Vattnet Viskar – Settler
Vattnet Viskar
Century Media
En écoutant le second album des américains Vattnet Viskar, j’ai écrit des mots comme « dialogue », « humain », « infini », « carbonara », sans trop savoir pourquoi. Oui, c’est américain et le titre signifie « murmure de l’eau » en suédois, et alors ? Mais pourquoi je note ça sur mon marque-page ? Et c’est quoi le rapport ? Faut que j’en touche deux mots à mon psy. Reprenons. Déjà, il faut savoir que ces natifs du New Hampshire, au look post-hardcore, officient dans un black metal de troisième génération, trouvant un terrain propice au pays de l’Oncle Sam. Ça aussi j’en parle à mon psy, rassurez-vous, mais je me demande pourquoi je suis attiré par cette scène au désespoir des activistes de la corne de bouc à l’haleine de souffre discount. C’est peut-être ma lampe avec un cosmonaute qui apparaît quand je l’allume ? Peut-être bien…
Je vais où là ?
Et c’est pas vraiment à ce qu’on pense de prime abord en découvrant la pochette. OK, ce ne sont pas les pionniers en la matière, mais j’avoue m’être fait avoir la première fois (comme toutes les premières et autres fois d’ailleurs). Mais revenons justement sur cette couverture, voulez-vous ? Je n’en décroche pas. Une reproduction signée Josh Graham (ex-habitué de la tribu Neurosis et concepteur de visuels) d’un cliché représentant Christa McAuliffe, institutrice choisie pour devenir la première « femme de l’espace », selon les dires de Ronald Reagan, ce vil enculé, et qui périra durant le lancement de la navette Challenger en 1986 au bout d’un vol de 73 secondes. Cela n’a évidemment rien d’anodin.
Outre que la reproduction soit mimétique, frôlant par ailleurs le malaise parfait par rapport à l’originale, elle montre cette sensation d’euphorie quasi enfantine qui habitait l’apprentie astronaute alors en apesanteur reconstituée, surtout quand on a connaissance du destin tragique qui suivra. Déjà, je commence à percevoir le rapport avec ma lampe.
Il y a dans cet album des américains quelque chose d’extatique, cet instant se situant pile avant le tragique et la mort. Pour cela, le groupe pioche, bien évidemment, dans le métal noir, son tempo ultra-véloce et sa voix growlée saturée d’effets mortifères, alors que ses guitares tranchantes virent vers la transe béate du post-rock et du shoegaze sur fond de basse roucoulante. Rien de tel pour donner l’impression de quitter l’attraction terrestre dans un avion en flamme.
Entre tensions cosmiques et percées d’un tunnel parsemées d’espoir, « Settler » révèle davantage de l’épopée spatiale et sensitive bigrement accrocheuse, tel un Emperor introspectif nourri tout autant aux sonorités contemporaines que d’une longue plainte insalubre. Car au milieu de ces arrangements tour à tour épiques et aérés, il reste une expérience intense, dévouée et humaine avant tout.
Emportant l’adhésion de son décollage abrasif à son final tout en élégance affective, les amerloques gravissent les échelons dans ma pyramide du goût aussi praticable qu’une piste savonneuse.
Jéré Mignon
[responsive_vid]