The Delines – The Imperial
Decor Records
2019
Thierry Folcher
The Delines – The Imperial
The Delines, c’est la rencontre miraculeuse entre un « songwriter » et romancier de talent : Willy Vlautin (Richmond Fontaine) et une chanteuse à la voix d’or : Amy Boone (Damnations). C’est à la suite d’une tournée pour la promotion de l’album Post To Wire des Richmond Fontaine que Willy Vlautin, séduit par la voix d’Amy Boone qu’il a invitée sur scène, va former The Delines. Il s’est vite rendu compte qu’il avait là une interprète remarquable pour ses petites histoires crépusculaires. La voix d’Amy Boone est une sacrée trouvaille car elle répond parfaitement à l’ambiance country soul qui définit la musique du groupe de Portland. Son timbre grave et touchant n’est pas sans rappeler Dusty Springfield et certaines chanteuses de la Stax, de la Motown ou même Billie Holiday par moment. Le parallèle avec « Lady Day » est d’autant plus réel que les petites histoires racontées par The Delines sont pour la plupart teintées de gris pour ne pas dire de noir. Le premier album Colfax voit le jour en 2014 avec, autour de la paire Vlautin/Boone, le batteur Sean Oldham et le bassiste Freddy Trujillo des Richmond Fontaine, la claviériste Jenny Conlee des Decemberists et enfin Tucker Jackson à la pedal steel. Les retours sont enthousiastes et l’album rencontre un joli succès auprès de la presse, du public et même des fans des Richmond Fontaine quelque peu inquiets de l’importance grandissante de ce concurrent. Une inquiétude bien réelle car Vlautin s’attelle rapidement à l’écriture du prochain album et si The Imperial ne débarque qu’en ce début 2019, c’est qu’Amy Boone, victime d’un grave accident de la circulation, a dû abandonner temporairement ses camarades pour une éprouvante rééducation.
L’attente a été longue mais le résultat, sans être révolutionnaire, va confirmer tout le potentiel entrevu avec Colfax. La présentation de la pochette est malgré tout différente. On quitte la sombre Colfax Avenue de Denver pour un parking écrasé de soleil devant un hôtel sans âge, bardé de climatiseurs. La vie semble à l’arrêt et on imagine sans peine ce décor comme illustration aux chansons torturées de The Delines. La musique chaude, calme et parfois triste se fond à merveille dans cette ambiance au ralenti. Le line-up est reconduit à l’exception de Jenny Conlee remplacée par Cory Gray aux claviers et aux cuivres. La grande nouveauté c’est donc cette adjonction de cuivres qui va encore plus renforcer la filiation avec Dusty Springfield et la musique noire des années 50/60. L’album est produit par John Askew, déjà à l’œuvre sur Colfax et sur le délicat et troublant Cusp d’Alela Diane. Les dix chansons de The Imperial vont donc nous plonger dans l’intimité de cette Amérique dont on parle peu mais qui connaît fort bien les tourments des relations humaines. « Cheer Up Charley » qui ouvre l’album raconte l’éternelle histoire de la séparation, de l’abandon et de la fragilité du bonheur. Amy Boone est particulièrement touchante dans ce rôle de compassion et de soutien. Sa voix légèrement éraillée se partage entre la douce tonalité de la pedal steel et les interventions soutenues et révoltées des cuivres. Un bon démarrage mid-tempo qui installe l’album dans la continuité du précédant mais avec une production plus riche et plus enveloppante.
