The Flower Kings – Flower Power
The Flower Kings
Inside Out
En règle générale, après avoir publié un bon gros double album bourré de musique raz la gamelle, un groupe de rock progressif, tout prolifique soit-il, a plutôt tendance à calmer le jeu niveau ambition ou remplissage en proposant à son public une galette un peu plus « digeste », tout au moins quantitativement parlant. La démarche des Flower Kings semble être à l’exact l’opposé : suite au somptueux et imposant « Stardust We Are », la formation suédoise remet ça quasiment dans la foulée avec un nouveau double studio intitulé « Flower Power », titre difficile à éviter indéfiniment vu les influences bien marquées fin sixties/début seventies assumées par chacun des musiciens. Et pour aller encore plus loin, ces deux galettes affichent une durée supérieure à celles de son illustre prédécesseur (68’41 et 73’38, dont un premier titre d’une heure entière, rien que ça !) Mais, exploit renouvelé, toujours si peu de longueurs inutiles à l’horizon, même si nous pouvions craindre le pire dans le cas de « Garden Of Dreams », la longue suite en 18 parties enchaînées qui ouvre et conclue presque le 1er CD ! Attardons nous pour commencer sur celle-ci, qui constitue à mes yeux le sommet du disque et qui justifie à elle seule l’achat de l’album. Pas de lourd pavé indigeste à redouter donc (même si l’exploit nécessitera quelques écoutes pour livrer toutes ses subtilités), mais une longue fresque musicale passionnante, inspirée et maîtrisée de bout en bout dans ses thèmes et ses multiples rebondissements. Co-composée par Roine Stolt (principal chanteur et guitariste) et Tomas Bodin (véritable sorcier des claviers !), ce titre est très certainement l’un des plus long de toute l’histoire du rock, avec le formidable exploit de Mike Oldfield et son extraordinaire exercice de style baptisé « Amarok » (1990), sur lequel il jouait seul la totalité des innombrables instruments mis à contribution.
Introduit par le son d’un orchestre cherchant à s’accorder suivi d’un thème chanté où l’on reconnaît immédiatement la fameuse « patte » de Roine Stolt, cette fresque interminable ne cessera de vous étonner en alternant de multiples ingrédients affectionnés par le groupe. On passe ainsi de mélodies légères (« All You Can Save », « Garden Of Dreams ») à des séquences de claviers symphonique enfiévrées (« Mr Hope Goes To Wall Street »), virevoltantes et pleines d’humour, entrecoupées d’élans rock bien musclés (« Don’t Let The Devil In » et ses saturations de guitares rageuses, enrobées d’un feeling très Zappa) ou d’ ambiances plus éthérées (« Dungeon Of The Deep », où quand Tomas Bodin nous plonge à grand renfort de samples vocaux dans une sorte d’univers cinématographique gothique ! Cette véritable pyramide de sensations s’achève comme le veut la tradition en apothéose avec un « Final Deal » à vous refiler des frissons de bonheur. A mon sens, la réussite de ce « Garden Of Dreams » doit énormément à la présence aux commandes de Tomas Bodin et à son indéniable génie créatif. Bon nombre d’éléments de cette suite nous rappellent en effet les meilleurs moments de son 1er opus en solitaire, l’excellent « An Ordinary Night In My Ordinary Life » paru deux ans plus tôt. On en vient donc à vivement souhaiter que le fonctionnement du groupe suédois devienne davantage démocratique, et que l’omnipotent Roine Stolt laisse un peu plus d’espace niveau composition à ce clavieriste et musicien hors-pair. Le batteur Jaime Salazar n’aura droit quant à lui qu’à 5 ridicules secondes de totale liberté avec son roulement de tambour d' »ikea By Night » (si si, le » morceau » en question s’appelle bien comme ça ! Quand je vous dit qu’il y a de sacrés rigolards chez les rois des fleurs !) Enfin, ce premier CD se conclue de manière instrumentale avec un « Astral Dog » qui met en avant la guitare de Stolt, et le gros potentiel de soliste qu’on lui connait.
Venons en maintenant au deuxième disque constitué de 10 titres de bonne facture, tous indépendants les uns des autres ceux-là, mais finalement assez conventionnels dans leur genre. On y retrouve les principales influences chères aux suédois, l’incontournable Yes de l’âge d’or en tête (écoutez donc la rythmique et les vocaux de « Psychedelic Postcard », on s’y croirait !), ainsi que quelques autres, moins conventionnelles voir inattendues (« Corruption » et son tempo reggae rappelant le « Ghost Of The Red Cloud » de « Stardust We Are », sans oublier « Stupid Girl » et sa ligne de basse à la Adam Clayton de U2). S’il fallait trouver dans le lot une seule compo faiblarde, citons alors « Magic Pie », seul titre de l’album signé par le divin chanteur Hasse Froberg, avec son refrain peut-être un peu trop typé variété américaine, mais pas inécoutable non plus, l’ensemble restant toutefois assez plaisant. Pour le reste, c’est du quasi sans faute, même si ce deuxième disque, par son caractère très hétéroclite, ressemble un peu au CD bonus de l’édition spéciale d’un album que le groupe aurait publié sous le nom de… « Garden Of Dreams » !
« Flower Power » vous prendra un certain temps avant digestion complète (l’ouvrage fleuve affichant quand même une durée égale à celle de trois albums « standard » !), mais on pardonnera une nouvelle fois l’ambition excessive de nos suédois préférés tant le plaisir de la découverte et de l’écoute restent intacts. Certes, rien de fondamentalement révolutionnaire dans ce nouveau pavé discographique, mais toujours cette musique riche, bien arrangée et on ne peut plus généreuse, avec quelques petites surprises ici et là qui maintiennent l’attention en éveil jusqu’au bout du voyage. Chez les Flower Kings, on se renouvelle certes doucement, mais sûrement ! Et, espérons le, durablement !
Philippe Vallin (8,5/10)
Site web : http://www.flowerkings.se/