TEKE::TEKE – Hagata

Hagata
TEKE::TEKE
Kill Rock Stars
2023
Lucas Biela

TEKE::TEKE Hagata

Teke Teke Hagata

Le nom, la pochette, l’intervention d’instruments tels que le shinobue, le koto, le shamisen, les paroles, tout respire le Japon chez nos… Montréalais de TEKE::TEKE. Et certes, le Japon est omniprésent, mais ne vous y trompez pas, les références sont multiples : on y retrouve aussi bien des clins d’œil au garage rock brésilien, qu’à la musique de film, à la soul funk de David Axelrod, au surf rock, et au psychédélisme qui a tant fait balancer les bras et les jambes des baby boomers. Venant seulement deux ans après un premier essai très réussi (Shirushi), Hagata poursuit dans la même veine, voire encore plus loin ! Avec ses airs de célébration traditionnelle, le morceau d’ouverture nous met dans l’ambiance du pays du Soleil Levant. Mais déjà, quelques éléments comme la guitare insistante, des chants hors du commun et quelques passages intrigants avec extraits de répliques de films nous indiquent que notre septet nous invite à un voyage au-delà des clichés. Ainsi, tout au long de l’album, à la flûte aux envolées féériques de Yuki Isami répondra le plus souvent la voix à l’urgence punk de Maya Kuroki. Mais encore une fois, loin de se cantonner à un seul registre, TEKE::TEKE ne cessera de nous surprendre quand, sur un des trois singles de l’album, « Doppelganger  », la voix revêtira une candeur pop 60’s qui sera soutenue par des cordes ouvrant la porte aux grands espaces et une rythmique enjouée. Initialement, la bande québecoise se voulait rendre hommage au guitariste Takeshi Terauchi. Ce nom ne m’était d’ailleurs pas inconnu quand j’ai découvert TEKE::TEKE avec leur premier album, puisqu’il a fait partie des artistes méconnus programmés dans mon émission bimensuelle du jeudi sur ISKC Radio. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans le jeu du guitariste Serge Nakauchi Pelletier cette référence du surf rock japonais. Mais là encore, le groupe aime brouiller les pistes, car certes les sons de six-corde popularisés par les Shadows dans les années 60 se retrouvent dans des morceaux comme «  Jinzou Maria  », mais on a également droit à des riffs hard rock sur « Hoppe  » ou des wah wahs funk sur «  Setagaya Koya  ».

Teke Teke Hagata band 1

L’ouverture d’esprit de nos hurluberlus est loin de s’arrêter aux styles énumérés jusque-là, puisque « Onaji Heya » nous emmène vers des contrées discoïsantes, où cependant les boules à facette pendraient au ciel d’un grand champ, la flûte mettant de l’eau bucolique dans le vin dansant. Les grands espaces mentionnés plus haut se retrouvent également dans les cordes ainsi que dans cette musique convoquant les westerns du rythmé « Setagaya Koya ». Sur ce même morceau, on notera qu’à la féérie et la magie de l’instrument fétiche de Yuki se substitue l’espièglerie : en effet, bien versatile, cet instrument peut aussi faire imprimer un grand sourire sur notre visage. Certains morceaux font la part belle aux rythmes tribaux, ces rythmes universels qui nous rappellent à quelle point la spiritualité joue un rôle important dans notre vie. Ainsi, sur « Gotku Lemon  », batterie et percussions nous feraient presque avancer dans une jungle rendue luxuriante par ces sonorités à nouveau espiègles de la flûte. Autre exemple, mais dans un décor plus mystérieux, «  Kaikijiu », où aux peaux suggérant la prudence, répondent des cuivres brumeux. Par ailleurs, le très classicisant « Me No Hoya  » met bien en valeur les qualités d’instrumentistes de notre septet. Sur de très subtiles vocalises (on a du mal à savoir si c’est la guitare qui mime la voix ou s’il s’agit bien d’une voix !), se développe une musique rappelant l’ère post-romantique avec son obsession du folklore locale.

Teke Teke Hagata band 2

Avec leur deuxième album, TEKE::TEKE confirment leur statut de figure de proue dans ce syncrétisme qui manipule habilement influences traditionnelles du Japon, et développements occidentaux des années 60 à la fin des années 70. Certes, leurs influences datent, mais ils ont su les mettre au goût du jour et leur signature est bien là. En effet, il s’agit vraiment d’un groupe à part sur la scène « psychédélique  », qui brasse très large pour offrir une musique unique, mêlant une instrumentation riche, et nous faisant passer par diverses émotions tout en nous gardant en haleine comme un bon film à énigmes. Très certainement, Hagata sera un des albums de l’année.

https://www.teketekeband.com/

https://teketekeband.bandcamp.com/album/hagata

https://www.facebook.com/teketekeband/?locale=fr_FR

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