La suite va confirmer le parti pris glauque des sujets abordés. Cela dit, ce sont souvent ces situations difficiles qui dégagent le plus d’émotions. L’habileté de The Delines, c’est d’éviter le côté sociétal révoltant pour se concentrer uniquement sur les relations humaines et tout le bon qui peut en ressortir. Le titre « The Imperial » met en scène un couple séparé par la prison et qui, à nouveau réuni, fait le bilan de ces années gâchées. Le contexte mérite beaucoup de tendresse et Amy se fond dans le rôle que lui procure la chanson avec une justesse incroyable. La musique est encore plus douce et le tempo assez lent. On a le sentiment d’assister à un émouvant tête à tête où les cordes et les chœurs renforcent le côté poignant de la situation. Mais que dire de « Where Are You Sonny » où la production va accorder à Amy Boone une place de choix sur ce titre. Écoutez seulement l’émotion qu’elle dégage lorsqu’elle chante : « …And the snow keeps driftin’ down… », il est difficile de rester de marbre. L’orchestration est à la hauteur notamment sur le pont musical avec l’orgue et les cuivres. De toute beauté ! « Let’s Be Us Again » continue dans le même registre de la relation compliquée, mais à aucun moment on ne ressent de l’ennui et de la répétition. Ici le refrain est particulièrement entêtant avec des backings à l’unisson et des cuivres omniprésents. Arrive ensuite le très dépouillé « Roll Back My Life » qui, un peu à l’image de la berceuse « Sandman’s Coming » sur Colfax, utilise juste la voix d’Amy et un clavier aérien. Une courte chanson introspective qui termine une première partie d’album vraiment de grande qualité.
Après ces moments méditatifs passés à observer la vie de l’intérieur, « Eddie & Polly » va remettre The Delines sur la route. Le groupe reprend un rythme plus alerte et nous sert une chanson typique d’un « road movie ». On se reprend à battre la semelle avec entrain en éprouvant un sentiment réjouissant et bienvenu d’espace et d’air frais. Puis « Holly The Hustle » nous conte le destin tragique de son héroïne qui passe de déboires en déconvenues. Pas vraiment gai tout ça, mais il faut savoir que la poésie de Vlautin se fabrique chez les mutilés de la vie et que les fantômes de la famille Joad planent sur son œuvre littéraire. En fait, The Delines ne pouvait être que l’expression musicale de son univers. On approche du terme et « That Old Haunted Place », aux allures faussement calmes, nous fait penser à une sorte de gospel avorté. Puis c’est au tour de « He Don’t Burn For Me » de nous délivrer une véritable pièce de choix richement illustrée par des chœurs magnifiques, une pedal steel digne de Poco et un solo de trompette réjouissant. The Imperial s’achève avec « Waiting On The Blue » peut-être la chanson la plus positive et la plus originale de l’album. L’ambiance est feutrée et l’orchestration s’éloigne de la country soul habituelle pour nous proposer une jolie ballade atmosphérique qui va nous amener vers une aube salvatrice teintée de bleu. Amy Boone finit en beauté et on espère presque des applaudissements.
The Imperial réussit la double performance de nous amener à la fois vers un terrain musical de grande qualité et vers un registre littéraire qui ne l’est pas moins. Cet exploit, nous le devons aux vocalises merveilleuses d’Amy Boone et au talent d’écrivain de Willy Vlautin. Ce dernier, qu’on n’hésite pas à comparer à John Steinbeck, possède une vision acérée de l’Amérique d’aujourd’hui. Ces « petites gens » qui font les histoires de The Imperial sont éminemment plus attachantes que les icônes habituelles du rêve américain. Maintenant, je crois ne pas me tromper en vous invitant à croiser le chemin de The Delines pour vivre un moment d’ivresse jubilatoire. Tout est bien fait et le duo Boone/Vlautin sort largement gagnant dans un genre pourtant bien saturé. Espérons seulement que la France saura les accueillir, mais là c’est une autre histoire.
Bofff, pas désagréable, juste une voix blues/rock de plus en catalogue. Pas de quoi casser 3 pattes à un canard !
Très bonne review de the Imperial
Vous avez tout compris des Delines.
Merci
Bon album, bonne voix….je l’ai écouté 5 ou 6 fois et c’était plaisant mais très vite on se lasse car les compos st faiblardes , prévisibles malgré l’excellence des musiciens Bon, rien de nouveau sous le soleil….de l’Americana bon chic bon genre