Shrunken Elvis – Shrunken Elvis

Shrunken Elvis
Shrunken Elvis
Western Vinyl
2025
Lucas Biela

Shrunken Elvis – Shrunken Elvis

Shrunken Elvis Shrunken Elvis

Derrière le nom curieux de Shrunken Elvis se cache un trio de musiciens chevronnés mais aux horizons distincts. Le Londonien Spencer Cullum, habitué des ambiances folk (Angel Olsen, Lambchop…), est ainsi crédité à la pédale steel. Le Nashvillien Sean Thompson, aux collaborations rock et country (Gnarwhal, Promised Land Sound, Margo Price…) tient les guitares. Enfin, également natif de Nashville, Rich Ruth, aux claviers, à la basse, aux programmations, et sur quelques parties de guitare, est connu pour ses albums mêlant ambient, spiritual jazz et post-rock. Et c’est ce dernier membre qui semble avoir impulsé l’orientation de l’opus qui nous concerne.

Avec un vent soufflant autant sur des contrées arctiques que tropicales, Shrunken Elvis est une œuvre riche, à la manière du somptueux Ancient Dreams de Patrick O’Hearn. En effet, à la fois minimalistes et serties de détails, les ambiances nous ramènent à celles qui infusaient les productions de labels tels que Private Music, Windham Hill ou Narada dans les années 80. Quand des éléments contradictoires s’assemblent, leur dialogue semble improbable mais fait travailler notre imagination à la manière d’un tableau surréaliste de Salvador Dali. Ainsi, dans « That There’s A Strategy », la pédale steel crie sa douleur là où la guitare va de l’avant tout en semblant prise d’un fou rire. Des éléments cosmiques y offrent par ailleurs un cadre infini. De même, alors que la steel et la basse de « Marina Pt 2 » sont en pleine réflexion, la guitare électrique, soutenue par des claviers euphoriques, s’esclaffe avant de sombrer dans des pensées noires que quelques notes virevoltantes dissipent. Autour de ces contraires, telles les roues d’une locomotive lancée à pleine allure, le motif rythmique répété en boucle crée une certaine tension qui accapare notre attention. Sur « Mu Receptors», tandis que les programmations se complaisent dans un enthousiasme qu’encouragent des notes de synthés scintillant à la manière des particules issues de l’érosion des feux d’artifice, la pédale s’accroche à son spleen. Et c’est à nouveau un tourbillon noir qui emporte les guitares. Celui-ci vient d’ailleurs également assombrir la communion entre la terre et le cosmos que « Sun Pillar » initie à travers les rythmes tribaux, la guitare bucolique et les nappes spatiales.

Shrunken Elvis Shrunken Elvis band 1

Ailleurs, c’est une certaine harmonie tournée vers la lumière qui anime les différents éléments. Le fauvisme d’André Derain n’est alors pas très loin dans cette explosion de couleurs vives. Par exemple, pour rendre « K-House » le plus radieux possible, chacune des parties apporte son grain de sel. Le xylophone lance ainsi une mélodie que la steel enlace, et sur laquelle les guitares ricochent. Les programmations vont même jusqu’à danser pour faire entrer l’ensemble dans une transe enjouée. « An Old Outlet » présente le même optimisme. Autour d’une steel et d’une basse réconfortantes, la terre est foulée d’un pas assuré. Et c’est alors qu’un parfum d’extrême-orient exhale des épanchements de la guitare hilare. Comme dans « Sun Pillar » et « That There’s A Strategy », les synthés planants élargissent le cadre à l’univers. Et ces éléments spatiaux viennent à nouveau se mêler à la chaleur qui émane autant de la steel que de la guitare de « Every Faint Rustle ». Autour des rythmes pétillants, la six-cordes va alors jusqu’à dérouler un beau tapis chatoyant. Enfin, quand les atmosphères se retrouvent enveloppées d’un voile de mystère, c’est la brume des tableaux de Joseph Turner qui saisit notre esprit. Ainsi, par le biais des nappes embrumées, des motifs alarmés, des boucles nonchalantes, et de la steel ébahie de « Eggs On Plastic », sérénité et angoisse se confondent pour mieux s’entendre. Et à la manière du sublime « Höre, Der Du Wagst » de Popol Vuh, où les éléments avancent lentement mais avec majesté, « A Broken Cat » est un appel au lâcher prise et à la contemplation de la beauté qui nous entoure.

Shrunken Elvis Shrunken Elvis band 2

Avec une musique se mettant en place progressivement, Shrunken Elvis est tout autant terre de contraste que d’harmonie. Les éléments s’emboîtent sans anicroche et suggèrent des images aussi bien fantastiques que réelles. Entre éclat et mystère, c’est un univers foisonnant qui se profile, à la manière de cet autre trio récent mais passé inaperçu malheureusement, Total Blue.

https://shrunkenelvis.bandcamp.com/album/shrunken-elvis

 

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