The Black Heart Rebellion – Har Nevo
The Black Heart Rebellion
Tokyo Jupiter Records
L’air est calme. Le vent est à peine perceptible. Pas un seul bourdonnement à mes oreilles, un léger murmure peut-être. Le crépuscule est lancé, le soleil s’est déjà retiré, poliment. Cette forêt qui s’étend est une partie de moi, chaque pousse qui sort de terre, chaque branche qui tombe, chaque oiseau qui chante sont des parties concomitantes de mon être. Je devrais dire que je suis un chaman, dernier descendant d’une lignée qui s’éteint, mais je refuse cette étiquette, elle ne me plait pas. Histoire d’un autre temps, resucée qu’on veut remettre au goût du jour, souci de mode corporatiste, peut-être. Je pourrais prendre cela pour une insulte, mais ce n’est pas mon problème. Ceci est un voyage vers mes origines, ma force, mon tempérament, car il faut que je passe cette étape. La confrontation de la modernité avec l’environnement. Formes de vie contradictoires et, pourtant, complémentaires. Ondulation de l’eau, percussions sonnant au gré du vent, mes mains qui tapent sur les peaux, rythmes, enivrement. J’apprends sur moi-même, mon moi, mon sur-moi. Je me propulse dans ce paysage verdoyant mais si aride, touffu mais si vide. Il n’y a que moi en ces lieux.
Je reste, immobile, je fixe les ondoiements de l’eau, reste réceptif à chaque craquement, chant, cris, chuintements, mouvements alentours. Je respire au plus fort, je m’enivre de chaque sensation, lentement, posément. Je suis, tel le renard sur le qui-vive, à l’affut, tâche rougeoyante dans ce panorama gris verdâtre. L’appel de la chasse, le reniflement des traces, mes pas ne font guère plus de bruit que les gouttes d’eau dégringolant des feuilles.
Cette solitude est bienfaisante, je l’ai voulue, certainement, chaque pore de ma peau frissonnant de plaisir. J’irai déverser les cendres de mon passé, une fois que le feu aura brûlé ce qui doit être consumé. Je regarde, de mon œil affuté et hyper-sensible, le brasier faire son office magnétique pendant que, assis, je triture mon bol tibétain et que les cadavres de ma dernière chasse, suspendus aux branches, se balancent en silence.
Je lève mon museau humide vers la respiration du vent. Je sens… Mes poils, hérissés, se tendent vers mon prochain but, je gratte la terre de mes griffes, mes crocs me démangent, avides. La chasse, la traque, l’appel est trop puissant. Ainsi, je me fonds dans l’obscurité, la Lune m’offrant de vifs reflets argentés et j’arpente, dorénavant, ces terres…
Jérémy Urbain (8/10)