Willi Carlisle – Critterland

Critterland
Willi Carlisle
Signature Sounds Recordings
2024
Lucas Biela

Willi Carlisle – Critterland

Willi Carlisle Critterland

Même s’il partage le même nom de famille que l’interprète de « Heaven Is A Place On Earth » (je vous laisse deviner de qui il s’agit !), Willi Carlisle ne navigue cependant pas sur les mêmes eaux. C’est en effet dans un univers folk/country qu’il s’épanouit. Et si Critterland est déjà son troisième album, il n’en reste pas moins celui qui me fait découvrir un artiste talentueux.

Sur des textes sombres (on citera pêle-mêle les amours interdits, la perte d’un être cher, les addictions, le suicide), notre chanteur parvient à faire surgir la lumière, même si son intensité pourra varier suivant les thèmes traités. Il le fait avec sa voix attachante, grave et berçante à la fois. Et d’entrée de jeu, sur le morceau-titre, c’est un Willi plein d’entrain qui nous invite à entrer dans son monde peuplé de monstres. Ces derniers seront les thématiques sombres qu’il va dérouler par la suite. Sur « The Great Depression » (le titre dit tout du sujet abordé), c’est avec une certaine fierté qu’il déclame son texte, l’espoir prévalant sur la détresse de cette période difficile de l’histoire des États-Unis. Avec « Higher Lonesome », on part sur la solitude. Voilà à nouveau un sujet qui ne met guère les étoiles dans les yeux. Et pourtant, dans les tonalités exaltées de la voix de Willi, on retrouve l’enjouement d’un Bob Dylan qui voyait les temps changer. Mais cette lumière n’apparaît qu’en surface. Si on gratte, c’est le spleen qui submerge notre chanteur. En effet, le propriétaire du domaine de Critterland a cette capacité à nuancer son optimisme dans la voix. Ainsi, sur « Jaybird », où c’est le suicide qui est évoqué, on peut être témoin de ce doux-amer vocal. Le chant y porte en effet un léger tremblement, comme des sanglots refoulés que la pudeur de cet homme chercherait à dissimuler au monde qui l’entoure. « When The Pills Wear Off » est un autre exemple de ce dualisme. On assiste à un combat entre l’optimisme porté par un chant enlevé et ce pessimisme qui fait redescendre la voix dans les sonorités plus nostalgiques.

Willi Carlisle Critterland Band 1

Pour porter un propos partagé entre espoir et désespoir, notre auteur-compositeur a opté pour un minimalisme folk. C’est en effet aux grands espaces des Appalaches que l’on associe le pays des monstres de Willi. Ainsi, ce monde acoustique feutré est porté par de belles envolées de guitare slide sur « Dry County Dust ». Ailleurs, c’est sur les morceaux les plus solaires, comme « Critterland » et « Jaybird », que les galops entraînants du banjo seront mis à l’honneur. Un violon insolent viendra même bousculer cet instrument quand Willi clame avec sa partenaire qu’il ne veut pas d’enfant. Parcourant « Two-Headed Lamb », l’accordéon grave donnera à cette composition des airs d’hymne. La guitare acoustique, quant à elle, pourra autant appuyer l’entrain de notre Américain (le bouillonnant « Higher Lonesome »), qu’elle pourra accompagner son blues (l’émouvant « Dry County Dust »). Sur ce dernier point, quand vient le tour de « When The Pills Wear Off », comment ne pas être touché par le néo-classicisme tire-larmes apporté par le piano timide et les cordes éplorées. L’Americana mise en exergue tout au long de l’album ne saurait être complète sans harmonica. Par ses airs folâtres, celui-ci amènera de la légèreté partout où il se présentera.

Willi Carlisle Critterland Band 2

Avec son troisième album, Willi Carlisle confirme qu’il est l’un des piliers de l’Americana actuelle. Il perpétue un style qui nous parle car proche de la terre et traitant de sujets certes difficiles mais dans lesquels on se retrouve. Il est à noter que malgré la cohérence de l’album, le morceau de clôture, « The Money Grows On Trees », sur fond d’orage et de pluie diluvienne, tranche radicalement avec le reste. En effet, avec sa narration ponctuée de chants a cappella, on a l’impression d’entendre un de ces prédicateurs qui annoncent l’Apocalypse. C’est une fin étonnante, dans laquelle le chanteur « déballe son sac ». Mais c’est aussi ça un artiste qui sait partager avec nous son amour de la musique : savoir nous surprendre.

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