Teramaze – Desire Colours N Lust
Wells Music
2025
Lucas Biela
Teramaze – Desire Colours N Lust
Teramaze, je vous en avais parlé il y a déjà près de dix ans à l’occasion de la sortie de leur cinquième album, Her Halo. Enchaînant les bonnes cuvées, la formation s’est forgée une solide réputation dans le milieu progressif, jusqu’à cet EP, Desire Colours N Lust, sorti peu de temps après leur dernier album. Il y a de quoi s’étonner de ce choix de format puisqu’ils n’en avaient pas sorti depuis 2001. Mais à leur décharge, on a vu pléthore d’albums sous leur nom ces cinq dernières années. Et puis, l’avantage d’un EP est de se concentrer sur l’essentiel.
Les guitares sinistres et la batterie pressée qui ouvrent Desire Colours N Lust ne laissent en rien présager de la suite, bien plus enjouée. Serait-ce un clin d’œil au passé thrash metal du groupe, du temps où ils s’appelaient Terrormaze. Car oui, l’appellation Teramaze fait suite à la tournure « chrétienne » qu’ont pris les choses. Et depuis, le propos se veut plus réconfortant, même si, comme on va le voir par la suite, la versatilité est de mise. Desire Colours N Lust est en effet une véritable bouffée d’air frais malgré l’entrée en matière trompeuse. Mais finalement, ce contraste que je pointe du doigt n’est pas anodin. En effet, en ayant intitulé « Sinister » le morceau le plus funky de l’album (il faut penser à Dirty Loops ou Level 42), le groupe met en exergue sa capacité à jouer sur différents tableaux. En se promenant dans cette contrée au nom lugubre, on se rend compte en effet que l’enjouement cache une face plus sombre. Celle-ci est marquée d’une part par un chant implorant sur fond de piano mélancolique. Le côte terne ressort encore davantage avec un moment groove/nu metal des plus agressifs accompagné de notes de clavier dignes d’un spectacle grand-guignol. Et bien que les autres morceaux présentent une face essentiellement claire, le versant noir n’est jamais très loin. Ainsi, les habits sombres que la guitare revêt dans les riffs en sont une des nombreuses manifestations. En parlant de la six-cordes, « Black Sound » servira de récipient à ses sanglots. C’est aussi à travers les appels à l’aide dans le morceau-titre ou dans « Black Sound » que la formation rejoint le côté obscur de la force. Les cordes inquiètes de « Bullet To A Pharaoh » participent de même aux désarrois de l’élève Teramaze. En outre, c’est un piano éploré qui alimente le fleuve sombre dans le pont suspendu de « Desire Colour N Lust ».
A la couleur noire répondent de nombreuses teintes vives. Ainsi, j’ai beaucoup insisté sur les aspects sombres de « Black Sound » , mais la mélodie rappelle largement la pièce « There’s The Girl » de Heart. Voilà un morceau que l’on ne peut guère qualifier de triste ! Il mettait d’ailleurs bien en avant les mélopées douces de Nancy Wilson, moins connue pour ses talents de chanteuse que sa sœur Ann. De même, difficile de verser dans le pathos quand on veut construire un « Perfect World ». Là, dissipant quelques doutes, ce sont des claps énergiques qui accompagnent les frappes radieuses de la batterie. Dans ces célébrations, les claviers débordent de vitalité et les guitares sont tout sourire. J’avais commencé la chronique avec « Desire Colours N Lust ». Eh bien, le revoilà sous un meilleur jour. Il faut en effet y signaler ces explosions de joie dans le refrain. La guitare, tellement peu habituée à des festivités aussi grandioses, rougit au point de prendre la même couleur que celle de Brian May. En revanche, tel un Joe Satriani jouant son « tube de l’été », la langue de la six-cordes va bien se délier dans un « Bullet To A Pharaoh » triomphant tel un paon mais dont le refrain en pâmoison va quelque peu freiner les ardeurs. Ainsi, les nouvelles compositions de notre quintet australien se parent non seulement de tonalités à faire frémir mais également de notes vives flattant l’oreille.
Malgré le poids du temps (plus de 30 ans au compteur en incluant la période Terrormaze), Teramaze continuent à nous surprendre. Ils le font en proposant des albums d’une fraîcheur renouvelée où les mélodies toujours savamment arrangées accompagnent une musique passant par divers stades émotionnels. Desire Colours N Lust est à nouveau un très bon cru dans la discographie du groupe.