Robert Fripp – Exposure
Robert Fripp
Discipline Global Mobile
Vous êtes amateurs de King Crimson, mais les albums de son leader Robert Fripp vous ont toujours ennuyé à mourir ? C’est que vous ne connaissez pas le premier d’entre eux, « Exposure », mis au monde en 1979 ! A l’époque de son enregistrement, le Roi Cramoisi était mort et enterré depuis plusieurs années déjà, et aucune personne sensée n’aurait pu envisager la résurrection de ce fascinant Omni (Objet Musical Non Identifié). Le phénix renaîtra pourtant de ses cendres quelques mois plus tard, mais n’anticipons pas… C’est à cette période-charnière, entre la fin de l’âge d’or du progressif et l’avènement du punk, que le père Fripp se rappelle au bon souvenir de tous en publiant, avec le soutien d’un groupe au grand complet, sa première escapade en solitaire. Disons le d’entrée de jeu : « Exposure » n’a absolument rien à envier à la puissance des œuvres de Crimson. Il synthétise en effet un souci permanent d’expérimentation avec une violence larvée, un éclectisme prononcé et un sens de l’humour typiquement anglais.
L’inénarrable « I May Not Have Had Enough Of Me, But l’ve Had Enough Of You » (sans commentaire) se contente ainsi de nous répéter, sur tous les tons, que c’est comme cela et pas autrement. Sacré Robert, on ne le connaissait pas si farceur ! Mention spéciale également au morceau éponyme, éructé ici par Terre Roche, et à la sublime ballade « Here Cornes The Flood », qu’on retrouvera, dans une version notablement remaniée, sur le premier disque de l’archange Gabriel. Par ailleurs, on se souvient que maître Fripp avait produit, en 1971, le grandiose « Pawn Hearts » de Van Der Graaf Generator. Peter Hammill, l’éminence grise du Générateur fou, lui retourne le compliment en venant poser ses textes déjantés sur le furieux « Disengage ». Vous n’avez pas assez de noms à accrocher à votre tableau de chasse ? Signalons donc la présence, au sein de cette dream team de choc, de Phil Collins, Brian Eno, Tony Levin, Jerry Marotta et Michael Walden… Les connaisseurs apprécieront. En dépoussiérant cette galette, en lui joignant une sœur jumelle (un remix de l’album originel, mis en boîte en 1983) et en nous offrant, en guise de cerises sur le gâteau, cinq titres bonus du plus haut intérêt, le label Discipline Global Mobile nous gâte. Et pas qu’un peu, mon neveu !
Last but not least, on peut considérer, avec le recul, que cette cuvée 1979 a posé les fondations sur lesquelles a grandi le King Crimson des décennies suivantes. De nombreux riffs de « Thrak » doivent ainsi beaucoup, à titre d’exemple, à ceux de « Breathless » et « Urban Landscape ». Et ceci n’est qu’un exemple puisé parmi des dizaines d’autres, ce qui rend le petit jeu des comparaisons rapidement passionnant. Au final, voici un opus indispensable, tant pour les amateurs de crimsonneries que pour les fondus de musiques innovantes. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Bertrand Pourcheron (7,5/10)
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