Yuka & Chronoship – Dino Rocket Oxygen
Yuka & Chronoship
Musea Parallèle
Au milieu d’une scène nippone plutôt tournée vers la zeuhl, le jazz électrique ou le psyché seventies, les groupes jouant du rock progressif ou symphonique font plutôt figure d’exception. C’est donc avec plaisir que l’on retrouve les musiciens de Yuka & Chronoship qui entretiennent la flamme aux côtés de ceux de Gerard ou de Water Garden. N’étant pas directement issue du boom symphonique des nineties, la formation cultive son propre style, à l’écart des clichés et des tendances. Formée à la fin du vingtième siècle à l’initiative de la claviériste, chanteuse et compositrice Yuka Funakoshi, le combo propose, en 2011 chez Musea Parallèle, un superbe premier album intitulé « Water Reincarnation », avec trois habitués des studios nippons : Shun Taguchi à la basse, Takashi Miyazawa à la guitare et Ikko Tanaka à la batterie. Cette œuvre fait l’unanimité en raison de sa profondeur philosophique (le CD dépeint le cycle sans fin de l’eau), de son éclat lyrique et de sa virtuosité technique. En 2011, le gang de Funakoshi-san, dont le line-up n’a pas changé d’un pouce, remet le couvert avec un second disque intitulé « Dino Rocket Oxygen ».
Illustrée par une superbe pochette signée Roger Dean, cette cuvée 2013, quasi entièrement instrumentale, est composée de trois longues fresques philosophiques (« Dinosaurs : Suite », « R Is For Rocket : Suite » et « Oxygen Suite »), subdivisées en plusieurs sous parties, qui s’étendent de 13’57 à 18’53. Si les synthés de la belle Yuka se taillent bien évidemment la part du lion (avec un piano au jeu fluide et délié et des choix de sonorité de claviers particulièrement pertinents : le mellotron magique sur l’introduction de « Who Came First, The Dinosaur Or The Egg ? »), la guitare lyrique de Miyazawa-san se fend de soli particulièrement percutants (notamment sur l’alléchant « Dance With Dinosaurs »). L’édifice est soutenu par la basse volubile de Miyazawa-san et la frappe précise de Tanaka-san à la batterie. Les musiciens s’accordent donc de longues plages d’expression mais en restant toujours au service des mélodies et sans que cela ne sonne comme des soli démonstratifs.
Les fans de « Water Reincarnation » vont apprécier que nos amis japonais aient conservé leur spécificité : mélange subtilement dosé entre progressif aventureux et jazz-rock onctueux. C’est bien simple : l’on tient là le meilleur album japonais de ces dix dernières années !
Bertrand Pourcheron (9/10)