The Thing – Boot !
The Thing
The Thing Records
« Boot ! », c’est sa pochette. Bras musculeux, saillant, poing serré, tension musculaire qui irradie du poignet jusqu’à l’épaule, bref, du biceps, de la monstration. « Boot ! » donc, c’est une épreuve de force, un pur disque de free, de l’intensité à réveiller un Miles Davis, une énergie rock qui renvoie aux toiles d’araignées de la salle de répète. Ça ne sent pas le garage des fois ? Si ! The Thing, c’est la force insensée, la réunion de trois musiciens qui bouffent autant du punk que les grands classiques du jazz afro-américain et européen. Le titre d’ouverture, d’ailleurs, est une reprise de John Coltrane. Excusez du peu, mais rendre le titre original aussi percutant et doté d’un groove imparable sur un saxo alto, c’est juste délectable. Et comme en plus, ça se permet de démultiplier la furie d’un Albert Ayler, y’a de quoi faire saillir bien des muscles, même ceux dont on ignore l’existence. Mais « Boot ! », c’est l’album d’un homme, sans enlever la classe d’un Gustafsson (saxo de différentes tailles) et d’un Haker Flaten (basse électrique), cet album c’est Paal Nilssen-Love, point.
Le géant Norvégien, qui donne l’impression de jouer sur une batterie Playskool, donne toute l’impulsivité, toute la violence et la maestria technique sur les six morceaux. Ne serait-ce pas son propre bras qui pose en couverture ? Ecoutez-moi les roulements supersoniques du Monsieur, ce rythme (« Red River »), cette finesse dans l’exécution. On peut réellement affirmer que « Boot ! » n’aurait pas la même saveur sans lui. Et même, si le batteur Norvégien semble tenir les rênes de cet opus, n’oublions pas que le style qui nous intéresse aujourd’hui est, avant tout, l’entente entre musiciens, la capacité de jouer ensemble sur la même ligne directrice improvisée qui ne demande qu’à s’étendre encore dans le temps.
On voit les musiciens se regarder, se scruter, durant les phases d’enregistrements, en cercle, en communion. Ce cachet à la fois d’urgence et de pesanteur, ce plaisir simple, immédiat, menaçant, une patte assurément. Car, ne vous y trompez pas, lecteurs curieux et néanmoins mélomanes, The Thing place en premier lieu le sentiment d’urgence, la tension électrique, la complexité technique, sans que cela devienne un stupide exercice de style éjaculatoire. « Boot ! » est mieux qu’un muscle fièrement exposé, il est l’essence, une jubilation furieuse et hypnotique, un acte physique qu’on ressent jusqu’à la moelle.
« Boot ! » rend le chaos appréciable, charnel et, bordel, jouissif. Juste énorme ! Plus on croit connaître le jazz et plus ce dernier nous surprend.
Jérémy Urbain (8,5/10)