Security Project Plays Live : le combat (perdu d’avance) de Peter contre Gabriel
Security Project Plays Live / Peter Gabriel Tribute, à l’Amalgame Club (Yverdon-les-Bains), le vendredi 27 février 2015
La mode des tribute bands ne cesse de croître, preuve que les groupes mythiques continuent de fasciner les foules. Il est vrai qu’il n’existe pas trente-six moyens de voir en live une prestation de son orchestre fétiche : 1) vendre sa voiture et s’offrir un concert avec les « vrais » Police, Led Zeppelin, Who et Cie. 2) payer une somme dérisoire pour aller voir une prestation de haute qualité dans une petite salle sympathique. Certes, il ne s’agira alors pas du vrai Phil Collins (ouf !) ou du vrai Ian Gillan (Deep Purple) (heureusement !), mais force est d’avouer que parfois ce n’est pas plus mal. En effet, trop souvent, les prouesses vocales de ces fringants sexagénaires ne valent pas les dizaines (centaines ?) d’Euros engagés. Alors, vraiment, peu importe le flacon tant qu’on a l’ivresse. The Musical Box, The Watch ou autres Carpet Crawlers (trois formations-hommages qui tournent en faisant revivre la magie des antiques shows de la Genèse) offrent davantage d’émotion et de précision que ce que nous proposait le trio Collins-Banks-Rutherford depuis, allez, 1985.
Plus proche de nous, le Mick Pointer Band recrée mieux l’illusion Marillion que ne parvient à le faire leur chanteur originel vieillissant. Le phénomène semble même tellement prendre qu’il n’est pas rare de voir des formations connues encore en activité remplacer leur vocaliste (fatigué, malade ou carrément décédé) par un ersatz aperçu sur l’Internet (Yes, Journey ou même Queen s’y sont, avec succès, risqués). Mieux : certains tribute bands contiennent même en leur sein les musiciens qui accompagnaient « pour de vrai » le « véritable » chanteur. Qui lui, naturellement, est remplacé par un jeunet au timbre moins usagé.
C’est le cas pour cet excellent Security Project Plays Live. Cette formation américano-britannique, constituée en partie de pointures qui ont oeuvré sur les cinq premiers disques de l’Archange : ses meilleurs diront les plus audacieux. En effet, après la légendaire double captation publique Plays Live (1983), Peter Gabriel, s’il ne délaissera pas ses exigences artistiques ou sonores, mènera sa carrière vers des chemins nettement plus commerciaux (« Sledgehammer », « Steam », « Don’t Give Up » ou autres « Kiss That Frog ». Ainsi, cette équipe de (très) fines gâchettes s’efforce de recréer les ambiances (et setlists) des concerts des six premières années en solo de l’ancien leader de Genesis. Et avec quelle maestria ! La maîtrise technique et scénique des cinq magiciens laisse pantois. Mention spéciale au jeune Brian Cummins dont le timbre de voix joue de mimétisme avec celle du créateur de « Biko ». Essayez, écoutez, il vous met au défi de le distinguer de son maître.
En plus, le trentenaire anglais n’est plus novice en la matière : chanteur de l’excellente formation Carpet Crawlers (dans laquelle il réussit l’exploit de se transformer en clone de Phil Collins quand il s’agit de rejouer des titres de la seconde période du dinosaure progressif) , Fish spectral dans le projet de Mick Pointer (ex-batteur de Marillion), sans oublier l’humoriste et bienveillant homme de scène qu’il sait devenir pour chauffer le public forcément dubitatif. S’il n’a ni le charisme, ni le sex appeal de l’androgyne d’origine, son dévouement et sa connaissance encyclopédique du répertoire du reclus de Barh forcent le respect. Certes, les grincheux trouveront peut-être le concept un peu ardu : à l’exception des fameux « Solsbury Hill » et « Biko », aucun hit du Gab à se mettre sous la dent. Mais quel plaisir de réentendre ces premières compositions bien retorses qu’étaient « Moribond the Burgermeister », « Intruder » ou autres « The Family and the Fishing Net ». Sans même parler de ces purs moments d’émotion brute que forment « Here Comes the Flood » ou « San Jacinto ».
