Transatlantic – The Absolute Universe: The Breath Of Life / Forevermore
Inside Out
2021
Fred Natuzzi
Transatlantic – The Absolute Universe: The Breath Of Life / Forevermore
Amateurs de chansonnettes au coin du feu, de pop française dansante, de Carla Bruni, passez votre chemin ! Oui, fuyez. Vite, loin ! Car voici revenu le dirigeable de Transatlantic et à son bord, vous savez que ce ne sont pas des manchots venus faire couiner leurs instruments, mais bien des extra-terrestres de la musique, qui parlent un langage que peu osent appréhender tellement la langue est riche. Trop riche, même. C’est bien évidemment le cas ici et encore plus, dirais-je même, avec la livraison pléthorique que viennent de nous faire Neal Morse, Pete Trewavas, Mike Portnoy et Roine Stolt pour The Absolute Universe. En effet, il existe deux versions de ce nouvel album. Une dite « abrégée » de 60 minutes, intitulée The Breath Of Life, et une autre sur un double album appelé Forevermore de 90 minutes. Et ils en sont fiers ! Les deux versions contiennent certains morceaux en commun, mais tous ont été réarrangés ou chantés par quelqu’un d’autre. Ce sont donc bien deux opus complémentaires et suivant votre humeur, vous préférerez la longue croisière à la visite express ou inversement. Comme moi, vous adhérerez certainement à l’une ou l’autre version. Est-ce un coup publicitaire, un défi qu’ils ont voulu relever car personne ne l’a fait avant eux, ou un véritable tour de force musical ? À vous de juger. Personnellement, je dirais un peu des trois. Pete et Neal pensaient que l’album était trop long, mais c’était trop tard car ils enregistraient déjà. Ils avaient à la base composé trop de morceaux et les coupes voulues par certains membres étaient refusées par d’autres. C’est Mike qui a proposé de garder l’ensemble et de refaire certaines parties. Finalement, celles-ci ont été conservées et rejouées pour s’intégrer à la version courte, qui serait celle la plus réinventée. Mais, à entendre le contenu, on ne peut pas dire que Transatlantic révolutionne sa musique.
Au contraire, à la première écoute de The Breath Of Life (la version allégée de 30 % de gras donc), je me suis demandé si je n’avais pas mis un précédent album par mégarde. Peu de chose surnage dans cet opus, car tout rappelle sempiternellement les mêmes plans. Un long morceau, divisé cette fois-ci en 14, nous entraîne dans une spirale musicale que l’on dirait sans fin, avec en plus peu de morceaux de bravoure. Entendez par là qu’il y a peu d’intermèdes instrumentaux. Ce n’est sans doute pas un mal, mais ici, cette absence révèle une inspiration un peu en berne. Ils sont d’ailleurs tombés dans le panneau, gros comme une maison. C’est un album qui traite des effets du confinement dans notre société. Soupir… On frôle l’absence d’intérêt, même si, bien entendu, certains passages sont très réussis. L’album avait été d’ailleurs pensé comme une suite à The Whirlwind avant que cette idée ne fusse écartée et l’on retrouve quelques clins d’œil à cet opus. Les chansons se suivent et pâtissent d’un manque de créativité. Elles sont finalement assez plates, parfois mollassonnes, avec cependant et heureusement quelques exceptions. Par exemple, « The Darkness In The Light » se démarque par un très bon jeu de basse de Trewavas et une partie instrumentale réussie. On sait d’avance quand Portnoy va chanter, il y a toujours une intro assez vénère, c’est le cas sur « Looking For The Light » ! Mais justement, ça reste fun et ça maintient l’attention. Il s’en sort de mieux en mieux d’ailleurs. La reprise du titre plus tard dans l’album est aussi réussie et cela reste peut-être le meilleur de l’opus. « Owl Howl » est plutôt bon avec ses différentes parties, tandis que « Solitude » voit Trewavas prendre le lead sur un morceau qui lui va bien, et c’est agréable. « The Greatest Story Never Ends », c’est du IQ qui rencontre Yes, dynamique et technique, avant une belle partie instrumentale malheureusement trop courte. Aaaaah si tout avait été de cet acabit…
Forevermore, c’est donc la version longue de The Absolute Universe. Le morceau « Overture » prend son temps mais développe de beaux thèmes, déjà mieux agencés que l’« Overture » de The Breath Of Life. Meilleure impression confirmée dès « Heart Like A Whirlwind » où l’on se laisse bien emporter par la puissance mélodique du groupe. On retrouve bien évidemment des points communs avec l’autre version, mais on voit bien ici le travail de réinterprétation qui s’est opéré. « Higher Than The Morning » s’enchaîne bien, toujours dans une veine dynamique, alors que The Breath Of Life avait un peu de mal à instaurer un intérêt, avant « The Darkness In The Light » qui garde ses mêmes particularités. « Swing High, Swing Low », c’est du Neal Morse pur jus, classique et efficace, très joli moment avant un « Bully » qui apporte enfin un semblant de renouveau, même s’il aurait pu avoir sa place sur Snow de Spock’s Beard ! Surprise, avec « Rainbow Sky », on tombe sur une chanson à la saveur Beatles, du plus bel effet. Très plaisante, cette partie pop en plein milieu de ce flot progressif contraste donc avec « Looking For The Light » sur lequel Mike Portnoy est au chant. Bonne intro instrumentale sur « The World We Used To Know », morceau qui s’étend sur plus de neuf minutes pour conclure la première partie de Forevermore, avec d’ailleurs un très beau final comme on les aime chez Transatlantic. On retrouve toute la force créatrice du groupe qu’on croyait éteinte sur la version courte, ce qui permet de penser que c’est bien Forevermore qu’il faut acheter et se dispenser de The Breath Of Life.
Deuxième partie : « The Sun Comes Up Today » réengage la machine et c’est Pete qui s’occupe du chant dans un titre assez risqué pour sa voix! Mais la virtuosité du titre rattrape tout ! « Love Made A Way (Prelude) », typique de Neal Morse, est passe-partout suivi de « Owl Howl » rallongé d’une minute et demie et de « Solitude », lui aussi plus long d’une minute. « Belong » reste toujours une transition dispensable avec une intro horrible… « Lonesome Rebel » est lui aussi oubliable, même si agréable, avant « Looking For The Light (Reprise) » et ses belles parties instrumentales qui vont introduire la dernière partie de l’album. « The Greatest Story Never Ends » est lui aussi rallongé, à noter sa partie multi vocales à la Spock’s Beard, alors que « Love Made A Way » a une minute de moins mais garde sa puissance intacte. Tout ce qu’on attend de Transatlantic !
Forevermore possède une fluidité exceptionnelle. Aucune partie n’est imbriquée à la va-vite, tout fait sens et embarque l’auditeur pour un beau voyage musical qui n’incite jamais à appuyer sur le bouton pause, malgré quelques faiblesses sans gravité. Tout le contraire finalement de The Breath Of Life à qui il manque un souffle, un comble vu son titre ! C’est mollasson, sans conviction, réarrangé sans vraiment avoir un disque à la hauteur des autres albums du combo. C’est donc bien Forevermore qu’il conviendra de privilégier avant de se pencher sur The Breath Of Life, à prendre comme un travail expérimental en bonus, pour les fans ultimes.