Zu – Igneo

Igneo
Zu
2001
Frenetic Records

Zu – Igneo

Zu est, quelque part, une sorte d’archétype du jazz contemporain. Je sais bien qu’il est loin d’être le seul. Il suffit juste de regarder du côté des pays nordiques pour s’en rendre compte. Cependant, les Italiens y sont aussi en plein dedans. Car plus que la configuration du groupe et la sonorité facilement et à jamais cataloguée du saxo, c’est avant tout une question d’esprit dont il est question. L’esprit du jazz aujourd’hui est quelque chose qui ne s’attrape pas comme le virus de la grippe saisonnière. C’est une sorte d’apprentissage, mais aussi d’abandon qui touche à sa liberté propre. Zu le fait en côtoyant une frontière bruitiste matinée de math-rock, dont il ne se cache absolument pas, rendant l’entité indéchiffrable. « Igneo » respire et refoule carrément le free-jazz. Ses sonorités déchirantes, cette impression de ressentir la chose en direct live, un savoir-faire dont ils sont passés maître, à ceci près que le combo italien ne se risque pas à perdre totalement son auditeur. Le format des titres est, de ce fait, plutôt court, rock même, certaines pièces dépassant à peine les deux minutes alors que d’autres commencent à s’envoler vers la dizaine. Je dis bien « commencent » car jamais Zu ne franchira la barrière du trop, quitte à perdre en expressivité et gagner en « frustration » (j’insiste sur les guillemets) calculée.

Efficace jusqu’à un certain point, « Igneo » est un esprit qui vagabonde, une idée succincte de la folie créatrice, des fragments dont on cherche à recoller les morceaux. Rien n’y fait, on se sent baladé, et finalement pris en étau sur des titres dont on reviendra afin de saisir, en pure perte, les subtilités. On ne peut que se laisser porter dans ces instantanés, fureur et précision, enivrement des muscles, du souffle jusqu’à la frénésie. « Igneo » me plaît, et plaît, parce que c’est un disque de malade ! Un vrai ! Un de ceux qui ne passera, heureusement, pas dans un ascenseur, mais qui laisse l’esprit voyager à sa guise. Il donnera envie de prendre des cours de batterie, de basse ou de saxophone baryton. Il y a un quelque chose qui rappelle les excès d’un John Zorn sur « Painkiller » comme l’abandon d’un Brötzmann pour amener la musique dans un ailleurs, immatériel, source de création constante et foutraque. Et quand on se paye le luxe d’avoir comme invité Ken Wandermark, nom illustre de la scène free américaine, sur le titre de fermeture pour un final on ne peut plus vicieux et non moins jubilatoire et bien, euh, on la ramène pas.

Voilà ! Zu arrive à créer, on a l’impression de voir se façonner une construction en terre glaise sous nos yeux, avec ce climat d’immédiateté et d’urgence canalisée proprement fascinant. Après écoutes sur écoutes, je n’arrive toujours pas à me détacher de son attraction aussi romanesque que jouissive.

Jérémy Urbain (8/10)

http://www.myspace.com/zuband

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