Robert Plant – Lullaby And … The Ceaseless Roar
Robert Plant
East West
Robert Plant, le légendaire chanteur de Led Zeppelin, sort tous les 3 ou 4 ans un nouvel opus solo. A chaque fois, l’artiste surprend par la direction musicale empruntée depuis « Dreamland » en 2002. Que ce soit rock, pop mélodique rêveuse, country folk, électro, ou world, sa voix d’or nous caresse de sa chaleur et nous embarque dans des voyages constamment réinventés. Un univers riche et en perpétuelle recherche, qui se renouvelle d’album en album. Sur cette nouvelle offrande, « Lullaby And … The Ceaseless Roar », Plant recrute une fois encore son groupe « The Strange Sensation » (sauf le batteur), les rebaptise « The Sensational Space Shifters », et part en transe sur les traces de la world africaine ou moyen-orientale, s’inscrivant en cousin d’un Paul Simon ou d’un Peter Gabriel. En effet, les instruments africains sont omniprésents, et Plant les utilise finement dans des titres d’une qualité et d’une exigence étonnantes. L’album ne plaira pas à tout le monde, c’est clair. Pas de « gros » morceaux qui resteront au panthéon de son auteur, mais un voyage spirituel, contemplatif, émotionnel, avec une modernité admirable dans ce mélange ethnique (Afrique, Pays de Galles, Moyen-Orient) où il fait bon se perdre. Et sa voix reste tout autant hypnotique, magnétique, … magique.
Dès « Little Maggie », reprise de Bob Dylan, Plant annonce la couleur : on part ailleurs dans un mélange contemporain curieux. En effet, une boucle électro se mélange avec un banjo, une sorte de violon africain et une batterie en décalage, le tout accompagné par une voix presque en retrait, qui souffle sa mélodie. C’est un régal musical. Sur « Rainbow », c’est à un Robert Plant calme et apaisé à qui l’on a affaire, promenant son timbre magnifique sur une mélodie de vieux sage. Avec une intro comme celle de « Pocketful Of Golden », on a l’impression d’être chez The Tea Party. Mais au lieu d’un déchaînement de guitare, on reste sur un titre atmosphérique world aérien absolument délicieux. Le cinématique « Embrace Another Fall » s’embarque sur des contrées celtiques pour un nouveau voyage musical, où d’un coup, la guitare électrique reprend ses droits, avant que Julie Murphy ne termine en gaélique le morceau. Étonnant et splendide. « Turn It Up » est plus nerveux, et Plant retrouve partiellement ses accents de blues rockeur. La balade « A Stolen Kiss », piano mis en avant, est pleine d’émotion dans son interprétation.
« Somebody There » est sans doute le titre le plus pop de l’ensemble, et contraste donc un peu trop avec le reste. « Poor Howard » revient à la world africaine pour un folk qui ne resterait que sympathique sans la constante invention du groupe. « House Of Love », sans relief, déçoit avant de se tourner vers le moyen orient en milieu de titre. Plus accrocheur, « Up On The Hollow Hill (Understanding Arthur) » retrouve le Plant griot, avec un titre surprenant, et un très beau travail sur les guitares, magistrales. En guise de conclusion, « Arbaden (Maggie’s Baby) » ressemble plus à un jam qu’à un véritable morceau, et du coup, nous laisse sur notre faim. Dommage pour un album aussi élégant et invitant au partage. On dirait que l’invité principal s’est éclipsé avant le dessert !
Quoi qu’il en soit, et malgré des faiblesses dans la deuxième partie de cet album, il faut saluer la démarche de Robert Plant qui ne regarde pas vers le passé et continue son exploration musicale, sans s’attacher à faire ce que les fans attendent de lui. A 66 ans, il fait partie de ces artistes qui ne se préoccupent pas de leur aura de légende, qui continuent à défricher, à s’intéresser au monde, et à proposer des voyages musicaux intelligents, réfléchis et exigeants. Une humilité plutôt rare. Ne passez pas à côté de cet album Prenez un billet pour ce trip qui vous surprendra et vous sortira de votre zone de confort.
Fred Natuzzi (8/10)
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