Ulver – Riverhead
House Of Mythology
2016
Faisons court. Peu importe qu’on ait vu ou pas le long-métrage Riverhead de Justin Oakey, il se cache quelque chose d’autre dans ce treizième album des norvégiens Ulver. Cet instant spécifique où l’on sort du cadre. On oublie que cet objet est une B.O (même si faite en très étroite collaboration entre les membres du groupe et le réalisateur) et on se laisse happer par les traits minimaux, l’ambiance contemplative au carrefour de la menace et d’une forme d’attention mélodique.
Le minimalisme de Riverhead, convoque des images, il positionne des instants de vie avec les nappes de sons. Un paysage lors d’un trajet en train, l’attente le long d’une route, un regard posé sur des nuages lors d’un couché de soleil, l’insistance sur des néons aussi blafards que colorés en pleine rue, le frémissement de l’eau sous une brise glaciale, etc… Autant de moment où la bande son de ce film se répercute dans mes oreilles, forçant, m’obligeant même, à stopper ma marche pour prendre une photo comme pour sceller ces brèves conditions où le son, le visuel et l’imagination se conjuguent dans une harmonie presque dérangeante. Alors oui, les fragments formant Riverhead sont mélancoliques, tristes et font ressentir une solitude mais aussi le questionnement, la crainte, le doute au sein d’espaces ternes où plane un vague sentiment d’abandon. Soyons clair, l’écoute de cet opus est personnelle. Personne ne trouvera la même combinaison sensorielle que j’ai pu ressentir et chacun est libre de donner ses propres impressions. Ces moments où l’on ressent l’angoisse, ces pulsations, haletantes, ralenties, répétitives. Ces moments de suspensions. Le temps qui s’arrête, celui d’une déambulation, d’une chasse imaginaire, d’un figement ou d’un redressement soudain de poils sur un bref courant d’air frais.
Ce sont ces moments où le froid s’installe. Doute ? Résignation ? Espoir ? Fatalisme ? Rédemption ?
Ce sont des annotations, mots, signes, pensées, réflexions, idées disséminées sur une carte postale sonore. Une route qui s’arrête, la colorimétrie d’un ciel dégradé, souvenirs virtuels ou senteurs haptiques d’un lieu qu’on ne connaîtra potentiellement jamais.
Et Riverhead de m’avoir happé, me permettant de vivre une histoire dont je ne connaissais ni le script, ni les aboutissants. Comme si nous étions en train de naviguer dans un polar champêtre et éthéré. Une certaine vision de l’existence au sein d’une bande-son de film. Les norvégiens avaient précédemment tâté le terrain avec Lyckantropen Themes et Svidd Neger. Ils touchent ici au summum qui n’aurait pas dépareillé sur Perdition City.
L’une de mes plus grosses surprises de l’année passée.
Jéré Mignon