Violent Attitude If Noticed – Ourselves And Otherwise
Progressive Gears Records
2017
Violent Attitude If Noticed – Ourselves And Otherwise
En 2014, Violent Attitude If Noticed avait sorti un Eight qui n’était pas passé inaperçu dans nos colonnes. Il faut dire que nos Brésiliens avaient alors proposé un bien bel album, où la qualité de la musique s’entremêlait à la puissance d’un propos politique porté par l’acronyme du nom du groupe : VAIN ! Comme le groupe le décrit sur son site internet, si nous ne sommes pas conscients et capables de réactions par rapport à la corruption, l’intolérance, la haine, le racisme, la violence et l’avidité, alors, tout – et singulièrement notre humanité – est peut-être vain… Quoi qu’il en soit, Violent Attitude If Noticed revient avec un Ourselves And Othewise, doublé d’un Studio Syndrome complémentaire et indépendant issu des sessions au studio Cantara Lab de São Paulo. Je ne parlerai ici que de OAO, il y a déjà bien de la matière !
Violent Attitude If Noticed fait partie de ces groupes atypiques qu’il est malaisé de ranger dans une case, tellement le trio puise dans des registres différents pour proposer des albums où les styles se superposent et se chevauchent. Désormais chez Progressive Gears Records, label basé en Irlande, mais dont le cosmopolitisme est évident – il n’y a qu’à voir le catalogue –, VAIN semble avoir posé une touche légèrement plus progressive sur la palette multicolore de ses productions.
Pourtant, ce n’est pas l’inaugural « Time Waster » qui va nous y faire penser. Entre la basse ronflante à la Stranglers de l’intro – Guilherme Saba –, les guitares acérées – Will Geraldo – et les nappes et loops de claviers – Alessandro Queler –, rien à voir avec du prog… Enfin, c’est peut-être ça le rock progressif d’aujourd’hui, ou plutôt le post-prog – que d’aucuns appellent « new prog ». Il faut dire qu’un groupe qui s’inspire tout à la fois de Porcupine Tree, Killing Joke ou Depeche Mode a autant de quoi surprendre que d’arguments pour attirer l’attention. Hypnotique ! Voilà bien le qualificatif qui vient rapidement à l’esprit en écoutant Ourselves And Othewise. Et « Useless », avec son riff croisé de King Crimson et Talking Heads, ne va pas déroger à cette règle. Les arrangements de synthé, la voix très eighties de Will Geraldo, un piano élégant quasi jazzy, tout groove et prouve que Violent Attitude If Noticed est un groupe d’après, un gang post-apocalyptique sorti du cerveau d’un auteur de science-fiction déglingué. VAIN ne vous en met pas plein la vue. Le groupe ouvre votre conscience, plaçant chaque chose là où l’on peut l’attendre – les chœurs soyeux, la basse primesautière de « Redemption » – mais de manière toujours inattendue (la batterie programmée, les loops de chœurs et le côté pop acidulé sur un texte pas drôle pour deux ronds du même titre)…
Et que dire du génialissime « White. Yellow. Red. », avec les vocalises parfaites de la chanteuse Cléo ! Vous avez dit « Another Great Gig In The Sky » ? Passez votre chemin, manants incultes engoncés dans vos certitudes musicologiques. VAIN n’a cure de ces clichés. Il s’en sert, les triture, les déforme, pour mieux vous embraquer dans ses ambiances narcotiques. Un titre prog ? Laissez-moi rire ! Nous sommes au delà, malgré les embardées du batteur fou invité (Tercio Jr.), les solis rituels de la guitare de Guilherme et ceux, enfantins du clavier d’Alessandro. VAIN vous embarque dans son voyage abrasif d’enclume bardée de plumes multicolores !
Si « The Tower » semble plus conventionnel, sa production n’en est que plus éclatante, balayant le côté répétitif et low-tempo de son thème principal – et puis cette basse vraiment extraordinaire de Guilherme Saba, toujours juste dans le son et le jeu. Et encore, « Ever-Ticking Clock », métallisé et incantatoire à souhait, mêlé d’interventions orientalisantes, ne procède-t-il pas d’une intention évidente de briser les codes et d’instiller dans la musique le propos révolté et agitateur du groupe – « Time will not stand still » ? En concluant Ourselves And Othewise par le trip-hop instrumental de « Ground Zero », VAIN semble nous dire que, à certaines occasions, les mots sont superflus, l’intelligence musicale suffisante pour décrire et décrypter les sentiments devant le vide, l’absence, l’horreur… Quelque peu glacial, mais néanmoins troublant et beau, ultime paradoxe de cet album, semblable à une mise à l’encan de notre sale humanité…
Violent Attitude If Noticed ne vend pas des millions d’albums. Quelque part, c’est une bonne nouvelle. Mais par ailleurs, c’est inquiétant. Si un opus comme Ourselves And Othewise ne vous parle pas, je désespère du genre humain ! Mais en fait, comme il y a des lustres que je déchante du genre « bipède à station verticale », je m’en vais retourner au fond de ma bouteille de mezcal, avec pour seuls échos de cette fange immonde les palpitations et les pulsations anachroniques de cette attitude violente qui pourrait sourdre pour peu que l’on s’y intéresse…
Henri Vaugrand