Timothy Pure – Island Of The Misfit Toys
Timothy Pure
Cranium
Avec le très calme et mélancolique « Blood Of The Berry » publié en 1997, les américains du groupe Timothy Pure avaient déjà démontré de fort belle manière leurs qualités à œuvrer dans le registre d’un rock atmosphérique et émotionnel cher au Marillion de l’ère Steve Hogarth. Cet album un peu inattendu dans les sphères néo-prog de l’époque s’avérait déjà bien plus convainquant que leur premier essai discographique amorcé avec « The Fabric Of Betrayal », qui proposait deux ans plus tôt une musique encore immature, sorte de croisement bancal entre un Saga peu inspiré et un Rush des mauvais jours. En 1999, les américains remettaient le couvert avec cette fois-ci un concept-album somptueux qui allait encore plus loin que le très réussi « Blood Of The Berry » lui ayant ouvert la voie. A l’instar du « Brave » de Marillion (le grand frère de « Island Of The Misfit Toys »), il n’y a pas besoin de lire les paroles ni de se plonger à fond dans le concept existentiel du disque pour comprendre que celui-ci nous raconte une histoire, et cela au moyen d’une musique brillante, contrastée et évocatrice.
Tous les titres sont prenants et s’enchaînent pour composer une longue pièce unique, maîtrisée et inspirée de bout en bout. Les américains tissent tout au long de 70 minutes une superbe fresque mélodique et atmosphérique, davantage basée sur les climats intimistes, qui s’autorise toutefois quelques incursions dans des contrées plus heavy, mais sans jamais ne serait-ce qu’effleurer le jeu démonstratif. Ici, c’est le propos musical qui prime sur la technique, et cela fonctionne à merveille. Chaque composition reste cependant un véritable travail d’orfèvre où rien n’est laissé au hasard : tout y est parfait, de l’écriture des mélodies au fort potentiel émotionnel, à l’instrumentation de chaque titre, orné de superbes effets de guitares aériennes, de séquences intimistes au piano et de nappes de synthés profondes et éthérées. La voix au timbre suave de Matthew Still (à situer entre David Gilmour de Pink Floyd, Yogi Lang d’RPWL et Mikael Akerfeldt d’Opeth !) est parfaitement adaptée au climat neurasthénique de l’œuvre. Notons que le chanteur assure également le poste de claviériste au sein de Thimothy Pure, avec beaucoup de goût dans le choix des nombreuses textures sonores qui jouent un rôle déterminant dans l’esthétique de « Island Of The Misfit Toys ».
Si fallait comparer cet album à une oeuvre plus connue, je citerais donc sans hésiter le « Brave » de Marillion (la puissance vocale de Steve Hogarth mise à part), pour son ambiance sombre, nostalgique, voir désespérée, ses passages plus énergiques et la finesse de son « scénario ». On retrouve Ici également les nappes oniriques d’un Mark Kelly en grande forme créatrice, les solos de guitares émouvants au feeling digne du meilleur Steve Rothery, l’ajout de bruitages cinématiques entre les morceaux, les introductions planantes, etc. En bref, le progressif romantique dans toute sa splendeur, celui de l’introspection et des grandes évasions extatiques et émotionnelles enchevêtrées !
Et en plus d’avoir réussi à composer une musique raffinée et aboutie, Timothy Pure excelle également dans la production de ce « Island Of The Misfit Toys », au son épais et profond. Aujourd’hui, ce disque fleuve jamais réédité commence malheureusement à sombrer dans l’oubli, alors qu’il se doit pourtant de rester dans les annales du genre. Car peu de groupe estampillés « néo-prog » peuvent se vanter d’avoir réalisé dans leur carrière une oeuvre aussi belle et intemporelle. Dommage que Thimothy Pure n’ait plus jamais donné signe de vie depuis, raison de plus pour découvrir ou redécouvrir aujourd’hui ce qui restera sûrement comme son plus beau joyau !
Philippe Vallin (8,5/10)
Site web : http://www.myspace.com/timothypure
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