Robert Reed – Sanctuary II
Tigermoth Records
2016
Robert Reed – Sanctuary II
On le sait, Robert Reed est tombé tout petit dans la marmite de Mike Oldfield en écoutant Tubular Bells. Du coup, il a appris à jouer de tous les instruments présents sur cet album mythique et essentiel, ce qu’il fait encore ici. Je dis encore, car Rob nous avait déjà fait le coup en 2014 avec un Sanctuary I fort apprécié à C&O et ailleurs par moi-même alors. Ni une ni deux (enfin si, justement), à peine le temps de s’en remettre que le sieur Reed nous propose Sanctuary II ! Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, on la complète : Rob joue de la quasi-totalité des instruments et le duo de production de Tubular Bells, à savoir Tom Newman et Simon Heyworth apporte la qualité de production supplémentaire. Et d’y ajouter un invité de marque : rien moins que Simon Phillips aux baguettes. Je ne vais pas vous présenter Simon Phillips dont la liste des contributions ferait pâlir tout apprenti-batteur. Mais quand même, Simon a joué et tourné avec Mike Oldfield, notamment sur Crises et Discovery. Robert Reed a vu la tournée « Crises » à Wembley (moi, c’était à Clermont-Ferrand), et c’est ce qui lui a fait penser en premier lieu à inviter maître Simon. Quand on sait la qualité du batteur Phillips (je sais, je n’ai pas pu résister à cette blague de bassiste…), et l’adéquation entre son jeu et l’univers oldfieldien, on approuve d’emblée le choix.
Alors, Sanctuary II, ça consiste en quoi ? En premier lieu, ça se présente sous format d’un double CD plus DVD (il existe aussi une version vinyle). Le DVD reprend le CD1 en version surround 5.1 et les vidéos promotionnelles. Ne l’ayant pas eu entre les mains, je ne vous en parlerai pas. En revanche, nous allons pouvoir nous attarder un peu sur les 2 CD… En fait, l’album, c’est le CD1. Comme Sanctuary I (et comme Tubular Bells), Sanctuary II est divisé en deux titres (« Part One », « Part Two ») d’environ 20 minutes, comme les bonnes vieilles galettes de notre enfance. Si l’album de 2014 lorgnait comme un voyeur nu sous son imperméable sur Tubular Bells, celui de 2016 revisite plutôt Hergest Ridge (avec des bribes de Platinum) et, de ce fait, paraîtra pour les puristes cherchant la petite bête comme l’équivalent des albums de la discographie du grand Mike : un deuxième album un peu en-dessous, reprenant essentiellement les recettes du premier. Bref, Sanctuary II serait une pâle copie de Sanctuary I… Alors, oui, bien entendu, les procédés, les enchaînements, les codas, tout ceci nous rappelle étrangement les recettes du père Oldfield… Les fins justifieraient les moyens, l’originalité et l’âme ne seraient pas de la partie ? Si on veut… Certes, par exemple, le thème à partir de 13:40 sur la « Part One » ne semble pas très original pour ne pas dire clairement « inspiré » (pour rester poli). Et alors ? Pour peu que l’on connaisse mal l’univers de Mike Oldfield, ou que l’on souhaite se nettoyer les oreilles de son dernier album en date (Man On The Rocks, 2014) et s’ouvrir les esgourdes à des horizons essentiellement instrumentaux dotés de superbes passages (écoutez ce thème légèrement hispanisant à 2:45 sur « Part II », ou ce motif folklorique à partir de 4:05), si tant est que vous ayez l’attention suffisamment soutenue et/ou relâchée pour entendre les détails de tous les instruments (cette flûte de Les Penning presque fausse à 4:31 et 4:36 sur la « Part Two ») et la subtilité de leur enchevêtrement, alors vous connaîtrez un ravissement que peu de disques procurent à l’heure de la musique abrutissante et bruitiste ! Saupoudrez avec les parties rythmiques, juste ce qu’il faut, de Simon Phillips, ainsi que les superbes parties vocales de Angharad Brinn et des Synergy Vocals (entendus chez Kompendium et sur le premier Sanctuary, tiens tiens), et vous avez un bijou délicat et rare !
Mais ce n’est pas fini, car Robert Reed poursuit la sérieuse plaisanterie oldfieldienne avec un deuxième CD rempli de surprises ! Que ce soit le guilleret « Salzburg », le folklorique et gaélique « Pen Y Fan », ou les deux versions du « Marimba » (également sorti en EP peu de temps auparavant, et qui devrait plaire à nos amis de Lazuli), Reed distille de petites nuances de production pour fans et musiciens. N’empêche, ces petites sucreries sont délectables. D’autant que les surprises ne sont pas terminées ! Une variante du début et une de la fin de « Part Two » vous attendent, et ce ne sont pas que de simples copies avec deux ou trois notes qui changent (d’ailleurs, je me demande moi-même si je ne préfère pas ces versions, un brin moins « produites » ?). Et puis, vient la stupéfaction : les deux parties de l’album, mais mixées par Tom Newman. Dès la première écoute, j’ai failli en tomber à la renverse. Newman a cette capacité stupéfiante à vous faire du vieux avec du neuf et inversement ! On croirait entendre une production des années 70 et en même temps quelque chose de très actuel (si l’on veut bien admettre que ne pas sonner comme la masse informe des productions postmodernes, c’est être actuel !). Bon, je vous avouerai que le traitement des basses en particulier suscite mon ravissement. Mais Newman arrive également à faire ressortir les percussions avec une clarté inégalable. Et pourtant…
Car s’il reste un point désagréable (et hypermoderne) dans ce Sanctuary II, c’est le mastering (oui, je sais, c’est mon nouveau dada) ! Que ce soit la version album ou le remix de Tom Newman, la compression fait encore des ravages (comme sur le Anderson-Stolt, Invention Of Knowledge, chroniqué il y a peu). A croire que les musiciens (même les meilleurs) ont du mal à ne pas succomber à la « Loudness War » tant à la mode… Certes, il fallait bien trouver une faille à un album dont la qualité d’ensemble ravira les mélomanes amateurs de différents styles. A l’image de sa magnifique pochette, encore plus belle que celle de Sanctuary, Sanctuary II est tout sauf un sanctuaire. Et comme aujourd’hui il fait un temps gallois sur la colline boisée qui me fait face, je vais illico relancer la lecture de cet album enchanteur… Décidément, Robert Reed est grand. Et comme on nous annonce un Return To Ommadawn de Mike Oldfield, la dialectique hégélienne du maître et de l’élève n’a pas fini de faire couler de l’encre…
Henri Vaugrand
Salut! Franchement, je commence à me poser des questions par rapport à ce nouvel album de Mike Oldfield car j’ai beau écumer les sites qui lui sont consacrés, impossible d’avoir des nouvelles concrètes depuis environ trois mois. C’est bizarre alors que le projet semblait si bien avancer juste avant l’été. Alors, s’agit-il d’une simple coïncidence mais ce silence total correspond à la date de sortie du Sanctuary II de Robert Reed. Je me demande si ce n’est pas lié au fait que Mike ait justement écouté l’album de Robert Reed. Peut-être s’est-il rendu compte que ses nouvelles compositions n’étaient pas (ou plus) au niveau de celles du disciple surdoué ? J’espère (encore) me tromper et voir débarquer, dans les mois à venir, un album digne, ou proche, de ses plus grands chefs d’oeuvre.