Steve Hackett – Genesis Revisited II
Steve Hackett
Inside Out
Depuis quelques années maintenant, Steve Hackett est revenu sur le devant de la scène comme un incontournable du monde du progressif. Bien entendu, son aura de légende l’a suivi tout au long de sa carrière, mais il semble que l’on s’est enfin rendu compte de sa réelle importance. Après Genesis, il publie 4 albums qui vont du très bon à l’exceptionnel, puis dans les années 80, l’inspiration se perd. Steve Hackett commence alors à peaufiner son amour de la guitare acoustique et du classique et à sortir des albums instrumentaux, à destination de mélomanes avertis. Puis c’est vers le blues que l’homme se tournera dans les années 90 jusqu’à un premier « Genesis Revisited » en 1996 où, avec un casting déjà pharaonique (John Wetton, Paul Carrack, Bill Bruford, Tony Levin, Chester Thompson, Colin Blunstone …), il transforme des classiques du groupe en morceaux plus expérimentaux, retravaillant le son et la structure de Genesis pour nous emmener vers un terrain moins familier. A la fois déconcertant et étrangement réussi, l’homme est finalement là où on ne l’attend pas. Autre album décisif, l’excellent « Darktown », en 1999, finit de le remettre en selle. L’inspiration est au rendez-vous et Steve Hackett sort une flopée d’albums étonnants : « To Watch The Storms », « Wild Orchids » et le remarquable « Out Of The Tunnel’s Mouth » pour la partie rock, « Sketches Of Satie » avec son frère John, « Metamorpheus » et « Tribute » pour la section instrumentale. Récemment, le double album « Beyond The Shrouded Horizon » montre qu’Hackett est toujours au sommet de sa créativité, avec son mélange de style et son jeu de guitare unique. Il multiplie également les apparitions chez d’autres confrères, comme Neal Morse ou Steven Wilson. Un projet avec Chris Squire plus tard (« Squackett« ) et c’est ce « Genesis Revisited II » qui nous arrive, comme un cadeau de fin d’année inespéré !
Car oui, l’album est un vrai cadeau pour les fans de Genesis. Steve Hackett reprend donc ses classiques, mais cette fois-ci ne va pas les triturer outre mesure : la construction reste telle quelle, quelques ajouts sont fait ici ou là : une intro différente, une manière de chanter plus ou moins appuyée, mais rien qui va rendre le morceau complètement nouveau. C’est la limite de ce deuxième opus : comment faire du neuf avec du vieux ? Eh bien, on joue sur la production : les morceaux de Genesis n’auront jamais sonné aussi bien, aussi clair, aussi profond. Ils reprennent une jeunesse et montrent une modernité réjouissante. Genesis mélangeait progressif, classique et quelques pointes de jazz avec bonheur. La plupart des groupes prog actuels citent Genesis en référence, et beaucoup plagient un solo de guitare d’Hackett, un solo de piano de Banks ou le son de batterie de Collins. Et que dire de tous ces chanteurs au timbre ressemblant à Gabriel !
Sur cet album, la guitare est bien sûr au centre de l’interprétation. Elle est beaucoup plus présente que sur les originaux, leur donnant une autre dimension et sonnant plus Hackettien. Tous les titres sont tirés de la période 71 à 77. Et pour ce nouvel opus, Hackett s’est entouré à nouveau d’invités prestigieux. Le plus remarqué est sans aucun doute Nad Sylvan, de Unifaun et Agents Of Mercy : c’est un vocaliste dont le timbre rappelle … Peter Gabriel. Avec lui, « The Chamber Of 32 Doors » (avec une intro acoustique des plus surprenante) et « The Musical Box » (un des titres les plus puissants de l’ère Gabriel) revivent avec une pointe de nostalgie et pour « Eleventh Earl Of Mar », on se surprend à penser que c’était bien Phil Collins qui l’interprétait et non Gabriel ! John Wetton revient faire un coucou sur le lumineux « Afterglow », précédé comme il se doit par les instrumentaux « Unquiet Slumbers For The Sleepers » et sa suite « … In That Quiet Earth ». Le chef d’œuvre « Supper’s Ready » a pour chaque partie un chanteur différent : Mikael Akerfeldt, Simon Collins (le fils de qui vous savez), Steve Hackett lui-même, Francis Dunnery (qu’on retrouve aussi sur « Dancing With The Moonlit Knight », avec une intro médiévale !) et Conrad Keely. Un plaisir de bout en bout.
Nik Kershaw intervient élégamment sur « The Lamia » avec un superbe solo de Steve Rothery, tandis que Jakko Jakszyk enchante « Entangled » et son univers magique, un des plus beaux morceaux de Genesis, notamment ses parties de guitare, hallucinantes de génie. Neal Morse insuffle son énergie communicative et met sa patte inimitable sur « The Return Of The Giant Hogweed », avec Roine Stolt à la guitare, répétant ainsi l’hommage qu’ils avaient déjà réalisé au sein de Transatlantic. Steven Wilson chante un titre peu connu mais superbe, avec une dimension symphonique magnifique, à savoir « Can-Utility And The Coastliners » ; il joue également de la guitare sur le majestueux « Shadow of The Hierophant » avec Amanda Lehmann aux vocaux (comme sur le magnifique « Ripples », autre moment fort de l’histoire de Genesis, avec sa guitare et son piano entremêlés), morceau écrit avec Mike Rutherford, pendant qu’Hackett était encore au sein de Genesis, comme d’ailleurs « Camino Royal » qu’il chante lui-même avec une partie jazz étonnante, le lunatique « Please Don’t Touch » (qui à l’origine faisait partie de l’instrumental « Unquiet Slumbers … « ) et l’orchestral « A Tower Struck Down « .
Saluons le travail absolument génial de Roger King aux claviers sur tout l’album, il a la charge de ne pas dénaturer les atmosphères travaillées de Banks et il y arrive plus vrai que nature ! Nous retrouvons également Nick Beggs à la basse sur 4 titres et Gary O’Toole à la batterie, et chanteur sur « Blood On The Rooftops » (dont l’intro étendue est une pure beauté acoustique), « Fly On A Windshield » et « Broadway Melody of 1974 », ainsi que les l’indispensables John Hackett à la flute et Rob Townsend au saxophone.
Seul regret à ce projet : aucun des autres participants de Genesis n’a été impliqué. Et c’est bien dommage ! Tony Banks aurait pu jouer « Ripples », Mike Rutherford tenir la basse sur « Shadow Of A Hierophant », Peter Gabriel vocaliser sur une partie de « Supper’s Ready », Phil Collins chanter sur une autre (il ne peut plus jouer de batterie), et pourquoi pas inviter Anthony Phillips, qui aurait pu nous enchanter de ses arpèges sur « Can-Utility And the Coastliners ». Ah … fantasme de fan ! Quoi qu’il en soit, la musique de Genesis, réinventée ou réinterprétée, reste un modèle du génie anglais. 2h20 de plaisir et 21 titres plus tard, on sort du disque transporté et heureux.
Fred Natuzzi (9,5/10)
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