Vangelis – El Greco
Vangelis
Warner Music
N’y allons pas par quatre chemins : le grec Evángelos Odysséas Papathanassíou, dit Vangelis, est un génie musical du vingtième siècle, un compositeur hors pair, incontournable, un virtuose au sens noble et profond du terme, d’une sensibilité mélodique sans égale, qui plus est entièrement autodidacte. Enfin, il est aussi un extraordinaire improvisateur, capable d’inventer des symphonies éphémères sur l’instant, seul aux commandes de son arsenal de machines électroniques, transformées en véritable orchestre à part entière. Son âge d’or s’écoule du début des années 70, après qu’il ait quitté ses compatriotes du fameux Aphrodite’s Child, jusqu’à la toute fin des années 80. Trop indépendant sur le plan créatif, l’ours barbu et hirsute au regard pénétrant ne reviendra plus jamais s’illustrer au sein d’un groupe, et ce malgré les sollicitations insistantes de son (futur) grand ami Jon Anderson pour le remplacement de Rick Wakeman au sein de Yes, alors au somment de sa gloire, avant l’enregistrement de « Relayer ». Durant ces 20 années d’ouvrage en quasi-solitaire et de bouillonnement créatif inouï, il aura enfanté monts et merveilles, et ce dans des genres complètement différents, parfois même diamétralement opposés, sans jamais renier son identité à nulle autre pareille.
Qu’il s’agisse de sa fructueuse et délicatement poétique collaboration avec le cinéaste Frédéric Rossif pour ses documentaires naturalistes (« L ‘Apocalypse Des Animaux », « La Fête Sauvage », « Opéra Sauvage »), de ses albums aux concepts futuristes et science-fictionnels (« Spiral », « Albedo 0.39 »), de ses symphonies aussi mystiques que grandiloquentes (« Heaven And Hell », « Mask »), de ses flirts avec les musiques concrètes ou contemporaines (« Beaubourg », « Soil Festivities », « Invisible Connections »), de ses albums ouvertement pop co-signés avec Jon Anderson et sa voix céleste (« Short Stories », « The Friends Of Mr. Cairo », « Private Collection ») ou encore de ses bandes originales de films qui resteront à jamais gravées dans les annales (« Les Chariots De Feu », « Blade Runner », « Antarctica »), le son et la « patte » Vangelis s’identifient immédiatement, tels l’estampille et la marque de fabrique des plus grands. Malheureusement, à quelques exceptions près, l’artiste ne retrouvera jamais ce niveau d’inspiration dans les décennies qui suivront, tout du moins en ce qui concerne sa musique publiée sous forme d’album. L’homme réalise en parallèle de nombreuses créations pour ballets jamais éditées à ce jour, sans compter les innombrables heures passées dans ses studios, entre Londres et Athènes en passant par Paris, à jouer et créer, encore et encore, sans prendre le temps d’écrire ou même d’enregistrer tout ce qui lui passe par la tête et les claviers. Combien de trésors perdus à jamais ? Seul le maître le sait, et encore…
Au niveau de la production discographique, la parution d' »El Greco » en 1998 marquera cependant un retour en grande forme de Vangelis, pour ne pas dire à son sommet, ou presque. En effet, après les semi-errances artistiques de « The City », « Voices » et « Oceanic » (disque de commande de l’empire Warner, aussi lisse et médiocre que sans âme), un remarquable soubresaut de qualité avec les bandes originales de « 1492 » et de « Blade Runner » (inédite et revisitée) de Sir Ridley Scott, Vangelis, le grand, nous enchante à nouveau avec une œuvre dense et délicieusement sombre, d’une beau magnétique, dédiée au célèbre peintre, sculpteur et architecte espagnol d’origine crétoise Domínikos Theotokópoulos, alias El Greco. La musique, telle une longue symphonie onirique et majestueuse, s’étend sur 73 minutes, à travers 10 mouvements magnifiquement maîtrisés et enchaînés, réalisés au moyen d’une palette sonore d’une grande richesse texturale. Dès l’introduction, mystérieuse et ténébreuse, avec ses nuages de cordes et l’écho de cloches lointaines, nous voici plongés dans une ancienne époque, emprunte d’un climat obscur fait de dévotion, d’austérité et de religiosité. L’ambiance générale n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle du « Nom De La Rose » de Jean-Jacques Annaud, dont la partition, excellente elle aussi, était signée par le compositeur français Philippe Sarde. On passera ici sur le fait que le peintre, considéré comme le fondateur de l’école espagnole, n’était certes pas un contemporain de ce bon vieux Guillaume de Baskerville !
Les mélodies et les climats développés au long de ce nouveau chef-d’œuvre, sont tout à fait caractéristiques du compositeur grec, avec ce touché ô combien personnel et inimitable. On y retrouve d’un bout à l’autre ses fameuses nappes symphoniques dont lui seul a le secret, et qui bien que « synthétiques », savent reproduire, ou plutôt réinventer avec grâce, toutes les nuances d’un véritable orchestre. Vangelis enrichit cette œuvre d’inspiration classique avec des passages aux ambiances tantôt évocatrices de l’iconographie byzantine, tantôt hispanisantes (guitares anciennes), et qui, pour ces dernières, nous renvoient aux fastes de « 1492 Conquest Of Paradise ». Quelques-uns des thèmes joués au piano peuvent également entrer dignement dans les annales du compositeur, à commencer par cet inoubliable épilogue, l’une des mélodies les plus bouleversantes jamais enregistrées du bout de ses doigts. A noter également la présence, discrète mais remarquable, de la cantatrice Monserrat Caballé (la même qui officiait sur le lyrique « Barcelona », en duo avec Freddie Mercury) et de Konstantinos Paliatsaras, respectivement soprano et ténor.
Au final, voilà donc un disque qui n’a rien ou si peu à envier aux splendeurs du passé, et qui réconcilie son géniteur avec les déçus parmi son public de fidèles. « El Greco » demeurera une fresque sublime et intemporelle, à intégrer dans toute discothèque raffinée, et à écouter avec soin, religieusement, si possible d’une seule traite pour mieux en savourer l’essence. Magistral.
Philippe Vallin (9/10)
j’adore el greco de vangelis
je collectionne vangelis depuis 1992 et je possede 800 pieces.
je ferais bientot ma troisieme expositions sur Vangelis
Bonjour Brice. N’hésite pas à nous donner des infos sur ta prochaine exposition, on se fera un plaisir d’en parler 😉
Bien à toi.
Phil (GROS fan de Vangelis)