Steve Hogarth & Richard Barbieri – Arc Light
Steve Hogarth & Richard Barbieri
Poison Apple Recordings
Personne n’attendait l’excellente première collaboration entre Richard Barbieri, entre autres claviériste de Japan et Porcupine Tree, et Steve Hogarth, génial frontman du non moins imposant Marillion. Et pourtant en 2012, « Not The Weapon But The Hand » en a surpris plus d’un, par sa liberté créative, sa poésie, son minimalisme assumé et ses expérimentations pop-electro finement ciselées. Une tournée prometteuse devait s’en suivre avec un passage par Paris, mais financièrement infaisable, elle fût annulée aux grand regrets des fans et de nos deux artistes en pleins préparatifs, avec un groupe complet pour les seconder sur scène. Un échec permettant souvent à tout un chacun de rebondir, le duo reprit le chemin du studio, et c’est au cours du dernier trimestre 2013 que sort un EP de 5 titres, avec le renfort de Dalbir Singh aux tablas et d’Aziz Ibrahim aux guitares sur 3 morceaux, et pas des moindres. Les aficionados de Marillion reconnaitront qu’il s’agit là des deux musiciens qui ont fait l’ouverture remarquée (et remarquable !) des concerts européens de leur groupe préféré au début de l’année dernière.
Tout au long de ce mini album de 28 minutes qui ne laisse aucune place à l’ennui, on retrouve la même sensibilité planante et aventureuse qui animait son illustre prédécesseur. Avec ses quelques notes de piano inquiétantes, on pourrait croire l’éponyme et introductif « Arc Light » tout droit sorti du dernier album de Steven Wilson. Mais ici, l’ambiance jazzy vaporeuse perdure, et les vocaux de h emportent le morceau très loin, dans un temps suspendu absolument fabuleux. Une entrée en matière exceptionnelle, affichant un style aux contours indéfinissables, à situer quelque-part entre l’unique effort solo de Mark Hollis, le Talk Talk non moins onirique de « Spirit Of Eden », voire les envolées étranges et extrêmement sensibles d’un Robert Wyatt (tout au moins dans l’esprit !).
Avec sa rythmique binaire et son manque de mélodies fortes, « Intergalactic » convainc un peu moins malgré un dynamisme bienvenu et des guitares dissonantes branchées en mode King Crimson. On replonge avec bonheur dans une ambiance sous éther avec « Daddy Does Work », 5 minutes de pure beauté, très proche de l’univers du trop méconnu premier album de h, qui révélait à l’époque de sa sortie un artiste accompli, furieusement éclectique, totalement affranchi des contraintes inhérentes à la « machinerie » Marillion.
L’orientalisant « Oil », sorte de « rock ethnique » écrit en totalité par h, voit arriver les tablas magiques de Dalbir Singh. Et voilà que l’on se retrouve immédiatement propulsé 13 ans en arrière, à l’époque des prestations live du h Band, où la communion des artistes et du public, dans cette musique dépourvue de frontières, magnifiait un concert de haute volée. Enfin, « Elaine » clôt un EP finalement assez digne de son grand frère d’album, autre titre en apesanteur, émouvant et délicat, qui aurait pu être une version semi-acoustique d’un titre du dernier opus de Marillion. Ici, la sensibilité légendaire de Steve Hogarth fait mouche plus que jamais.
Pour conclure, on pourrait dire de cet EP qu’il est plus direct. Néanmoins, le projet ne perd en rien de son originalité, même si les deux compères reviennent parfois dans des terrains un peu plus familiers. La voix de h reste inimitable, l’homme se permet ici plus de liberté dans sa manière de chanter, modulant davantage encore la texture de son timbre et la puissance de son coffre (mais sans jamais s’égosiller), et les paysages sonores déployés par Barbieri sont toujours splendides.
Ne vous y trompez pas : « Arc Light » ne sonne en aucun cas comme un simple CD bonus avec les chutes du premier album, et à ce titre, il mérite vraiment tout votre intérêt. A quand une tournée avec tout ce beau matériel ?
Fred Natuzzi & Philippe Vallin (8,5/10)