Tenhi – Airut : Ciwi

Airut : Ciwi
Tenhi
2001
Prophecy Productions

Tenhi – Airut Ciwi

« Airut : Ciwi ». J’y ai pensé, je l’ai imaginé. J’ai même dessiné mes impressions, pris des photos de paysages pour (mal) l’immortaliser. Mais ce n’est pas comme ça que je vais en parler. Il existe des moments où il ne faut pas garder certains instants en mémoires. C’est une partie de ma vie, de mon quotidien. Cet album m’est revenu après un événement éprouvant. C’est peut-être personnel, mais tant pis, c’est comme ça… Ressentir ce que j’ai pris dans ces quelques secondes. Des images qui marquent, en équipe, dans une chambre, lumière déclinante. Une personne entourée, interne, infirmières, aides soignants tenants bras, dos et mains. Et ce laps de temps… Celui où j’ai vu, de mes yeux, la personne partir. Quelque-chose a quitté le corps, la vie. Prendre le dernier souffle est une chose, voir la mort envahir l’espace qu’on tient et la sentir en est une autre. Je me demande encore pourquoi j’écris ça. Mais ce sentiment de tristesse absolue qui s’est abattu au sein du service était bel et bien tangible, contagieux même.

Et puis là, j’ai dit merde. Merde à cette sensation. Merde à la cuite que je me suis prise ensuite. « Airut : Ciwi » est apparu. En lui, en même pas une demi-heure, s’est cristallisé tout ce que j’ai ressenti, du visage se marbrant au dernier réflexe nerveux. J’ai dit merde aux paysages hivernaux du fin fond de l’Europe. J’ai dit merde à James Ellroy et ses histoires sordides que je lis dans le métro. Tenhi a capté l’instant qui suit. L’absence, le vide, les yeux qui se croisent, les regards perdus, les larmes qui coulent, les mains sur les épaules, les personnes qui s’étreignent, le chagrin qui brûle le visage. Et puis j’ai senti le vent, la brume matinale et glaciale. Le piano aux notes familières qui dessinent les contours, un arbre courbé par la fine couche de glace. Une ambiance mortifère, triste, éperdue, portée par une voix grave et plaintive. Un climat de désespoir absolu, mais qui laisse une lueur, celle d’un espoir, infime et fugace, un pâle rayon de soleil. C’est de ça dont je voudrais garder une marque. De ces légères percussions et autres didgeridoos qui s’égayent sur les courtes minutes de ce disque.

Car, après avoir fermé les volets de la chambre et préparé le corps, j’ai laissé la lumière envahir à nouveau cet espace de soins, je pouvais presque entendre la glace de mon imagination tomber en même temps que les touches de piano. « Airut : Ciwi » permet de voir une lamelle d’horizon au milieu de ce brouillard et de s’y avancer. Et pour avoir su traduire cet instant figé et vécu où la vie s’arrête et reprend malgré tout, je me refuserai à y mettre une quelconque note, simplement parce que j’en vois pas l’intérêt.

Jérémy Urbain (*/10)

http://utustudio.com/

2 commentaires

  • Franck

    ça me fait penser un peu à Current 93

  • Philippe Vallin

    Tiens, je ne connais pas Current 93, mais j’irai voir de ce côté là 😉

    Je n’oublie pas de passer en revue ton album, pas de soucis, mais c’est juste le temps qui manque un peu. Ca va venir, chose promise, chose due ! Et en plus, c’est bon ! A+ Phil

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