En cette soirée de février à l’Amalgame Club (qui avait accueilli en son temps IQ, Arena, Fish ou Ange) d’Yverdon-les-Bains, petite bourgade helvète du bout du lac (de Neuchâtel !), The Security Project a sonné le public clairsemé. Ce spectacle, parfait de bout en bout, méritait en effet bien mieux que la petite trentaine d’amateurs éclairés qui n’auront pas regretté les deniers envolés. Un constat amer s’impose tout de même : quelques semaines auparavant, Peter Gabriel a fait venir quelques dizaines de milliers de fans à Genève et à Zürich (nous y étions). Où étaient-ils ces vieux pantouflards embourgeoisés et si « fans de la musique de ce génie » ? Le delta semble impossible. Trop d’un côté, trop peu de l’autre.
C’est vrai que, au retour d’une énorme salle de concert aux allures de salle de sport (l’enfer sur terre !), ça fait plus cool de clamer devant ses collègues de bureau, le lendemain, en posant les clés de son Audi sur son smartphone : « j’y étais ». Et bien, cher Security Project, pour la passion de la bonne musique qui nous lie, nous y étions aussi. Mais sans Audi.
Christophe Gigon
Photographies de Jean-Blaise Bétrisey & Jean Marc Mottet
http://securityprojectband.com/go/
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Bien dit! Marre de ces anciennes gloires qui ont oublié qu’ils étaient sans le sou a leur début . La musique c’est la voix du peuple, elle doit rester accessible au peuple.
Au dessus de 45 €, je ne me déplace pas pour un concert, même pour un groupe culte, question de principe. Les prix, c’est devenu n’importe quoi avec les années. Mais tant qu’il y aura des vaches à lait consentantes, les spéculateurs continueront à se frotter les mains. Quand je pense que j’ai vu les VRAIS Pink Floyd à Versailles pour 174 francs !! Et le show était plus gigantesque que tout ce qui peut se faire aujourd’hui. L’argument des gros moyens, c’est du flan..
174 F en 1989 (soit environ 25 €) … 25 ans après, tu peux multiplier facilement par 5 ou 6 ! … j’y étais également à ce concert, c’était très cher pour l’époque et mes poches d’étudiant, mais comme tu le dis, quel spectacle !
Les Australian PF, je les ai vus à Niort il y a peu pour 32 €.
Le problème du prix des places est certes lié aux groupes, mais aussi à l’endroit où ils se produisent ! La location d’une salle comme Bercy, c’est 300 000 € la soirée, divisés par 15000 spectateur ça fait déjà 20 € de pris sur chaque place.
Bien sûr Jean-Luc, tout le monde se gave au passage sur la longue chaîne du business. Mais sans déconner, le rock est devenu un truc de bourgeois, c’est triste (surtout quand on voit des gens se ruiner pour aller voir leur groupe fétiche, au détriment de tout autre vie culturelle dans l’année). Non, je conchie ce système, et je préfère encourager de plus petites formations dans des salles plus modestes.
oui, bien dit. C’est justement l’objectif de blogs comme Clair & Obscur de faire parler d’artistes avec peu de moyens mais beaucoup d’idées, délaissés par une industrie du disque davantage tournée vers l’enrichissement de ses représentants qu’à l’enrichissement culturel de ses consommateurs.
En même temps, pour The Musical Box, les places sont vraiment très chères …
oui, et j’imagine que c’est la même chose pour les Australian PF.
Je suis aller voir les Australian PF en 2012 à Reims et il à fallu débourser pour être bien plaçé 56,50 Euros si mes souvenirs sont bons ;-….ce qui est ‘encore’relativement abordable
56,50 € pour un clone, trop peu pour moi, même si je sais que le spectacle est de grande qualité.
Pour Musical Box à l’Olympia, je crois que pour la dernière tournée où ils jouaient deux soirs de suite avec deux sets différents, ça pouvait bien atteindre les 70 ou 80 euros la place orchestre … Trop cher, même si j’ai eu la chance de les voir jouer « The Lamb lies Down On Broadway » à l’Olympia, où là, avec le show d’époque ça valait cet argent. (j’ai dû avoir une place moins chère je ne sais plus comment, j’étais au balcon déjà c plus abordable)