The Front – The Front

The Front
The Front
CBS Records
1989
Rudzik

The Front – The Front

The Front The Front

Lorsque Thierry Folcher, mon complice et ami chroniqueur à Clair et Obscur, a proposé de créer la rubrique « Oldies but Goldies » afin d’écrire sur des albums étonnants qui n’ont pas eu l’éclairage qu’ils méritaient, j’ai immédiatement pensé à The Front et à son unique album éponyme. Ce groupe de Kansas City, à la carrière « d’étoile filante » et mené par les frères Franano (Michael Anthony au chant et Bobby aux claviers), est sorti de nulle part pour pondre cet unique album qui est un bijou ensorcelant de rock très costaud.
Il faut dire que son frontman a un timbre de voix, un phrasé et une attitude scénique qui ne sont pas sans rappeler le grand Jim Morrison (The Doors) avec une touche d’Alice Cooper et d’Ian Aitsbury (The Cult), excusez du peu. Ajoutez à ça un claviériste qui fait dans le psychédélique old school, une section rythmique en béton armé formée de Randy Jordan (basse) et Shane Miller (batterie) et surtout un guitariste, Mike Green, qui martyrise son instrument pour en tirer des accents déchirants lors de soli torturés (« Sweet Addiction », « Ritual »). Ça donne un quintet d’une énergie folle qui renverse tout sur son passage, mais malheureusement, pas pour longtemps…

The Front The Front band1
Deux singles ont connu un succès d’estime dans les charts américains et sur MTV au début des 90’s, à l’époque où on y passait encore du vrai rock, mais aucun des dix titres de cet opus ne laisse l’auditeur de marbre. Le groupe tournera pendant trois ans jusqu’en Europe où il accompagnera Lenny Kravitz et participera aux Monsters Of Rock. De façon incompréhensible, il fut peu soutenu par son label ce qui provoqua sa disparition prématurée (heureusement que d’autres comme Marillion ou A.C.T n’ont pas suivi ce chemin funeste). Enfin pas tout à fait, puisqu’une signature chez Epic sous un nouveau nom, Bakers Pink, les vit ressortir un autre album moins puissant cependant et, de nouveau, sans lendemain. Voici pour la bio, mais revenons à cet album très surprenant. Ses deux simples, « Fire » et « Le Motion », claquent comme une oriflamme au vent avec une production très claire, une guitare rythmique agressive et surtout le fabuleux chanteur Michael Anthony Franano qui semble être en permanence en live. C’est bien simple, si je ferme les yeux quand je passe le CD sur ma chaine, j’ai l’impression que le groupe joue dans mon salon et qu’on va pouvoir se boire quelques bibines ensemble quand il sera terminé (on va dire « avec modération bien sûr »).

Du premier abord, la construction des morceaux paraît simple, hormis un OVNI que je garde pour la bonne bouche. Et puis, il y a cette variété de compositions « rock » péchues et rafraîchissantes dans cette période des 90’s écrasée par le grunge qui s’étend tel un cancer musical dépouillé à la créativité ultra standardisée (OK, je reconnais que la période actuelle est certainement pire en termes de désert musical médiatisé et je suis prêt à me faire flageller par les fans de grunge, mon rédac chef préféré en tête). Peut-être est-ce la raison pour laquelle CBS a été si peu actif pour supporter ce The Front à coutre-courant du courant musical en vogue ? Les morceaux ne sont pas formatés en termes de durée et de construction couplets/refrain, et ce grâce à ce chanteur aussi débridé qu’est Michael Anthony Franano qui a composé 90 % de l’album. Étant donné le nom du groupe et son talent, on pourrait imaginer qu’il soit l’incarnation idéale du terme « frontman ». On y trouve beaucoup de groove (« SisterMoon ») parfois mâtiné de pop (« Sin ») ou reposant sur une rythmique schuffle très efficace (« Sunshine Girl »). Les excellentes influences du groupe sont perceptibles sur le puissant blues qu’est « Pain » et que n’aurait pas renié Aerosmith (en moins sucré toutefois… et c’est tant mieux!), dans le chant de « Le Motion » (Alice Cooper) et dans le The Cult…issime « Violent World ».

C’est le moment où je cherche les mots pouvant faire honneur à l’OVNI précité qui me donne des frissons à chaque fois que je le passe (et dieu sait que j’en ai presque usé ma platine à force de l’écouter): l’incroyable « Ritual ». Tout d’abord, il y a « Segue », cette courte plage instrumentale psychédélique de claviers, façon Iron Butterfly qui clôture « Sweet Addiction », mais qui m’est toujours apparue comme étant l’intro parfaite à ce « Ritual » qui lui succède. Ce pachyderme mid-tempo démarre pesamment et sans prévenir sous l’égide du chant inquiétant de M.A. Franano tout en ne laissant pas présager des deux fantastiques mutations qu’il subira. La première se prépare sous la forme d’un timide solo de guitare désaturée auquel succède un majestueux break d’orgue Hammond (j’ai encore des frissons rien qu’à l’écrire). C’est le signe pour ce titre de basculer dans une autre dimension, plus musclée celle-là, et pour M.A. Franano de lancer ce « Ritual » d’amour musical en se transformant littéralement en sorcier vaudou fanatique. L’énorme rythmique impulsée par Randy Jordan et Shane Miller se fait prenante, ensorcelante et ne nous lâchera plus. Survient alors un second pont introduit par les claviers du frangin Bobby qui se font symphoniques, à grands coups de strings (et quand on n’était pas Madonna, ça devait être très difficile de jouer en string dans les 90’s, non ?) et là, c’est le signal pour que Mike Green afflige à sa guitare toutes sortes de tortures, tel un évêque inquisiteur espagnol alors que M.A. Franano se met à psalmodier comme un possédé pour marcher sur les braises de ce « Ritual », « The moon is red, Dark is the sun… ». Et moi, l’auditeur ensorcelé, j’ai du mal à retrouver mes esprits, car je me sens comme si « My heart lies bleeding in your hands ». Sa fin en fading facile méritait cependant un meilleur sort, mais vous comprendrez aisément que cet OVNI pouvait justifier à lui seul cette chronique. J’étais aux anges quand mon ami Fabrice m’a fait le plaisir de faire découvrir ce fabuleux titre à ses auditeurs dans U.G.U.M., son émission radio web de rock progressif. Qu’avait-il pris à The Front de créer un morceau aussi renversant et inattendu ? Je n’en sais fichtrement rien. Et pourquoi le groupe s’est-il vaporisé aussi rapidement, malgré la suite avortée de Bakers Pink ? Sans doute la déception de rester incompris et la lassitude dans leurs combats avec leurs labels.

The Front The Front band2
Michael Anthony Franano formera le Michael Moon Band à la fin des 90’s qui ne sortira… qu’un seul album (comme d’hab.). Il s’investira ensuite dans la production musicale cinématographique US et pis, c’est tout… enfin, pas tout à fait. En 2012, sans doute empreint de nostalgie, il compilera les enregistrements de trois concerts de The Front pour sortir The Front Live in New York City 1990 et créer le site internet du groupe. Tout ceci restera sans lendemain… malheureusement pour nous.

http://thefrontband.net/
http://michaelfranano.com
https://www.youtube.com/channel/UC8LVml8lOvzYyhwr19F1CGw

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