Threshold – March Of Progress
Threshold
Nuclear Blast
Cinq ans après l’excellent « Dead Reckoning », Threshold a poursuivi son aventure avec l’ambitieux label Nuclear Blast à l’occasion de la sortie, en 2012, de « March Of Progress ». Nos anglais favoris ont donc bien pris le temps de peaufiner tous les détails de leur petit dernier mais ont du faire face, entretemps, au décès tragique de leur frontman Andrew « Mac » Mc Dermott, remplacé au pied levé par l’immense Damian Wilson. Avec ce millésime 2012, la formation enfonce le clou. Ce disque est en effet superbe et développe, comme ses prédécesseurs, un propos musical et philosophique musclé, au travers d’une vision bien sombre du monde contemporain : le concept décrit en effet un univers à la Huxley (« Le Meilleur Des Mondes »), kafkaïen à souhait. Cette modernité résolue sert de point de départ à une trame ambitieuse, l’Homme ne trouvant son salut que dans le Cosmos, loin d’un matérialisme totalitaire et opprimant. La force du combo est d’avoir su imposer ici une atmosphère musicale saisissante, tendue et, pour tout dire, souvent d’une rare noirceur.
Le titre d’ouverture « Ashes », long de presque sept minutes, donne du reste, d’entrée de jeu, le ton de l’ensemble avec ses sonorités de claviers (Richard West) et de guitares (Karl Groom) immédiatement reconnaissables, sa section rythmique en béton armé (Steve Anderson à la basse et Johanne James à la batterie) et son refrain entêtant qui tournera longtemps dans vos petites têtes. Dépourvu de réel point faible, « March Of Progress » marquera, à l’évidence, les esprits par son originalité et sa patate. Ainsi, le superbe « Return Of The Thought Police » évoque un mélange du Queen le plus barré avec l’Ayreon le plus symphonique. Cette science de la mélodie qui fait mouche se retrouve tout au long du CD, avec des ambiances proguisantes et plutôt planantes et un art consommé du « refrain qui tue » (les sublimes « The Hours » et « Coda », ou la très émouvante ballade « That’s Why We Came », réminiscente du meilleur REM).
Le clou du spectacle se nomme « The Rubicon », brillant épilogue de dix minutes très typé « opéra metal ». L’atmosphère vous y prend à la gorge, avec ses synthétiseurs tout en bruitages suggestifs et en nappes tendues, ses parties de six-cordes du tonnerre de Zeus et son chant en apesanteur (avec un travail très fouillé sur les harmonies vocales). L’ensemble de ces ingrédients témoigne d’un savoir-faire peu courant ainsi que d’une ampleur des plus louables, avec un refus déclaré de la complexité gratuite : la virtuosité des membres du combo (et dieu sait si elle est grande !) est toujours mise au service de la mélodie et Threshold réussit haut la main le pari de conjuguer, au fil de dix titres majoritairement concis, une relative complexité (prog metal oblige) avec une accessibilité et un feeling de fort bon aloi.
On le voit, le groupe va au bout de sa logique et ravira de ce fait les nombreux amateurs de heavy progressif et bien d’autres personnes encore… Chapeau bas !
Bertrand Pourcheron (8,5/10)