The Birds End – The Birds End
The Birds End
Emergence Records/Orchid Scent
Avant que ne résonnent les 12 coups de 2013, j’attendais justement le coup de cœur rock en provenance de l’hexagone, le disque qui vous surprend, vous touche le fond de l’âme, vous titille les papilles émotionnelles avant de vous remuer ouvertement les tripes. Celui-ci est arrivé juste à temps en ce qui me concerne (l’album en question était pourtant disponible en début d’année), complètement par surprise, et il se dénomme The Birds End. Ce jeune combo basé à Rouen prend son envol en 2010, évoluant dans un style et une configuration « post-rock » stricto-sensu. En effet, nous sommes là quelque-part au plus près des fondamentaux du genre, avec cette formation instrumentale basse/batterie/guitares, sans aucun autre artifice ou presque que les nombreux effets de ces dernières, ces six cordes qui donnent toute leur substance aux fresques mélancoliques et désespérées offertes par The Birds End.
Belle, puissante et atmosphérique à souhait, la musique des rouennais emprunte beaucoup à ses aînés américains d’Explosion In The Sky, que ce soit dans le style de compositions variant les cadences rythmiques et les climats au sein d’un même morceau, que du « son » en lui-même. A la différence près que les 4 titres de ce court album d’une trentaine de minutes au compteur (pourtant bien considéré comme un LP) sont infiniement plus marquants et inspirés que les dernières livraisons en date du célèbre combo US, qui fait autorité dans le genre ! L’originalité de The Birds End n’est donc pas vraiment à chercher du côté purement musical (on navigue ici en territoire familier quand on est amateur de GYBE, This Will Destroy You, The Red Sparowes ou encore Mogwai), mais plutôt de la formule, vraiment singulière et fascinante. En effet, sur trois des quatre morceaux de l’album viennent se poser ici et là des vers de poèmes empruntés à Charles Baudelaire, servis par une voix froide et intense à l’élocution parfaite, qui plus est magnifiquement intégrée au mixage, et ce avec la plus grande parcimonie.
Aussi, l’expérience The Birds End est avant tout liée à la spontanéité de l’exercice live. Car il faut savoir qu’aux quatre musiciens du groupe vient s’ajouter un cinquième membre en la personne de Peggy le Guern, artiste peintre qui confère au quintet une identité graphique forte, où expression visuelle et sonore deviennent indissociables. A l’occasion des concerts de The Birds End, celle-ci joue du pinceau, des lumières et de la vidéo, en alchimie totale avec la musique produite sur scène. Le sublime artwork de l’album est quant à lui signé par la non moins douée Natacha Delaunay, et l’objet est présenté dans un combo vinyle/CD de très grande classe, qui nous rappelle à quel point l’univers du MP3 et du tout numérique en matière musicale est on ne peut plus fade et désincarné.
Quatre compositions aux titres évocateurs (jugez plutôt : « Le Temps Mange la Vie », « Les Plaines De L’Ennui/Dormir Plutôt Que Vivre », « Mathilde » et « L’oreiller Du Mal ») sont au menu de ce bel objet , quatres pièces d’orfèvrerie qui rivalisent de profondeur, de spleen, de mélancolie et d’impact émotionnel. Aucune d’entre-elles n’ose vraiment s’aventurer sous la barre des sept minutes, histoire de bien prendre tout le temps nécessaire afin d’immerger l’auditeur conquis dans des paysages oniriques à la beauté hivernale, éplorée, si difficile à quitter une fois le morceau terminé. Sur le plan mélodique, The Birds End fait tout simplement des miracles, et il faut aller faire un tour du côté des japonais de Mono pour trouver un équivalent aussi fort et touchant dans le genre, ce qui n’est pas le moindre des compliments.
Les motifs entremêlés, tissés par les guitares hypnotiques de Regis Leroy et Nicolas Calbrix font merveille, mélopées à la fois simples et marquantes, qui restent gravées dans les mémoires au delà de l’écoute. Le schéma est toujours le même à quelques variations près, et la sérénité fait rapidement place au tourment, à l’explosion instrumentale tout en saturations et tourbillons rythmiques qui montent crescendo, avant de revenir au calme, dans un bref espace de transit vers d’autres aventures émotionnelles. Passionnant et imparable ! The Birds End a tout compris à l’essence même du post-rock romantique, et il y a bien longtemps qu’un album estampillé du genre ne m’avait remué à ce point.
Le groupe travaille actuellement à un nouveau projet, situé, selon les dires de Régis Leroy, dans un tout autre univers esthétique. Alors, patientons et attendons sereinement le retour de The birds End, dont le premier opus va, en ce qui me concerne, passer un peu de temps à squatter ma platine en ce début d’année 2013. Une formation à suivre de près, vous voilà prévenus !
Philippe Vallin (8,5/10)
http://fr.myspace.com/thebirdsend1
http://thebirdsend.bandcamp.com/