur unité, dans leur terrible destin. Enfin « L’Aube » confirme le désespoir de la guerre dans un épilogue foudroyant.

Akim Amara Oublier Wellington Band 2

Oublier Wellington est un voyage crépusculaire au cœur des émotions de la guerre qui ne laisse pas indemne. Akim Amara personnifie très humblement et humainement des caractères universels qui résonnent longuement en nous, au travers de vignettes de la guerre sans occulter l’effroyable réalité des champs de bataille. Un disque utile, un morceau d’histoire méconnu qui invite à aller visiter la carrière Wellington. Un spectacle tiré de ce disque existe et a été donné là-bas pour une commémoration. Espérons que l’on pourra un jour avoir la chance d’assister à ce concert, quand nos jours sombres à nous, qui n’ont rien à voir avec leurs jours sombres à eux, cesseront de l’être.

Pour acheter l’album, contacter cette adresse: lademoiselle76@gmail.com

https://www.facebook.com/amaramusique

https://www.carrierewellington.com/

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