Scott Kelly And The Road Home – The Forgiven Ghost In Me
Scott Kelly And The Road Home
My Proud Mountain
Avez-vous déjà touché du bout des doigts cette impression ? Cette sensation faite de fantômes divaguant dans des paysages désolés ? Le vent du passé venant caresser le menton, donnant la chair de poule ? Ce sentiment de solitude, à parcourir la route, à pied ou en stop, se poser un bref instant et laisser sa guitare parler à la place de la bouche ? À travers ce titre romantique « The Forgiven Ghost In Me », un murmure au creux d’une nuque, Scott Kelly, membre fondateur du cultissime Neurosis, touche, effleure cette parcelle d’émotion brute et pudique. Se cachant derrière un véritable mur sonore avec son projet principal, l’Américain se montre, ici, visage découvert, timide presque, bien qu’accompagné de compagnons de route. L’album tribute à Townes Van Zandt, sorti quelques mois avant, aurait dû nous titiller les écoutilles quelque-part. Cette patte « americana », cette guitare acoustique rêche, ces notes plaquées ici et là dans toute leur rudesse mélancolique, Scott Kelly, pourtant peu loquace, nous dévoile une part de lui-même. L’intéressé le dira lui-même, il n’y connait strictement rien aux accords, autodidacte, posant son ressenti à fleur de peau.
Sa voix, ni fausse, ni bonne non plus, se révèle touchante par son aspect rocailleux à la frontière du murmure. Toujours avec distance, infime mais tangente, elle en devient belle, affectée, concernée. Ce qui pourrait apparaître comme maladroit devient de ce fait délicat, posé, et d’une émotion aride qui invite à fermer les yeux le temps d’une de ces ballades. Si courtes dans leurs durées et si espacées dans leurs enchainements, jouant avec le silence, la durée qu’une corde soit pincée, sentir sa vibration retomber, le souffle qu’on prend avant de lancer des mots, la respiration au même rythme du vent, rafale, haleine.
Un appel, du calme, une lenteur consumée, un rythme cassé, pataud, sans véritables refrains ou couplets, une humilité arrivant à extirper dans la tristesse d’une voiture abandonnée, rouillée, au bord d’une route, au milieu d’herbes folles et libres, ce trouble… Cette émotion épurée, vécue, entrainant une foule de scènes et d’images. Un voyage, sans façade, à nu, beau, simplement beau, comme du Faulkner ou du James Lee Burke.
Jérémy Urbain (8,5/10)