The Picturebooks – Imaginary Horse
The Picturebooks
Easy Riding records
Rarement des préliminaires auront été aussi courts. Une voix chaude comme la braise en plein soleil sur des martèlements de toms quasi-organiques. Ni plus, ni moins, la senteur, la sueur, l’appel de l’indépendance. Là, comme ça, ça te prend à vif, l’envie de quitter ton apparent confort et de prendre la route, de laisser filer ta voix sur le chemin de l’existence, car oui, ce troisième album des allemands de Picturebooks est la bande son de la liberté. Un album écrit, composé et enregistré dans un garage sur des relents de blues brûlant et de moiteur purement artisanale. Oui, cet album est chaud, il transpire et suinte de partout. Mais de quoi donc, me diras-tu ? Du plaisir d’écoute, immédiat et spontané. « Imaginary Horse » choisit le chemin le plus court, celui de la route à arpenter, vierge, et celui d’un line-up simplissime avec guitare et batterie. Et ne cherche pas une sophistication mon puceau, ici on va à l’essentiel : des cliquetis de cymbales attachés aux jambes, une pression tellurique sur les toms, quitte à faire s’effondrer le sol caillouteux, des cordes qui claquent, rayent, vibrent et résonnent, les micros qui tremblent, la température qui monte.
Tout respire l’humain, tension musculaire, glotte éraillée, la poussée qui t’arrive dans la tronche. Car, il faut pas s’y tromper ami lecteur, c’est la voix de Fynn Grabke qui trace sa route et t’emmène au passage. Et cette voix, elle te fait sentir le goudron et la peinture des routes, le vent sur ta bécane et tes joues cramées par le soleil. Et cette voix, aussi sensuelle que puissante, guide l’album, elle est conseillère, ne t’y trompe pas, mieux que ça d’ailleurs, elle t’encourage, elle s’insinue en toi, en ton être profond qui se met à frissonner d’extase et de plaisir en même temps que cette guitare blues sursaturée.
Et, durant ce temps, le marteleur de service, ce bon Philipp Mirtschink, martyrise ses fûts telle une incantation tribale aux dieux de la Terre, un appel sismique à te bouger les fessiers. Il en découle un minimalisme rigoureux dans sa puissance mais, plus que ça, une invitation au voyage. Imagine, un soupir et on se retrouve sur le bitume, non loin de « Easy Rider », d’une certaine innocence perdue qu’on recherche à tout prix. Et toi, tu te dis que tu navigues en plein clichés du groupe garage qui répare ses mobs et compose deux-trois morceaux avant de manger sa côte de veau ? Que nenni, The Picturebooks broie cet état d’esprit. On est dedans sans l’être. C’est leur vision, leur manière de vivre, c’est juste du partage. C’est tellement communicatif qu’il n’y a rien d’étonnant d’écouter ce « cheval imaginaire » en boucle.
On découvre cette note, ce pincement, cette vibration, cette respiration, cette frappe qu’on avait omis, ce qui rend son écoute d’autant plus jouissive et nécessaire. Je l’avais bien dit, comme préliminaires, c’est carrément expéditif. Il n’y a pas à tortiller du cul, avec ce troisième album, The Picturebooks retrouve cette sensation âpre, brute, cet état de grâce mélancolique à la croisée du punk et du blues.
Tu peux l’écouter en « repeat », et si tu fais comme ça, cela prouve que tu as compris. Ce skeud est addictif à tel point qu’il arrive à te retenir dans ses bouffées ardentes. C’est, ni plus, ni moins, la plus belle et sauvage exhortation de l’année. Délectable et touchant, je te le dis : « Imaginary Horse » est fait pour TOI.
Jérémy Urbain (9/10)
http://www.thepicturebooks.com/
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