Tindersticks – No Treasure But Hope

No Treasure But Hope
Tindersticks
City Slang
2019
Thierry Folcher

Tindersticks – No Treasure But Hope

Tindersticks No Treasure But Hope

Allez mes amis, on ressort nos bâtons d’amadou et on allume un beau feu de joie. La bande de Tindersticks, menée par son inénarrable leader Stuart A.Staples, revient en cette fin 2019 avec un nouvel album intitulé No Treasure But Hope, douzième création d’une déjà longue carrière commencée en 1992. Pas de trésor mais de l’espoir pour un album bouclé en cinq semaines et qui se veut « meaningful », comme l’explique le groupe dans sa volonté de tout reprendre à zéro et d’offrir un nouvel éclairage aux qualités fondamentales de Tindersticks (sic). Il faut savoir que l’on est dans de la création artistique au sens noble du terme et que pour ces gens-là, rien n’est jamais facile ni définitivement acquis. The Waiting Room, le précédent opus sorti en 2016 était un exemple réussi de connexion entre plusieurs moyens d’expression. Je ne voudrais pas trop intellectualiser le propos, mais il faut bien comprendre que l’univers de Tindersticks ne se limite pas aux seules chansons. Pour preuve, cette grande affinité avec le septième art et plus particulièrement avec les films de Claire Denis, pour lesquels le groupe a composé la plupart des bandes originales. Il y a donc une volonté d’accorder au visuel une place qui va bien au-delà du simple emballage. La galerie photo et les vidéos de The Waiting Room sont à associer à part entière à la musique et aux paroles des chansons. L’écoute des seuls fichiers audio ne sont là qu’un triste et frustrant raccourci. En comparaison, l’approche de No Treasure But Hope paraît plus spontanée et certainement plus accessible. Ici, le groupe a délibérément minimisé l’image pour donner une place plus importante à la musique. De ce fait, la pochette est d’une grande sobriété avec seulement une carte schématisée de la mer Ionienne et de l’Île d’Ithaque, nouveau lieu de villégiature de Stuart. Une île symbole de fin de voyage chez les grecs mais qui ressemble plutôt à une renaissance pour les musiciens de Tindersticks.

Et c’est le sentiment qui prédomine à l’écoute de ce nouvel album. On perçoit le désir de ne pas se compliquer la tâche, d’aller à l’essentiel. On est ici dans l’intimité d’un groupe et surtout d’un homme. Les dix chansons de No Treasure But Hope sont l’œuvre de Stuart A.Staples, ce dandy à la voix frêle et poignante qui sait magnifiquement nous accueillir dans son monde onirique et torturé. L’album est une pure merveille de sensibilité qui va ravir les fans et certainement séduire un public sensible aux belles écritures. La voix et les mots de Stuart vont couvrir l’essentiel de l’album, enrichis par des orchestrations et des arrangements discrets mais toujours opportuns. Même si l’empreinte vocale est omniprésente, on se doit d’attirer l’attention sur le travail d’orfèvrerie ciselé par tous les membres du groupe. Une formation impliquée dans l’écriture musicale et composée des vieux compagnons de route David Boulter, Neil Fraser, Dan Mckinna et Earl Harvin. A noter la toute première apparition de Stanley Staples (fils de, je suppose) à la guitare acoustique sur plusieurs titres. L’album démarre tout doucement avec « For The Beauty », une chanson dans le plus pur style Tindersticks où seuls le piano et quelques cordes vont bercer les paroles étranges de Stuart et nous faire plonger dans cette ode à la beauté forcément douloureuse. On est ici dans un univers très poétique, celui d’un écorché vif qui transgresse les codes habituels et fait disparaître nos certitudes. On peut se limiter bien évidemment au timbre suave de la voix et à la beauté de l’orchestration mais les mots ont leur richesse qui recèle autant de plaisir. « For The Beauty », c’est une façon d’annoncer la suite et même si le No Treasure du titre ne s’y prête pas, c’est réellement vers une chasse aux trésors que nous allons.

Tindersticks No Treasure But Hope Band 1

Une quête qui nous amène aussitôt vers le sémillant « The Amputees » aux propos métaphoriques exprimés comme un cri et soutenus par un vibraphone enivrant. Ce single, sorti à la fin de l’été dernier avait déjà bien marqué les esprits et donné beaucoup d’espoir en cette nouvelle livraison. Au fil des écoutes, on se rend compte que l’ensemble est du même niveau et que de déception, il n’y en aura pas. L’album est bourré de lumière et de langueur à l’image de ce « Pinky In The Daylight », créé pendant un moment de volupté et de calme, à travers un voile protecteur installé sur un ferry quittant l’île d’Ithaque. Une parfaite chanson d’amour traitée comme un slow à l’ancienne avec mandoline charmeuse et abondance de cordes. Et puis, parmi tous les joyaux, il en est un qui brille un peu plus et qui semble représenter à lui seul tout l’espoir (Hope) mis dans ce voyage. « Take Care In your Dreams » irradie par la beauté de sa musique et par son message bienveillant transmis comme un principe de vie. Le tempo devient vite hypnotique et on a l’impression que Stuart nous susurre ses conseils directement au creux de l’oreille pendant que les chœurs viennent nous bercer doucement. Nous sommes à mi-chemin et cette chanson finit par lever les derniers doutes, si tant est qu’il en subsiste encore. Dans la foulée, « See My Girls » va elle aussi nous subjuguer, mais dans un autre registre. Tout a changé, la musique se fait plus énergique et le propos insistant. On est dans un tour du monde pas forcément touristique, où la beauté côtoie le sordide. « See My Girls » sort vraiment du lot, un peu comme si nos amis anglais avaient voulu nous mettre une bonne claque dans la figure. Puis, tout s’apaise à nouveau, la courte tempête est passée, les vagues se font légères et la douceur revient se poser jusqu’à la fin.

Avec « The Old Mans Gait », Stuart nous invite avec beaucoup de tendresse au plus profond de son sanctuaire en évoquant la famille, le temps qui passe et le chemin de vie qui nous attend. Une jolie chanson folk où les arpèges de guitare servent de guide sur fond de vibraphone lointain et de ressac évocateur. Le passage parlé est très touchant et assez rare pour ne pas être signalé. Si le soleil est là, il ne brille pas forcement sur les propos, à l’image de ce « Tough Love » où Stuart enfile le costume de l’amoureux éconduit qui cherche à comprendre. Heureusement, le rythme chaloupé nous distrait un petit peu et nous évite de tomber dans un registre trop larmoyant. Enfin, « No Treasure But Hope » se transforme en chanson pour finir l’album sur une vision navrante de notre monde où la fuite semble la meilleure échappatoire. Comme sur le premier titre, Stuart est seulement accompagné par le piano de Dan Mckinna dans cet épilogue assez pessimiste où même les beautés de la mer Ionienne ne peuvent transformer le regard d’un homme sur l’avenir incertain de notre société.

Tindersticks No Treasure But Hope Band 2

Stuart A.Staples est un poète qui sent que le monde lui échappe et ne peut s’empêcher de crier son malaise dans ses chansons. La volonté affichée de faire un album spontané et sans artifice a pu extraire ce qu’il y a de meilleur chez les membres du groupe, mais sans transformer la vision troublée de son leader. Cela dit, nous autres, simples auditeurs, retiendrons surtout la beauté des dix titres comme une enfilade de perles faisant de No Treasure But Hope, une des plus belles parures de Tindersticks.

https://tindersticks.co.uk/

 

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